Le premier coup de pioche des travaux d'aménagement du port Nador West Med n'aura, finalement, pas lieu en 2010. Le premier appel d'offres (AO) relatif à ce projet vient tout juste d'être publié (ouverture des plis en septembre prochain). Cet AO ne concerne pas le plan de la gigantesque plate-forme portuaire de Nador, mais plutôt ce qu'on appelle les «ouvrages de protection et de dragage», première étape dans tout projet d'infrastructures portuaires. L'appel d'offres relatif à la construction du port en lui-même, censé être publié fin avril dernier, lui, a été reporté à la dernière minute. Et pour cause : les officiels hésitent toujours quant à la configuration du futur terminal pétrolier de Nador, supposé accueillir de gigantesques tankers et navires de transbordement pétrolier. Selon nos sources, des experts ont interpellé les responsables en charge du projet afin d'«éviter certaines erreurs stratégiques». Contactée, l'Agence nationale des ports n'a pas répondu à nos questions. Des sources fiables en interne (sous couvert de l'anonymat) nous ont quand même confirmé le report. Un port en offshore A en croire certaines sources proches du dossier, les officiels penchent actuellement pour l'idée de construire un bassin abrité par des digues (comme à Tanger Med). «Ce sera une erreur à ne pas commettre !», prévient Najib Cherfaoui, expert maritime. Selon lui, ce serait dépenser des millions de dirhams sur des travaux qui, au final, «ne serviraient pas à grand-chose». L'expert avance plusieurs arguments. D'abord, la composition géographique du site. «Le flanc ouest du Cap des Trois Fourches est idéal pour l'implantation du projet Nador Med», explique-t-il. Le site est en effet situé sur la route maritime est-ouest. C'est aussi la partie de la Méditerranée la moins gênée par le trafic incessant des navires, ce qui ramène à zéro les temps morts de navigation. Sans oublier que la zone d'établissement est totalement protégée des houles en provenance de l'est de la Méditerranée et qui sont les plus dures et les plus menaçantes, ce qui réduit les périodes d'arrêt de travail. «Pourquoi construire un bassin abrité par des digues alors que le site est déjà protégé par la nature ?», s'interroge notre source. Quel scénario adopter ? «Il faudra plutôt opter pour un aménagement portuaire bipolaire composé d'un couple de bouées SPM en offshore pour la réception des grands tonnages et d'un port à usage domestique -10 m de tirant d'eau- établi sur la frange littorale», explique Cherfaoui. Cette option serait moins coûteuse et facilement maniable, selon lui. Une solution pratique Sur le terrain cela donnerait le décor suivant : deux bouées ancrées au large par des profondeurs comprises entre 50 et 300 m. Ces bouées fonctionneront comme points de déchargement et de chargement en haute mer de pétrole brut. Dites SPM (Single Point Mooring), ou «point d'ancrage unique», elles sont en général stabilisées au moyen d'un faisceau de chaînes (4 à 8) fixées sur le fond marin. «Ce système augmente considérablement les capacités de transbordement, car chaque bouée dispose d'un débit de 10.000 tonnes/heure», soulignent les experts. Pour la petite histoire, les bouées SPM ne sont pas une nouveauté au Maroc. Au contraire, notre pays serait l'un des pionniers en la matière. L'accueil des grands bateaux-citernes en «sea-line» a lieu pour la première fois en 1952 à Fédala (Mohammedia), où les Marocains avaient implanté un poste de déchargement en haute mer pour gros navires pétroliers. Toutes ces recommandations ont été transférées selon nos sources par un collectif d'experts aux responsables du projet Nador West Med. Ce qui expliquerait, toujours selon nos sources, le report du lancement de l'appel d'offres. Rappelons qu'au départ, l'ambition du Maroc était de se doter d'une plate-forme à Nador de «stockage de produits pétroliers pour approvisionner non seulement le Maroc mais les pays de la région». L'idée était que les opérateurs et raffineurs mondiaux acheminent directement les cargaisons au Maroc, les stockent et les distribuent par la suite vers les pays clients. Le port devrait être fin prêt en 2015. Deux fois Tanger Med C'est en février dernier que les officiels semblaient avoir finalement tranché quant à la vocation du projet titanesque Nador West Med. Le conseil d'administration de Nador West Med S.A, société gestionnaire du projet de complexe portuaire situé sur la baie de Betoya, à l'ouest de la ville de Nador, semblait privilégier l'option d'un port pétrolier plutôt que celle d'un port de transbordement de conteneurs à Nador. Le premier noyau portuaire serait principalement axé sur les hydrocarbures. Mais il reste toujours plusieurs questions en suspens. Car à part la création de Nador West Med S.A et la nomination de Mehdi Tazi-Riffi comme directeur général de ladite société, la configuration du port et le coût ne sont pas encore déterminés. Mais, surtout, qui va financer la nouvelle infrastructure (budget de l'Etat, endettement, construction par un privé et concession d'exploitation...) ? Dans un communiqué officiel, on annonce que Nador West Med S.A supervisera en 2010 la commercialisation et la recherche de partenaires industriels pour le développement de la zone franche.