Alors que Marsa Maroc et les quatre autres candidats présélectionnés attendent l'appel d'offres, la société civile camerounaise fait un plaidoyer pour que l'exploitation de cette infrastructure ne soit pas concédée à une entreprise étrangère. «Il n'y a aujourd'hui aucune raison valable pour que le terminal polyvalent soit confié à des étrangers, puisque les compétences nationales établies existent et demandent que le gouvernement de leur pays leur fasse confiance. Faute de le faire, cela reviendrait à continuer à abandonner 97 % d'un secteur hautement stratégique aux étrangers qui, pour certains, sont des adversaires». Telle est la substance d'un plaidoyer qui paraît dans la presse camerounaise et sur les réseaux sociaux du pays depuis le 25 avril dernier à l'initiative d'une organisation de la société civile dénommée ADISI-Cameroun (Association pour le développement intégré et la solidarité internationale). Ce plaidoyer vient au lendemain de la publication, le 20 mars 2014, de la liste restreinte des cinq entreprises retenues pour soumissionner à un futur appel d'offres en vue de l'exploitation du terminal polyvalent du port en eaux profondes de Kribi, actuellement en construction dans le sud du pays. Une liste dans laquelle figure Marsa Maroc aux côtés de APM Terminals BV (Pays-Bas), International container Terminal Services INC (Philippines), Groupement Necotrans/KPMO (Cameroun) et le groupement Sea Invest/CLGG (France). Le terminal polyvalent en question fait partie d'un complexe industrialo-portuaire, avec en outre un terminal hydrocarbures, un terminal à conteneurs et un terminal aluminium, etc. Lobbying «S'agissant des concessions dans ce nouveau port, écrit l'ADISI-Cameroun pour soutenir son plaidoyer, il faut relever que le terminal à conteneurs représente un enjeu dix fois supérieur à celui du terminal polyvalent. Son avenir est radieux. Mais, il faut avouer que seules certaines multinationales disposent à cette date de l'expertise nécessaire pour gérer un tel terminal à conteneurs !». En revanche, pour le terminal polyvalent, l'association réitère «qu'il n'y a aujourd'hui aucune raison valable pour qu'il soit confié à des étrangers». Invitant en conséquence le gouvernement à saisir l'occasion de «réaliser un doublé» : d'une part en assurant «le transfert d'une partie importante du marché très fermé de la manutention portuaire à des nationaux», et d'autre part, en intéressant «enfin les Camerounais à la mer et au transport maritime». Il est vrai qu'une bonne proportion de l'activité maritime au Cameroun est assurée par les étrangers : de la pêche dominée par les ressortissants des pays voisins (Nigeria, Bénin, etc.) à la manutention portuaire contrôlée au port de Douala (90% du commerce camerounais actuellement) par le français Bolloré, pour ce qui est du parc à bois et du terminal à conteneurs. Pour l'heure, le gouvernement camerounais n'a pas encore dit un seul mot en réponse au plaidoyer de l'ADISI-Cameroun. Sa dernière sortie officielle sur la question reste le communiqué du 20 mars 2014, portant publication de la liste des cinq entreprises retenues pour un appel d'offres à venir. En revanche, parallèlement à la diffusion de leur plaidoyer, les membres de l'ADISI-Cameroun font du lobbying pour faire entendre leur voix. Pendant ce temps, le dispositif se met peu à peu en place à Kribi. Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental, rapportait par exemple dans son édition du vendredi 2 mai la réception le 27 avril dernier à Guangzhou (Chine) de deux remorqueurs destinés à cette infrastructure, dont les travaux sont réalisés par la China Harbour Engineering Company. Selon les ingénieurs camerounais qui ont supervisé les travaux de construction de ces remorqueurs, ceux-ci «peuvent pousser des barques de plus de 4.000 tonnes» et «ont pour mission de porter assistance à tout navire en difficulté dans la zone» Ce port, qui attend son premier navire commercial d'ici juin 2014 a déjà vu accoster le 13 février dernier son tout premier navire, ayant à son bord les équipements nécessaires à son exploitation, à l'instar des portiques et des grues. Thierry Ekouti, Dir.pub-Le Quotidien de l'Economie (Cameroun) Eliminer le contraste Il y a de quoi soutenir l'un des messages les plus retentissants diffusés par les travailleurs camerounais à l'occasion de la 128e édition de la Fête du travail qui a été célébrée le 1er mai dernier à travers le monde. Au-delà des difficiles conditions générales de travail, ceux-ci ont saisi cette occasion solennelle pour réclamer la revue à la hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui est d'à peine 28 000 FCFA (42,6 euros) par mois. Or, depuis quelques années maintenant, l'économie camerounaise, comme celle de la plupart des pays du continent africain, connaît une croissance variant autour de 5% par an. Il est de bon ton que toutes les couches de la population profitent de cette renaissance, qui fait suite à une longue période de crise. Le Cameroun a paradoxalement le salaire minimum le plus bas de la sous-région. Loin derrière ceux de ses voisins aux économies bien plus modestes : Gabon (228,6 euros), Tchad (91,4 euros), Congo-Brazzaville (121,9 euros), Guinée équatoriale (195 euros) et même République centrafricaine où l'on parle de 53,3 euros. C'est un embarrassant contraste qu'il serait souhaitable d'éliminer. D'ailleurs, la tendance générale est à l'augmentation du SMIG. Et si ces derniers pays ont procédé à une réévaluation de leur SMIG ces dernières années, le Maroc vient de leur emboîter le pas en décidant d'augmenter son SMIG de 10%, à raison de 5% en 2014 et 5% en 2015. Si tant est que l'amélioration du quotidien des populations est au centre des politiques publiques, le Cameroun n'a aucun intérêt à rester en marge de cette mouvance.