Si l'aménageur-développeur étatique n'arrête pas de défrayer la chronique, c'est que le spectre de son intervention est très étendu : la construction et la promotion immobilière, la lutte contre l'habitat insalubre, la politique des villes nouvelles, la mise à niveau des centres urbains. Des chantiers à haut risque que le holding s'attèle mener à bon port. «Notre intervention est multiforme. Pour faire court, disons que nous sommes la maîtrise d'ouvrage délégué de l'Etat. On veille à la mise en place de la politique urbaine du gouvernement et sur ce registre, force est de constater que les besoins sont importants», résume Badr Kanouni, président du directoire d'Al Omrane, qui a été l'invité des Inspirations ECO. Question : Pourquoi Al Omrane s'attire les foudres de plusieurs intervenants du secteur (et des élus de la nation) ? «Pour s'acquitter de sa mission, Al Omrane doit composer avec plusieurs intervenants : les promoteurs privés, les architectes, les topographes, les bureaux d'études et il est clair que nous ne pouvons pas plaire à tout le monde. Ceux qui ne décrochent pas de marchés avec le holding ont tendance à le fustiger en mettant tous les maux du secteur sur son dos. Quant à nous, nous continuons à faire notre travail sereinement et les résultats sont là pour nous juger», répond le patron du holding public qui avance avec fierté les réalisations de son entreprise : 36 MMDH investis durant les cinq dernières années, 540.000 logements générés, 4 millions de bénéficiaires. Orientations «Certes, le besoin en logement a diminué de manière significative ces dernières années, mais chaque année des besoins supplémentaires apparaissent. Il ne faut pas oublier que la population urbaine représente près de 53% des habitants avec quelque 6 millions d'habitants qui devront s'y ajouter. Cela demande un grand travail en amont et des investissements importants», indique Badr Kanouni. Le soutien de l'Exécutif est donc indispensable pour que le holding puisse mener à bien sa mission. Seulement, le holding n'arrive toujours pas à décrocher son contrat-programme avec l'Etat, fin prêt depuis des mois déjà. Les causes du retard ? «Le contrat est dans la dernière ligne droite. Si tout va bien, il devrait voir le jour dans les semaines qui viennent. Ce n'est pas une mince affaire car plusieurs intervenants, au niveau central mais aussi régional et local, ont un mot à dire», explique Badr Kanouni, pour qui l'accompagnement de l'Etat doit se faire à trois niveaux : sur les plans financier, foncier et administratif. Les grands axes de ce contrat-programme ? «Je préfère attendre la validation de la version finale, mais, en gros, nous continuerons sur la même voie. Notre cœur de cible restera la population la plus démunie avec notamment les logements à 140.000 DH, mais aussi les opérations de recasement, la requalification urbaine, la restructuration.», explique le top management d'Al Omrane. Une mission en phase avec les orientations stratégiques de la déclaration gouvernementale qui prévoit qu'à terme, Al Omrane se concentre sur les programmes à faible valeur immobilière (140.000 DH). Seulement voilà, le holding s'ouvre sur d'autres horizons. Logement de la classe moyenne : «Nous y allons comme initiateur» En effet, face au niet des promoteurs immobiliers privés pour se lancer dans le logement dédié à la classe moyenne et en dépit des incitations fiscales, Al Omrane a fait cavalier seul pour sauver la mise. L'aménageur public s'apprête ainsi à commencer la construction de plus de 1.100 habitats qui entrent dans le cadre du nouveau dispositif pour le logement de la classe moyenne dans les villes d'Agadir, de Nador et dans la ville nouvelle de Tamesna. Une opération de sauvetage quitte à s'égarer de la ligne tracée par l'Exécutif ? «Pour accompagner ce besoin en logements pour la classe moyenne, nous nous positionnons d'abord comme un aménageur de foncier. Nous souhaitons que le gros de notre contribution soit dans l'aménagement du foncier pour baliser le terrain aux promoteurs privés, qui veulent se lancer sur ce segment, mais par la même occasion, en tant que bras armé de l'Etat, nous lançons des projets modèles, comme sur les autres segments. Il faut rappeler aussi que, depuis toujours, près de 20% des produits d'Al Omrane sont destinés à la classe moyenne», explique le patron d'Al Omrane. En d'autres termes, le holding y va pour montrer le chemin aux opérateurs privés ! Le management ne s'en cache pas : «Sans aller concurrencer les autres promoteurs, notre politique consiste à initier des projets démonstrateurs en termes de superficie et d'efficacité énergétique. D'ailleurs, sur les 9 projets retenus par l'Union européenne et l'Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ADEREE), 5 appartiennent à Al Omrane. Pour la classe moyenne, c'est la même chose». Néanmoins, pourquoi jeter son dévolu sur des villes comme Nador ou Tamesna, alors qu'une demande forte sur ce segment existe plutôt sur l'axe Casa-Rabat ? «Le choix est fortuit car il est quasiment impossible de trouver du foncier dans les centres urbains. C'est un vrai défi.», explique Badr Kanouni. Pourtant, Al Omrane est critiqué pour avoir sous la main des parcelles non négligeables du foncier public ! Le foncier ? Parlons-en ! Pour le patron du holding public, il faut démystifier cette question du foncier : «Al Omrane est attaqué sur ce front parce qu'on ne comprend pas son rôle. De par sa mission de service public, le holding ne vise pas à faire du bénéfice. Près de 70% du foncier dont on dispose doit être utilisé pour répondre aux commandes de l'Etat et dans des villes qui connaissent des besoins sociaux importants comme Casablanca, Marrakech ou Rabat, la tâche qui consiste à trouver du foncier n'est pas facile». Une estimation de ce foncier ? «Beaucoup moins que celui dont dispose les opérateurs privés», rétorque du tac au tac Badr Kanouni. Pour les chiffres, il faudra repasser, «mais notre souhait est de développer ce foncier avec (et pour) le privé, parce que nous ne pouvons pas construire toutes les terres que nous développons», explique-t-il. Le holding tend la main donc au privé, encore faut-il que les règles du jeu concernant les passations de terrains soient claires. Sur ce point aussi, une salve de critiques est adressée au holding, mais à en croire le patron d'Al Omrane, les choses ont changé : «Nous avons revu de fond en comble notre politique foncière de partenariat avec le privé. Ainsi, nous avons catégorisé les promoteurs en fonction de leur taille (petits, moyens et grands, plus les institutionnels) et la cession du foncier se fait selon les capacités du promoteur. Nous avons également défini un prix en fonction de la nature du projet : (logements à faible valeur immobilière totale (FVIT), social, et tout cela se fait dans les règles de l'art avec des appels à manifestation d'intérêt».