C'est officiel, le ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle a publié une note "interdisant aux instituteurs d'organiser des cours de soutien payants au profit de leurs élèves". Des sanctions sont prévues contre les fraudeurs. Et c'est aussi un soulagement pour les parents d'élèves pris au piège d'un business très juteux. Fini les cours particuliers ? Rachid Benmokhar tape du poing. Le ministre de l'Education national vient de diffuser dans toutes les académies du royaume une note qui interdit formellement aux instituteurs «d'organiser des cours de soutien payant aux profits de leurs élèves». La décision a largement été commentée dans le milieu scolaire. Si les enseignants font grise mine, la nouvelle ravit de nombreux parents. En effet, ces derniers en avaient assez d'être pris en otage par des enseignants soucieux d'arrondir grassement leurs fins de mois sous prétexte de relever le niveau des élèves. Ces dernières années, le business des cours particuliers a pris une grande ampleur mais la qualité n'est toujours pas au rendez-vous. Pour preuve, le niveau des élèves est toujours aussi catastrophique. En tout cas, le ministère affiche sa ferme volonté de mettre fin au fléau. «Des sanctions disciplinaires seront prise à l'encontre de toute personne qui enfreindrait la loi». La mesure suffira-t-elle a endiguer le fléau et soulager des parents qui, déjà, se sacrifient aux quatre veines pour assurer la scolarité de leurs enfants ? Quels moyens le ministère compte-t-il mettre sur pied pour contrôler les enseignants ? De nombreuses questions se posent. Pour les membres d'une association de parents d'élèves d'un établissement public de Sidi Bernoussi, à Casablanca la mission du département de tutelle s'annonce difficile. «Il faudra bien plus qu'une note pour mettre un terme au problème des heures sup», renchérit un père de famille. Il faut dire, estime ce fonctionnaire, que la demande pour les cours particuliers a explosé, les parents souhaitant booster les performances de leurs enfants. «Seulement, les enseignants ont usé et abusé du système. Certains arrivent à tripler leur salaire». Le business est tellement juteux que des établissements se sont spécialisés dans les cours de soutien. Certes, il n'y a aucun mal à aider des enfants en difficulté scolaire mais le système a beaucoup dérivé. De fait, de nombreux enseignants n'hésitent pas à donner des cours particuliers à leurs propres élèves. Une pratique pas du tout déontologique et formellement interdite par la loi. «Mon fils avaient des notes catastrophiques en mathématiques. Après quelques heures de cours particuliers avec son professeur, les notes ont subitement grimpé. Mais je ne suis pas sûre de son niveau», explique cette maman devant une école privée spécialisée dans les cours de soutien scolaire, dans le quartier Aïn Sebâa. Ces cours supplémentaires lui coûtent 500 DH par mois, auxquels s'ajoutent 100 DH pour des frais d'assurances. Une somme conséquente pour cette mère de famille aux revenus assez modestes. Et déjà, le professeur de physique lui suggère «d'aider son enfant» dans cette matière mais elle ne peut assumer cette surcharge de frais. Pourtant, d'autres familles n'hésitent à se sacrifier, voire s'endetter pour donner des cours de soutien dans de nombreuses matières. Recevoir un bon bulletin à la fin du trimestre n'a pas de prix ! Un objectif largement exploité par des enseignants peu scrupuleux et avides de gains. Un business lucratif De 450 dirhams à 700 dirhams par mois ! Voire plus. Des cours de soutien, il y en a pour toutes les bourses. Le quartier de Sidi Bernoussi comporte plusieurs établissements assurant des soutiens scolaires dans toutes les matières. Cherif Al Idrissi, Khaled Bnou Al Oualid, Riad Assaada...etc. Les horaires habituels de cette activité, à savoir fin d'après-midi et début de soirée, trois fois par semaine, ne sont pas toujours compatibles avec la vie des familles de ces élèves. Certains finissent les cours jusqu'à 22 h. Et pendant la période d'examens, certains n'hésitent pas à dispenser