Une petite révolution est en marche dans le milieu des télécommunications et plus particulièrement celui d'Internet, avec l'avènement prochain d'un nouveau protocole de réseau sans connexion, l'IPV6 (voir encadré). À en croire les experts, le passage à cette technologie n'est plus un luxe, mais une nécessité. Dans son dernier rapport sur les perspectives des communications 2013, l'OCDE revient sur «l'urgente nécessité de progresser dans la mise en œuvre d'IPv6, afin de maintenir les marchés sans fil ouverts à de nouveaux acteurs et de répondre à la demande». À ce jour, l'Asie-Pacifique et l'Europe ont épuisé le stock d'adresses IPv4 (Internet Protocol version 4 actuellement le protocole le plus utilisé notamment au Maroc) dans le cadre des procédures normales. L'Afrique, l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud vont à terme épuiser l'espace d'adressage qui leur est attribué. Pour y pallier, l'IPv6, s'il vient à être installé, offre un espace d'adressage pratiquement illimité. Cependant, si plus de la moitié des équipements routés sur l'Internet par fil est capable aujourd'hui de traiter le trafic IPv6, moins de 1% de ce matériel est connecté à un service sous IPv6. C'est dire que le défi est d'abord à relever au niveau de l'infrastructure. Ce mouvement mondial n'a pas épargné le Maroc : «Un comité interministériel planche actuellement sur cette question et prépare la transition», affirme Ahmed Khaouja, directeur central de la concurrence au sein de l'ANRT. Le Maroc a tenté tant bien que mal d'anticiper cette situation. Le plan Maroc Numeric, piloté par le département de l'industrie du commerce et des nouvelles technologies a intégré, dès sa mise en place, un volet de réforme concernant ce point en particulier. Un plan d'action a été élaboré autour de quatre piliers stratégiques. Il s'agissait tout d'abord d'inciter les opérateurs à proposer des offres commerciales de connectivité IPv6 avant fin 2012. Connaissant le retard qu'a connu tout le programme, ce projet a trébuché. Ensuite, les différents départements concernés devaient garantir la conformité IPv6 des composants des systèmes d'information présents sur le territoire national. Un travail de sensibilisation et de promotion a également été prévu vis-à-vis des acteurs de l'écosystème IP, notamment le entreprises. Enfin, la stratégie a mis l'administration comme locomotive en vue d'assurer l'existence d'une demande qualifiée. «Ces piliers stratégiques ont été traduits en 35 actions dont le pilotage est assuré par le comité national IPv6, qui a été institutionnalisé en février 2013 et rattaché au Conseil national des technologies de l'information et de l'économie numérique (CNTI), présidé par le chef de gouvernement», souligne Badr Boubker, directeur de l'économie numérique au sein du ministère de l'Industrie du commerce et des nouvelles technologies. Il y a lieu de noter que ce comité national réunit les principaux acteurs concernés (publics, privés, académiques, société civile) par la problématique de la transition. Et pour cause, le déploiement de l'IPv6 constitue un enjeu majeur pour le Maroc. À l'heure de la prolifération des réseaux sociaux, où Internet n'est plus utilisé uniquement par les administrations, les entreprises et quelques initiés, l'enjeu de l'IPv6 est indéniable. Techniquement, une évolution de l'architecture de réseaux opérationnels et l'élargissement de ses capacités sont incontournables en vue de prendre en compte des millions d'utilisateurs et davantage encore de «machines» communicantes. «Cette mutation est un facteur de développement considérable pour de nombreux secteurs industriels, notamment celui des services», explique une source au ministère de l'industrie. Enfin, les nouvelles capacités d'Internet auront, à travers des diverses applications, une influence directe sur notre vie quotidienne. «En effet, la mise en œuvre du plan d'actions national IPv6 permettra de développer des offres de services et d'applications en mesure de créer des richesses et de la croissance au travers de nouvelles applications dans de très nombreux domaines : éducation, transport, industrie, loisirs, santé, sécurité, commerce, recherche et développement etc», souligne Badr Boubker. C'est dire que la toile marocaine est en train de vivre une réelle transformation en vue de se conformer à un usage de plus en plus généralisé du réseau. Selon les experts, il est attendu que non seulement nos smartphones, nos téléviseurs, mais également nos appareils électroménagers et nos voitures seront désormais connectés à Internet. Lorsqu'on connaît comment le nombre d'abonnés Internet a substantiellement grimpé durant ces dernières années et la lenteur avec laquelle le plan Maroc Numeric a été exécuté, on ne peut que s'inquiéter pour le futur de cette technologie. L'avenir nous en apprendra certainement davantage. Internet plus flexible L'IPV6 est un protocole disposant d'adresses de 128 bits au lieu de 32 bits actuellement dans le cadre de l'IPv4. Il profite ainsi d'un espace d'adressage très important, voire illimité. Cette quantité d'adresses permet une plus grande flexibilité dans l'attribution des adresses et une meilleure agrégation des routes dans la table de routage d'Internet. À ses débuts, le réseau Internet était utilisé largement par les universités, les industries de pointe et le gouvernement, mais Internet intéresse de plus en plus les particuliers, les entreprises et les sociétés commerciales. Le développement technologique a également changé les habitudes de consommation. Ainsi, il est attendu que chaque poste de télévision devienne en soit un équipement d'accès à Internet au même titre qu'un ordinateur. Cela devrait permettre à des milliards d'individus de recourir à la vidéo à la demande, au télé-achat ou au commerce électronique. Pour les experts, ce nouveau protocole devrait, à termes, supporter des milliards d'ordinateurs, en se libérant de l'inefficacité de l'espace des adresses IP actuelles.