Les agents et courtiers, de même que leurs clients, ont du mal à renoncer à cette pratique. Ils continuent de négocier avec les compagnies pour ne pas mettre leur trésorerie sous pression. L'autorité des assurances prépare une nouvelle circulaire avec des dispositions coercitives et des pénalités. Encore un texte inapplicable ? Tout porte à le croire…, du moins pour l'instant. La circulaire de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) sur le recouvrement des primes de l'assurance automobile, entrée en vigueur le 1er avril pour interdire aux intermédiaires d'accorder des facilités de paiement aux assurés, n'est pas respectée sur le terrain. Il faut dire qu'avant même son adoption, agents et courtiers avaient fait part à maintes reprises de leurs inquiétudes par rapport à la suppression de la vente à crédit. «L'entrée en vigueur brusque de cette circulaire peut mettre à l'arrêt toute notre activité. Actuellement, au lieu d'étaler le paiement de la prime sur quatre ou cinq échéances comme nous le faisions auparavant, la majorité des agents convient avec les clients de se limiter à deux chèques encaissables sur deux mois, tout en leur rappelant le changement de la réglementation», confie un agent. En clair, le réseau de distribution n'a pas pu sacrifier cet argument commercial qui répond, selon plusieurs agents, à un réel besoin des clients qu'ils considèrent comme un droit. D'après notre enquête, plusieurs agents et courtiers ont appelé leurs clients pour leur annoncer qu'ils pourront toujours bénéficier de facilités de paiement à l'occasion du renouvellement de leur police d'assurance. Les compagnies d'assurance confirment ce constat. Le président d'un grand établissement de la place confie que les nouvelles dispositions ne sont pas appliquées «comme il se doit». Et selon nos informations, plusieurs cas de non-conformité ont été relevés sur le terrain par les contrôleurs de l'ACAPS qui ont été dépêchés pour mener des visites inopinées chez les agents et courtiers en vue de s'assurer de l'application du nouveau texte. Moins catégorique, une source très bien placée à la Fédération marocaine des sociétés d'assurance et de réassurance (FMSAR) rappelle que, comme pour toute nouvelle réglementation, il existe des petits soucis au début. «Sauf que dans ce cas d'espèce, tout écart nuit à l'esprit de la circulaire qui veut installer le paiement des primes d'assurance au comptant comme réflexe», commente une source du secteur qui rappelle le volume préoccupant des primes non encaissées. Le stock des primes non recouvrées s'élève à près de 7 milliards de DH Selon les chiffres de la profession, aujourd'hui entre 40 et 50% des primes ne sont pas recouvrées à la fin de l'année. Leur stock s'élève à près de 7 milliards pour l'ensemble du secteur, toutes branches confondues. De surcroît, les assureurs trouvent une grande difficulté à distinguer entre les impayés des assurés et ceux qui relèvent de la pure rétention des primes par les intermédiaires. A ce titre, la nouvelle circulaire qui précise minutieusement les rapports entre agents et assureurs dans la convention de collaboration semble se confronter à un autre écueil. «Beaucoup d'intermédiaires qui ont pris l'habitude d'agir avec une certaine flexibilité dans le reversement des primes ne vont pas pouvoir se conformer immédiatement aux nouvelles dispositions. Il leur faudra du temps pour assimiler les nouvelles règles du jeu», souligne un assureur. Sur le terrain, les agents continuent de négocier activement avec les compagnies -qui n'ont pas trop le choix- pour ne pas mettre leur trésorerie sous pression. Les uns proposent de payer avec des effets de commerce, d'autres négocient le paiement fin de mois, tandis que le reste a demandé de reverser 50% des primes encaissées fin de mois et 50% le mois suivant, sachant que légalement le réseau de distribution dispose aujourd'hui de 15 jours pour reverser les primes encaissées. L'apurement du stock des anciennes créances figure également en tête des points à négocier. Les compagnies affirment traiter au cas par cas le remboursement des stocks selon le niveau d'endettement, la capacité à rembourser et le niveau des charges de structure de l'intermédiaire. D'après le management de la FMSAR, plusieurs réunions avec les agents et courtiers et les responsables de l'ACAPS ont été tenues (et d'autres sont programmées) pour statuer sur ces points liés à la trésorerie, évaluer l'entrée en vigueur de la circulaire et dépasser les blocages remontés. Quoi qu'il en soit, l'ACAPS ne veut manifestement pas se faire marcher sur les pieds. Selon des sources très proches du dossier, le gendarme du marché est en train de préparer une nouvelle circulaire qui viendra incessamment en renfort à la première. Deux apports majeurs : des dispositions coercitives et des pénalités pour pousser les agents récalcitrants à ne plus pratiquer la vente à crédit ; et l'obligation pour les compagnies d'assurance de provisionner les primes non encaissées. «Nous allons pousser pour une adoption en douceur des nouvelles règles du jeu puisque cette évolution réglementaire est tout un gain pour les intermédiaires et les compagnies. Elle vise justement à protéger en premier lieu les agents et courtiers contre les risques d'impayés et apporte plus de transparence dans les relations des compagnies avec leurs réseaux», conclut un membre de la FMSAR. [tabs][tab title ="L'assurance à crédit bien accueillie par le marché"]Selon des assureurs, les solutions de financement des primes d'assurance nouvellement mises sur le marché sont demandées. Le réseau de distribution les propose systématiquement. Chez Wafa Assurance, seul opérateur qui propose le produit à ce jour, depuis la mise sur le marché du produit, plusieurs dossiers ont été financés. «La formule crédit est très bien accueillie par le marché, d'autant plus que les documents à fournir sont très réduits et le financement se fait en quelques heures», souligne une source de la compagnie. Une chose est sûre, le besoin et le potentiel existent. Pour les opérateurs, avec une moyenne de 2 000 DH par police, entre 30 et 40% des primes des voitures de tourisme sont payées aujourd'hui à crédit, soit environ 3 milliards de DH de potentiel pour les compagnies.[/tab][/tabs]