6,5 milliards de DH de créances compromises et 3,9 milliards de créances contentieuses ! Depuis mai 2003, le recouvrement a permis de récolter à peine 1,6 milliard de DH. Au ministère de la Justice, une cellule sera spécialement dédiée aux dossiers BNDE. En ce mois d'avril 2005, la BNDE fêtera «l'an deux» de son plan de redéploiement. Mais où en est aujourd'hui la liquidation du mastodonte ? Apparemment, presque tous les chantiers du plan sont quasi bouclés. Presque, car il reste peut-être le plus épineux, celui des créances en souffrance. Un premier chiffre pour illustrer l'ampleur du problème : des milliards de DH sont encore dehors… chez les ex-clients de la banque. Plus précisément, le montant du portefeuille des créances, tel qu'il figurait au bilan au 31 décembre 2004, s'élève à 11,7 milliards de DH, soit un peu plus que le montant payé par Méditel pour l'acquisition de la seconde licence du fixe en 2000 ! Ce chiffre fait peur, certes, mais il faut néanmoins atténuer l'ampleur du problème. Et ce pour deux raisons. La première est que les 11,7 milliards constituent en fait ce qu'on appelle un encours de crédits bruts. Dans le jargon des banquiers, ce terme désigne l'ensemble des crédits accordés non encore remboursés auxquels sont rajoutés les intérêts et surtout les agios réservés qui viennent gonfler la facture. Quand on fait abstraction de ces «extra», les créances en souffrance hors agios réservés retombent à un niveau moins important, mais tout aussi alarmant, de 4,7 milliards de DH. Ali Harraj, le DG de la BNDE, se montre toutefois serein face à cette situation du moment que les créances en souffrance sont aujourd'hui suffisamment bien provisionnées. La deuxième raison est que dans ce portefeuille de 11,7 milliards de DH, tout n'est apparemment pas définitivement perdu. La direction générale de la BNDE garde l'espoir d'en récupérer une bonne partie. A commencer par les créances saines qui s'élèvent à 1,3 milliard de DH. Pour cette catégorie, le problème est clos puisque c'est le Crédit agricole du Maroc (CAM) qui reprendra tout le paquet. Mieux, la BNDE fera une petite plus-value au passage puisque le Crédit agricole a accepté de payer un petit plus de 5% pour rémunérer le Good Will rattaché à ces créances. Début avril, un accord a été conclu dans ce sens et un protocole est en cours d'élaboration. 4,3 milliards de DH d'agios réservés ! A la mi-mai 2005, la majorité des créances saines basculeront définitivement dans le portefeuille du Crédit agricole qui versera, dans les jours à venir, un acompte d'un milliard. Pour autant, le problème est loin d'être résolu car il restera deux autres gros morceaux. Le plus important est celui des affaires dites compromises, dont le volume s'élève à près de 6,5 milliards de DH (dont 4,3 milliards d'agios réservés). Ali Harraj préfère, pour sa part, parler d'affaires en difficulté car, pour lui, il y a encore des chances d'en tirer quelque chose. La preuve en est que, depuis mars 2003, près de 1,6 milliard de DH ont été recouvrés. Cela dit, il ne s'agira pas de traîner ces dossiers éternellement. La direction générale de la BNDE s'est fixé pour objectif de trancher définitivement d'ici fin juin 2005 sur le sort des dossiers en difficulté. Certains, irrécupérables, passeront définitivement en contentieux tandis que d'autres seront assainis dans la perspective d'être cédés. Pour l'instant, seul le Crédit agricole se positionne comme repreneur potentiel. D'autres établissements bancaires de la place avaient, à un moment, exprimé leur intérêt. Mais les pourparlers n'ont apparemment pas abouti. Restera alors un paquet de 3,9 milliards de DH, moins important en volume, certes, mais de loin plus difficile à gérer puisqu'il s'agit des créances contentieuses. Pourtant, il ne s'agit que de 432 dossiers en tout et pour tout, mais suffisamment corsés pour donner des vertiges aux spécialistes du recouvrement. En moyenne, chaque dossier représente 9 MDH et l'espoir de voir un jour la banque rentrer dans ses frais est presque perdu. Car, au terme de deux années d'efforts, la BNDE a réussi à peine à récupérer 182 MDH, soit moins de 5% des sommes en jeu. Le rapport final d'une évaluation de ce portefeuille, que la banque avait confié à un cabinet d'avocats indépendant, vient d'atterrir sur son bureau. Après plusieurs mois de travail, les experts ont conclu que, sur les 3,9 milliards de créances contentieuses, la BNDE, dans le meilleur des cas, peut espérer en recouvrer le tiers soit 1,3 milliard de DH seulement. «Nous ne subissons aucune