Selon un expert juridique, les secteurs les plus à même à recourir aux PPP sont régis par des réglementations sectorielles qui ne s'accordent pas avec la loi. Le ministère de l'économie et des finances insiste pour sa part sur le fait que tous les secteurs peuvent faire appel au partenariat avec le privé Flou juridique autour de la loi sur le partenariat public-privé ! Mohamed Mernissi, professeur universitaire et membre de la Cour marocaine d'arbitrage, a soulevé la problématique lors de son intervention à la conférence sur les partenariats public-privé (PPP) organisée, lundi 18 janvier, par l'ISCAE et le cabinet d'avocats Bird &Bird. En fait, ce n'est pas le contenu en soi de la loi qui est critiqué, mais surtout l'existence d'autres textes réglementaires régissant des secteurs qui sont pourtant censés être une locomotive des PPP. C'est le cas par exemple des secteurs de l'aéroportuaire, du portuaire, des autoroutes ou encore des énergies. Mohamed Mernissi relève en effet que ces secteurs disposent aujourd'hui de leurs propres réglementations qui autorisent des partenariats avec le secteur privé, mais généralement sous forme de concession ou de gestion déléguée. Or, aucune de ces deux formules ne peut être assimilée au partenariat public-privé au sens qu'introduit la loi 86-12 relatives aux PPP. «On fait souvent l'amalgame entre des partenariats entre des établissements publics et des entreprises privées, et les PPP au sens propre de la loi», souligne Mohamed Mernissi. En réponse, Najat Saher, chef de la division PPP à la Direction des établissements publics et privés au sein du ministère de l'économie et des finances tente de rassurer. «Tous les secteurs peuvent aujourd'hui faire objet de PPP selon les termes de la loi», insiste-t-elle, confirmant ainsi de précédentes déclarations du ministre de l'économie et des finances qui précisaient que «des contrats PPP peuvent être conclus dans tous les secteurs où le secteur public est présent». Toutefois, une question demeure posée : si la loi 86-12 n'abroge pas clairement les textes sectoriels en vigueur, n'y a-t-il pas un conflit réglementaire ? Un établissement public peut discuter avec des opérateurs privés pour affiner le marché qu'il souhaite lancer Les pouvoirs publics ont semble-t-il omis de s'intéresser à cette question lors de la préparation de la loi 86-12. C'est du moins ce que l'on peut déduire de l'intervention de Mohamed Mernissi. Cela ne remet cependant pas en cause l'intérêt de ce nouveau texte qui, de l'avis unanime des participants, apporte une solution réelle à l'Etat pour faire face aux défis qui l'attendent en matière de financement des projets. Pour subvenir aux besoins en investissements dans des secteurs comme le transport (routes et autoroutes), le ferroviaire ou encore les énergies, il est appelé à mobiliser des enveloppes de plusieurs centaines de milliards de DH. Or, quand bien même ces investissements se feraient sur plusieurs années, voire des décennies, le budget de l'Etat n'est pas suffisant pour couvrir des montants pareils. D'où l'intérêt de la loi qui est censée encourager le privé à s'impliquer dans ces projets. Les intervenants ont insisté sur le fait que la loi a instauré de nouveaux modes de conclusion des partenariats, hors les classiques appels d'offres. C'est le cas du «dialogue compétitif» et des offres spontanées. Aujourd'hui, un établissement public peut discuter au préalable avec des opérateurs privés pour affiner le marché qu'il souhaite lancer, ou recevoir des propositions de projets de la part d'opérateurs privés. «Dans tous les cas, l'organisme public a l'obligation de mener une évaluation préalable du projet pour s'assurer que le PPP est le moyen le plus pertinent pour le réaliser», explique Najat Saher. Cette dernière reconnaît que son département est de plus en plus sollicité par des établissements publics pour des offres spontanées ou des attributions directes, mais celles-ci sont souvent rejetées jusqu'à ce que l'évaluation soit menée. Cette dernière constitue une étape importante pour la réussite du projet car elle permet de définir précisément les besoins et les engagements que devrait prendre chaque partie. «La consigne donnée par le ministère des finances à tous les organismes publics, y compris les ministères, est de bien travailler l'amont des projets, notamment la phase de l'étude d'évaluation», ajoute Najat Saher. Par ailleurs, la représentante du ministère de l'économie et des finances annonce que 7 à 8 projets sont déjà lancés dans le cadre de la loi sur les PPP. [tabs][tab title ="L'aéroport de Tit-Mellil en PPP ?"]A en croire Zouheir El Aoufir, directeur général de l'ONDA, le secteur aéroportuaire compte bien sur les PPP pour mener à bien les différents investissements nécessaires pour développer la carte aéroportuaire du Maroc. Et l'aéroport de Tit-Mellil devrait vraisemblablement être le premier à faire l'objet d'un PPP, vu qu'il nécessite un investissement important. «L'objectif est d'en faire le Bourget marocain», illustre-t-il. Par ailleurs, le patron de l'ONDA annonce le lancement d'une étude sur les besoins en investissement sur les cinq à dix années à venir, avec comme objectif de définir une stratégie et un modèle de partenariat public-privé pertinent pour le secteur. Pour rappel, le ministre de l'équipement et du transport avait entamé depuis deux ans une réflexion sur le développement des PPP dans les aéroports de manière à faire face rapidement aux besoins en investissement.[/tab][/tabs]