Les résultats des consultations du FMI au Maroc du 5 au 19 décembre, ont mis du baume au cœur du gouvernement en cette période d'incertitudes. Un bilan plus que favorable de la santé économique du pays a été livré jeudi dernier lors d'un point de presse au ministère de l'Economie et des finances à Rabat. D'entrée de jeu, Jean-François Dauphin, chef de la mission du Fond monétaire international au Maroc, a parlé d'une amélioration des indicateurs en 2013 après une année 2012 difficile. Mieux encore, selon le responsable, la croissance du PIB devrait s'établir à 5%, soit plus que l'Exécutif ou Bank Al-Maghrib pouvaient l'espérer ou le prévoir, et ceci grâce à une récolte céréalière abondante, explique-t-on, sachant que le secteur non-agricole a été touché par la crise en Europe. L'inflation serait restée faible, selon le rapport ainsi que le déficit des transactions courantes. Grâce aussi aux investissements directs étrangers, les réserves de change sont restées stables autour de 4 mois d'importations, ce qui représente une marge assez correcte pour l'approvisionnement de l'économie nationale. Quant à la dette publique, elle reste soutenable et le déficit budgétaire se contracte grâce à des mesures appropriées. Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer, au contraire, au sujet des grands équilibres budgétaires. Quelles prévisions alors pour l'année 2014 ? Dauphin n'est pas moins optimiste quand il table sur un taux de croissance autour de 4% grâce cette fois-ci à une accélération des activités non-agricoles et dans l'hypothèse d'une campagne conforme à la moyenne. Cependant, la vigilance est de mise dans un contexte économique mondial fragile. Le rapport recommande que le gouvernement continue sur sa lancée pour rééquilibrer les comptes budgétaires et extérieurs, renforcer la compétitivité, assurer une croissance plus forte et riche en emplois, et améliorer la protection sociale, en particulier pour les populations les plus vulnérables. En tout cas, la prévision d'un déficit budgétaire en 2014 de 4,9% est un engagement clair de la part du gouvernement pour maintenir les équilibres macros. C'est important dans la mesure où cela permettra une marge de manœuvre pour investir dans les infrastructures, la santé ou l'éducation. Dauphin a bifurqué ensuite sur quatre points essentiels qui doivent faire l'objet d'une politique volontariste de la part du gouvernement. Résumons-les ainsi : d'abord, les efforts gouvernementaux en matière de réduction des exonérations fiscales, notamment dans le secteur agricole, et la réduction progressive de la charge de la compensation. Pas en reste aussi, la réforme urgente du système des retraites, malgré l'absence de visibilité à ce sujet. C'est primordial pour assurer à l'avenir la viabilité des finances publiques. Enfin, il est un sujet récurrent dont dépend la pertinence des politiques budgétaires de l'Etat à moyen et long termes, c'est la modernisation du cadre budgétaire via une nouvelle loi organique des lois de Finances. Sur un autre registre, la position extérieure du pays est tributaire d'une amélioration de la compétitivité. Le rapport tient compte des réalisations effectuées ces dernières années pour diversifier les marchés et produits d'exportation, tout en attirant davantage d'IDE. Toutefois, estime Dauphin, plus de flexibilité du régime de change jouerait en faveur de la compétitivité. Et d'expliquer que cette flexibilité est à même de renforcer la capacité de l'économie à amortir les chocs, et à accompagner l'internationalisation et la diversification des échanges extérieurs. Il est vrai qu'il s'agit là d'un sujet un peu sensible dans la mesure où BAM est restée inébranlable quant aux potentiels des risques de change, mais il paraît que des signes d'ouverture sur cette perspective commencent déjà à prendre forme. Parallèlement à cela, indique le rapport du FMI, la poursuite des réformes visant à améliorer le climat des affaires, la transparence et le système judiciaire est nécessaire pour continuer à attirer et stimuler l'investissement privé. Il est aussi important de mener des politiques appropriées pour enrichir la croissance par l'emploi. Accroître l'accès au crédit L'opinion du FMI sur l'évolution du secteur bancaire au Maroc est attendue par tous. On aurait tendance à penser que la frilosité est une caractéristique depuis l'éclatement de la crise. Néanmoins, le rapport du FMI parle des banques en termes positifs, estimant que le secteur reste stable dans son ensemble. «Nous soutenons les efforts de Bank Al-Maghrib pour renforcer son dispositif de supervision bancaire, y compris par l'adhésion progressive aux normes de Bâle III, et assurer un provisionnement adéquat des créances en souffrance, qui ont légèrement augmenté cette année», a souligné J.F Dauphin. Le responsable a mis l'accent sur l'importance d'élargir la bancarisation et l'accès au crédit pour les PME afin d'accroître le potentiel de croissance de l'économie. Compensation, la réforme s'impose La mission du FMI au Maroc, qui s'est étalée sur deux semaines, s'inscrit également dans le cadre de la troisième revue des résultats économiques enregistrés par le pays dans le cadre de l'accord visé par la Ligne de précaution et de liquidité (LPL). Cette ligne, approuvée en août 2012 pour une période deux ans, est d'un montant avoisinant 6 milliards de dollars (700% de la quote-part du Maroc). Il s'agit en fait d'une sorte d'assurance pour l'économie nationale de sorte à parer toute dégringolade de l'économie mondiale. La LPL coûte tout au plus 14 millions de dollars par an, ce qui n'est pas payé cher selon les spécialistes des questions financières. Interrogé par Les Eco, Jean-François Dauphin, chef de la mission du FMI au Maroc, confirme que la LPL est un instrument destiné à des pays où les performances économiques sont bonnes. «C'est une sorte de parapluie en cas de détérioration sévère de l'économie mondiale», ajoute le responsable qui se veut rassurant à ce niveau. Cependant, il faut également rappeler qu'en accordant la LPL, le FMI a exigé en contrepartie des réformes, principalement celle du système de compensation. L'application de l'indexation représente certes une issue de secours, mais elle ne peut se substituer à une refonte des subventions pour qu'elles soient plus ciblées et surtout plus équitables. Quant à l'application de l'indexation sur les prix des carburants, Dauphin estime qu'il s'agit là d'une bonne réforme dans la mesure où elle diminue la vulnérabilité du budget de l'Etat. Tout en reconnaissant le rôle joué par un régime de change stable durant la dernière décennie, Dauphin pense qu'il est temps de passer à plus de flexibilité. Il explique que cela permettra à l'économie d'améliorer sa compétitivité, dans l'ambition de faire du Maroc un hub des échanges commerciaux dans la région et dans le monde. Il faut dire que les conclusions du FMI arrivent à point nommé, dans une période où le budget de l'Etat fait l'objet de débats serrés au Parlement. Le fait que le verdict soit positif conforte en quelque sorte la majorité dans ses choix budgétaires et donne un nouveau souffle à la nouvelle équipe gouvernementale.