Styliste qui commence à faire son bout de chemin et faire parler d'elle, Ghitta Laskrouif a su puiser dans la richesse du patrimoine marocain pour créer un souffle moderne entre hippie et vintage bien de chez nous. Rencontre avec un talent à l'état pur. «Mon style est «conceptuel», des pièces uniques totalement artisanales. Je crée une ligne de vêtements et d'accessoires de haute couture en série limitée (fait main et vêtements restylés), des articles qui combinent broderies, crochet, perlage, tricot et tissage à la main», commence Ghitta Laskrouif lorsqu'on lui demande de décrire son univers. Un univers bien tracé, avec beaucoup de personnalité et une touche bien à elle. Entre l'artisanat et le 2.0, la styliste a trouvé son modjo. «Je prends des photos, des notes mais c'est souvent le vêtement lui-même qui m'inspire lorsqu'il s'agit d'une pièce à recycler. Je joue sur les volumes, les lignes et les couleurs tout en restant minimaliste, m'inspirant de tout ce qui m'entoure, à savoir l'architecture, la nature, notre héritage. Créer un vêtement, c'est comme aménager un espace, relooker un intérieur, pour moi, c'est un espace de vie. Actuellement, je me concentre plus sur le fait de rendre mes créations de plus en plus confortables». Entre le fameux col et les T-shirts en forme de théière marocaine, Ghitta Laskrouif s'amuse à trouver des formes et des objets qui sont chers aux Marocains pour les rendre presque universels. Comme une seconde peau, c'est une voie toute tracée et qui peut paraître innée pour l'artiste, bien qu'elle ne l'ait pas toujours été. «J'ai toujours rêvé de faire partie du domaine artistique mais je n'avais pas la mode en tête, bien qu'à 18 ans je savais déjà coudre et faire des broderies. J'ai eu mon baccalauréat en arts plastiques, après je ne savais plus quoi faire, j'ai opté pour la déco d'intérieur ou l'archéologie, mais faute de moyens, j'ai fini par m'inscrire dans une école de mode qui était moins chère. Les études étaient très carrées, le marché encore plus. Je n'étais pas très satisfaite de mon choix. Après 2 ans d'études, j'ai eu mon diplôme et j'ai même pensé à changer de carrière, mais après, j'ai pu être entourée par des gens qui m'ont encouragée à continuer puis avec le temps, j'ai appris à apprécier la mode», raconte la styliste qui a toujours été influencée par tout ce qui est tribal et provenant de personnes comme Chalayan Yohji Yamamoto, Issey Miyake, Damir Doma ou Martin Margiela. «Je reste marocaine dans mes créations parce qu'avant tout ma cible est marocaine, je préfère que mes créations ne se limitent pas à fabriquer des vêtements neufs, de qualité et à les vendre, mon travail comprend également la collecte de vêtements en vue d'une réutilisation ou d'un recyclage, et ça c'est pour moi du «fun» et en même temps je considère le upcycling comme un devoir de citoyenne plus qu'un choix». En effet, Ghitta a également une main verte et cela se voit dans la nature de ses créations. «J'aime le changement et j'aime créer et présenter à chaque fois des styles différents. Je n'aime pas trop rester sur la même chose. Néanmoins, le fil conducteur entre toutes mes collections c'est le travail manuel, les volumes, les structures architecturales et le recyclage. Pour ma nouvelle collection, je travaille sur le thème micro-organique en m'inspirant du monde microscopique qui nous entoure. J'ai essayé de reprendre ses formes en me basant sur le détail. J'ai essayé de mélanger entre broderies contemporaines, perlage et crochet. Aussi, j'ai introduit plus de couleurs que d'habitude». Un travail qu'elle réfléchit en amont en s'entourant d'amis passionnés, prêts à l'aider. «Après avoir décidé du modèle, j'achète le tissu s'il le faut et je prépare mon prototype. S'entourer de personnes méticuleuses et positives est essentiel pour moi, ça m'encourage et m'aide dans mon processus de travail, j'ai des amis qui m'aident pour la photo à chaque fois que j'ai des articles prêts, je poste ces photos sur les réseaux sociaux afin de mieux communiquer sur mon travail». Une communication qui apporte ses fruits puisque sa page facebook et son blog sont alimentés régulièrement et beaucoup suivis par les afficionados du style et des modèles uniques et originaux. Ghitta Laskrouif s'était d'ailleurs fait remarquer avec une première collection lors de Festimode Casablanca 2007 avec deux autres stylistes, sous la griffe Mozarabe. Depuis, elle a présenté son travail au théâtre de Bruxelles, au Salon d'Ecorismo ainsi qu'à d'autres événements sur Marrakech. «J'ai collaboré avec Flou flou pour créer une collection capsule qui correspondait à la fois au style de leur clients et à mon style, tout en visant une autre cible qui est plus jeune pour la marque Flou flou. C'était une expérience industrielle et qui dit industrie, dit temps, équipe, coût de production... J'avais l'habitude de travailler en général avec des artisans et c'est très différent, c'est moins structuré. J'avais pour mission de dessiner l'ensemble des vêtements qui composent une collection de prêt-à-porter de 20 look ainsi que de choisir les matières, suivre la production des modèles approuvés avec les modélistes, le patronnier et les couturiers, etc». Un travail décalé et à mi-chemin entre l'Occident et l'Orient à découvrir «Chez Ilda», un nouveau concept Store au Maârif, à Casablanca.