Les défaillances sont enregistrées chez l'ensemble des opérateurs, les grands groupes tout comme les PME. Le transport, la sidérurgie et l'électroménager sont les secteurs qui concentrent les mauvais payeurs. Certaines entreprises retardent le paiement de deux ou trois mois pour soulager leur trésorerie. Le monde des affaires n'en finit pas avec les difficultés. Un des gros soucis de l'heure, les défauts de paiement continuent de s'entasser, atteignant des records et mettant sérieusement à mal plusieurs secteurs. D'après les données de l'assureur-crédit Euler Hermès, communiquées en exclusivité à La Vie éco, ils ont encore grimpé de 11% au cours des trois premiers mois de 2014 par rapport à la même période de 2013. Déjà, à la fin de cette année, ils culminaient à des niveaux sans précédent, en hausse de 19% par rapport à 2012. «En plus de la montée en puissance des défauts de paiement, nous rencontrons sur ces premiers mois de 2014 plus de difficultés en matière de recouvrement après la déclaration de l'impayé par nos assurés», affirme Hicham Alaoui Bensaid, directeur risque et informations d'Euler Hermès, qui concentre 86% de parts de marché de l'assurance crédit. Selon lui, les montants recouvrés enregistrent une diminution conséquente par rapport aux exercices antérieurs. «Après les six mois au bout desquels la défaillance est observée, les efforts menés sur les deux à trois mois suivants aboutissent à la récupération de proportions en nette diminution par rapport à ce que nous recouvrions facilement jusqu'en 2013, soit bien moins de 20% de l'impayé», explique le responsable. Ce qui revient à dire qu'au bout de neuf mois, au moins 80% du montant de la facture est définitivement perdu. Les chefs d'entreprises ne redoutent plus la saisie de leurs biens Même les efforts de recouvrement à l'amiable ne débouchent plus sur grand-chose. La compagnie a de plus en plus de mal à s'entendre avec les débiteurs. «Les dirigeants d'entreprises ne redoutent plus comme auparavant d'être traînés en justice, la saisie de leurs biens ou de voir leur réputation écorchée», commente M. Bensaid. En somme, renoncer à régler des dettes commerciales n'est plus aussi mal vu. Dans un climat d'attentisme, un directeur financier préfère retarder le paiement de deux ou trois mois pour soulager sa trésorerie. «Pour lui, ce n'est pas si grave qu'il soit perçu comme un mauvais payeur. C'est un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur», ajoute le responsable d'Euler Hermès. Les mêmes données de la compagnie, dont le portefeuille est représentatif du tissu national des entreprises, montre un allongement des délais de paiement chez l'ensemble des opérateurs : groupes structurés et PME. En effet, la majorité de ces entreprises continue de faire face à de sérieux problèmes de financement quand elles ne font pas, tout simplement, les frais du cercle vicieux de l'irrégularité des paiements des fournisseurs. En témoigne la croissance à deux chiffres enregistrée par les activités touchant au poste clients, notamment le factoring et l'assurance-crédit. Rien que sur le premier trimestre de 2014, les engagements d'Euler Hermès ont augmenté de quelque 550 MDH, ce qui renseigne sur les soucis que se font les entreprises pour sécuriser leur poste Clients. Pour le factoring, les encours de créances cédés ont augmenté de 20 à 30% chez les différents spécialistes, selon des sources du marché. «Il s'agit d'activités qui se substituent au financement. Les taux de croissance qu'elles enregistrent renseignent sur l'ampleur de la crise», explique un factor. Les effets de la décompensation sont très nets dans le transport Dans ces conditions, les entreprises sont prises dans l'engrenage périlleux du manque de liquidités et plusieurs secteurs sont ainsi touchés. Il s'agit en premier lieu du transport dont les opérateurs rencontrent de sérieux problèmes de paiement. «Les défauts de paiement commencent à prendre des proportions jamais vues auparavant, et ce, un à deux mois après l'entrée en vigueur de la décompensation qui aura vraisemblablement précipité les difficultés que traverse actuellement le secteur», explique M. Bensaid. Selon lui, ce sont les entreprises non structurées qui en pâtissent le plus. Deuxième secteur particulièrement sinistré, la sidérurgie. Si les défauts de paiement sont monnaie courante depuis plusieurs mois dans toute la filière, les distributeurs (qui achètent auprès des grossistes) ont enregistré sur le premier trimestre une hausse alarmante en matière de défaillances. Les soucis de paiement émanent surtout de quelques nouveaux opérateurs sur le marché qui s'adonnent à des pratiques de spéculation. «Les anciens qui ont l'expertise et qui savent quoi acheter, chez qui et quand, et à qui vendre résistent mieux à la crise que traverse le secteur», souligne un opérateur. L'électroménager enregistre également une sinistralité de plus en plus prononcée. Conséquence directe de la baisse du pouvoir d'achat des ménages et du tassement de la demande adressée à l'immobilier.