Les délais de paiement atteignent 7 mois sur des marchés où ils étaient de 90 à 120 jours. Le secteur du BTP concentre environ la moitié des défaillances. Les clients étrangers ont aussi de plus en plus de mal à honorer leurs factures. L'environnement des affaires reste instable. Le nombre des mauvais payeurs continue à croître et les défauts de paiement des clients locaux et étrangers se multiplient, plombant ainsi la trésorerie des entreprises et leur cycle d'exploitation. Recueillis en exclusivité par La Vie éco, les chiffres d'Euler Hermès, qui contrôle environ 85% du marché de l'assurance crédit, font état d'une augmentation des déclarations d'impayés transmises par les assurés de 17% en valeur et de 19% en nombre de dossiers, et ce, à fin octobre. Ces déclarations d'impayés sont considérées comme des défaillances du moment qu'elles traduisent un non-respect de l'engagement contractuel de paiement à terme, conclu entre l'assuré et son client après que ce dernier ait épuisé les possibilités de recouvrement en interne. «Sur les dix mois écoulés de 2013, nous relevons, à travers nos systèmes de scoring qui surveillent quelque 9000 entreprises débitrices de la place, une dégradation de la qualité des paiements avec des délais allant jusqu'à 7 mois. Cela devient de plus en plus normal sur un marché qui payait, avant, à environ 90 j ou 120 j maximum», constate Hicham Alaoui Bensaid, directeur des engagements chez Euler Hermès Acmar. Pour lui, les entreprises se rabattent systématiquement sur le crédit fournisseur qui leur fait gagner un délai supplémentaire de disponibilité du cash sur le dos de leurs créanciers, notamment dans un contexte de resserrement des conditions d'accès au crédit bancaire. Parallèlement à ce constat, le ralentissement de l'activité économique observé sur des secteurs stratégiques a aggravé l'ampleur des défaillances. Les ventes de ciment ont enregistré une baisse de 8% à fin septembre et celles des hydrocarbures ont fondu de 21% à fin mai 2013, selon le HCP. «La baisse de la demande adressée aux secteurs du BTP et de l'énergie a induit de vrais soucis de liquidités aux entreprises qui y opèrent. Du coup, les défaillances se sont accrues d'une manière remarquable en 2013», ajoute M. Alaoui. Selon l'assureur, 50% des sinistres sont recensés au niveau du BTP, avec ses deux branches construction et métal. Déjà en 2012, les défaillances d'entreprises du BTP avaient augmenté de plus de 30% par rapport à leur niveau de 2011. Les entreprises exportatrices de la chimie, du textile, de l'agroalimentaire et de l'électrique sont parmi les plus éprouvées D'autres secteurs ont vu également leurs défaillances s'aggraver d'une manière alarmante, dans le sillage de 2012. Selon des données recoupées d'Inforisk et Euler Hermès, au cours de cette année, les défaillances des opérateurs du transport et communication se sont accrues de plus de 36%. Celles des entreprises du commerce, réparation auto et articles domestiques ont augmenté de 21% alors que le nombre des défaillances d'industriels manufacturiers s'est aggravé d'environ 15%. L'hôtellerie et la restauration ont été moins touchées, avec +13% d'entreprises défaillantes. A l'opposé, seul le secteur agricole et de la sylviculture réduit le nombre de ses entreprises défaillantes d'environ 8%. Exprimées en nombre, ce sont quelque 2 000 entités dans le commerce, 1 300 dans l'immobilier et la location, 1 000 entreprises opérant dans le BTP et environ 480 dans le transport et communication. Les difficultés ne sont pas seulement d'origine interne. L'étau se resserre aussi sur les entreprises qui font une partie ou la totalité de leur chiffre d'affaires avec l'étranger. En effet, la crise de la zone Euro, premier partenaire des entreprises marocaines, a impacté la solvabilité des clients européens, précipitant ainsi les défaillances dont le nombre a crû de 40% en Espagne, 7%, en Italie et plus de 2% en France, en 2013. «Il s'agit surtout des secteurs les plus proches des consommateurs et des ménages, en l'occurrence le commerce, les équipements domestiques, et les services, même si ces derniers ne touchent pas d'une manière significative les entreprises marocaines. En particulier, la construction a été spécialement affectée en Espagne, le transport en Italie, et les services collectifs et sociaux en France», explique Ludovic Subran, économiste en chef et directeur de la recherche chez Euler Hermes Monde. Pour lui, un directeur financier préfère garder du cash au lieu de payer son fournisseur marocain, pour parer à la conjoncture difficile qui prévaut en Europe. Les entreprises des secteurs les plus dynamiques à l'international sont celles qui risqueront le plus d'y laisser des plumes, notamment la chimie suivie par le textile, l'agroalimentaire et l'électricité. La sidérurgie, le bois & papier ainsi que les minerais non ferreux sont aussi touchés, mais dans une moindre mesure.