des cours jusqu'à minuit. Comment un élève peut-il encore être assez concentré après une telle journée ? La situation exaspère Malika, qui, trois fois par semaine, accompagne sa fille au cours privés. «Le niveau des élèves est plus faible dans les écoles publiques que dans le privé. C'est à cause de ces enseignants qui ne font pas leur travail correctement. Et nous sommes pris en otage», accuse-t-elle. Malgré des revenus modestes, les familles veulent assurer à leurs enfants de toutes les conditions de réussite», lancent des parents d'élèves. Et visiblement, ces derniers ne décolèrent pas. «C'est un phénomène qui a fait tâche d'huile dans ce quartier où les écoles privés pullulent depuis quelques années», souligne ces mêmes voix. «On est vraiment indigné par ces professeurs et ces instituteurs qui ne font pas leur boulot correctement. Pour en avoir plusieurs dans mon entourage, je vois bien que tout n'est pas si rose dans nos écoles publiques dont certains «profs» n'hésitent pas à s'absenter pour faire des heures sup dans des écoles privés», dénonce Mohamed, membre d'une association de parents d'élèves d'un établissement du Maarif. Combien d'enseignants d'écoles publiques donnent des cours particuliers à leurs propres élèves ? Difficile de savoir avec exactitude le nombre de ces instituteurs qui donnent des cours particuliers. Certains enseignants vont même jusqu'à sécher les cours pour enseigner dans le privé. L'excuse avancée... «des salaires de misères» qui les poussent à chercher «à mettre du beurre dans les épinards». Bendaoud Merzaki Directeur du préscolaire et de l'enseignement privé/ complément reportage «heures sup» Les ECO : Est-ce que les enseignants des écoles publiques ont le droit d'enseigner dans des établissements privés ? Bendaoud Merzaki : De par la loi 06-00 selon les dispositions de cette loi, il y a un article qui stipule que dans des cas exceptionnels justifiés, les établissements scolaires privés peuvent recourir aux services des vacataires de l'enseignement publics et ce, dans une limite qui ne dépasse pas les 20 % de l'ensemble de l'effectif travaillant dans une école privée moyennant une autorisation dument délivrée par les services compétents, à savoir la délégation et l'Académie. Quelles sont les mesures à prendre par le ministère pour remédier à ce problème ? Les vacations données dans le cadre de la réglementation sont régies par une loi autorisant le « prof » du public à donner entre huit heures maximum par semaine pour certaines disciplines dont les « prof » sont rares dans le marché. Pour le primaire, l'enseignement privé est à 100 % autonomes. Le problème est un peu plus annoncé au niveau du lycée et il se pose avec acuité au niveau des classes préparatoires ou grandes écoles. Car les profils des agrégés n'est malheureusement disponibles que dans le public. Sur le marché, j'ai constaté moi-même une rareté au niveau des professeurs de français et de mathématiques. Nous sommes en train de prendre des mesures. Il s'agit notamment de la mise en place d'un programme gouvernemental, à savoir l' «initiative formation de 10.000 diplômés d'écoles normales supérieures pour le secteur privé» et «Académie Tadrisse». A priori, dans trois années, le ministère compte rappeler le secteur à l'ordre et à être autonome au niveau de ses ressources humaines. Qu'en est-il sur le plan réglementaire ? Nous sommes entrain de revoir les cahiers des charges et les textes de loi pour que, à l'avenir, au moment de leur ouverture, les écoles privées présentent un dossier techniques et un autre pédagogique. Ces dossiers doivent contenir également le «staff» pédagogique y compris les enseignants avec leur parcours, formation et qualification. Pensez-vous que cette mission sera facile ? Il y a un syndrome qui s'est installé et il faut l'éradiquer, mais moyennant la persuasion et la concertation. Certes, cela ne peut avoir lieu sans la résistance. Dès qu'on touche à des questions qui se rapportent à l'argent, on touche à des intérêts. Du coup, il y a des lobbyings et de la résistance.