pression» Encore faut-il que la justice fasse son travail. Rien n'est moins sûr. La preuve : sur le montant recouvré (182 MDH), seulement 28 MDH l'ont été par voie d'exécution judiciaire. Il faut croire que malgré son caractère d'établissement public, la BNDE n'a pas été mieux servie que les autres. Raison pour laquelle le DG de la banque a fait part, à plusieurs reprises au comité de suivi de ses soucis face à la complexité des procédures judiciaires et à la lenteur des tribunaux. Sa cause a été entendue, notamment par le ministère de la Justice. Ce département a promis, en gage de bonne volonté, de mettre en place une cellule exclusivement dédiée au dossier BNDE. Son rôle sera celui de courroie de transmission entre la direction de la banque et les tribunaux de commerce, notamment, pour accélérer la cadence de traitement des dossiers. Avec tout cela, l'affaire est loin d'être conclue car, parfois, pour ne pas dire souvent, il y a un fossé entre le contenu des dossiers et la réalité du terrain. L'équipe de recouvrement de la BNDE en sait quelque chose. Tout en assurant que, à sa connaissance, il n'y a jamais eu de crédits accordés à des projets fictifs, comme cela a été le cas dans les affaires de la CNCA, il y a quelques années, le DG, Ali Harraj, signale des mauvaises surprises. Certaines garanties données à la banque sont surévaluées par rapport aux montants des crédits correspondants, des entreprises qui ont fermé leurs portes depuis longtemps, d'autres en voie de l'être ou en redressement judiciaire. Dans certains cas, ce sont plutôt des clients récalcitrants qui refusent tout simplement de rembourser. Pour ceux-là, la direction générale compte aller jusqu'au bout. «Heureusement, reconnaît Ali Harraj, que nous n'avons à ce jour fait l'objet d'aucune pression de qui que ce soit pour effacer ou abandonner une créance». Tout au plus quelques recommandations pour de gros débiteurs ou clients qui sont prêts à trouver un arrangement avec la banque. En attendant de pouvoir récupérer des fonds hypothétiques, la BNDE a commencé par le plus facile, à savoir son patrimoine immobilier et foncier. Les premiers bijoux sur la liste ont été le siège social de la banque, à Rabat, et six agences, cédés au Crédit agricole pour un montant global de 156 MDH. Une nouvelle augmentation de capital de 428 MDH en vue En parallèle, d'autres propriétés immobilières ont été mises en vente, notamment trois agences hors exploitation ainsi que plusieurs terrains, villas et immeubles situés dans les grandes villes comme Casablanca, Marrakech et Tanger. Le tout a rapporté la somme de 70 MDH. Mais la banque n'a pas encore épuisé toutes ses réserves puisqu'il lui reste encore quelques biens à vendre. Ce sont 13 autres agences hors exploitation, six terrains et trois immeubles qui cherchent preneur. Ces biens devraient rapporter au bas mot, selon les estimations des experts, quelque 150 MDH. Pour boucler la boucle, la BNDE a naturellement cédé la quasi-totalité de ses participations, pour une valeur totale estimée à 1,2 milliard de DH. Les dernières, trois en tout, sont en passe d'être cédées pour une valeur d'environ 40 MDH. Toutes ces entrées ont permis à la banque d'honorer d'abord les engagements pris au moment du lancement du plan de redéploiement, notamment vis-à-vis du Crédit agricole qui a repris la BMAO, et de payer ses dettes, notamment bancaires, dont, entre autres, un emprunt de 500 MDH contracté auprès de la BCP. Mais d'ici la clôture définitive du dossier, elle devra certainement faire face à d'autres engagements. Car il ne faut pas oublier que de nouvelles créances qui seront classées contentieuses nécessiteront des provisions supplémentaires, qu'il faudra également payer des indemnités de départ aux derniers salariés qui quitteront le navire au mois de juin prochain et assurer le fonctionnement de l'activité résiduelle, surtout celle du recouvrement et du contentieux. Pour tout cela, la BNDE aura encore besoin d'un apport en argent frais. Une augmentation de capital est, à ce titre, envisagée pour un montant de 428 MDH. Encore faut-il que la CDG (Caisse de dépôt et de gestion) et, par ricochet l'Etat, acceptent de mettre une nouvelle fois la main à la poche. Car, à ce jour, la déconfiture du mastodonte a coûté 2,4 milliards de DH. Certes, la facture aurait pu être plus salée, en l'absence de ce plan, somme toute bien ficelé. Mais elle reste, quoi qu'il en soit, très lourde pour le contribuable . La vente au Crédit agricole du siège social, à Rabat, et de six agences a rapporté 156 MDH à la BNDE.