* Contrairement à la tendance mondiale, le taux de défaillances des entreprises au Maroc grimperait de 8%. * Sans pénalisation des effets de commerce, la loi 49-15 à elle seule ne pourra faire sauter le verrou du retard de paiement. * Hicham Bensaid Alaoui Directeur des risques, de l'information, des sinistres et de recouvrement à Euler Hermes revient sur tenants et aboutissants de la loi 49-15. EcoActu : Il ressort de l'indice Global des Défaillances, élaboré par Euler Hermes, que sur le plan international un repli des défaillances sera observé en 2018. Quels sont les éléments explicatifs à un tel recul ? Hicham Bensaid Alaoui : Deux éléments majeurs peuvent expliquer cette situation. D'une part, la reprise de la croissance économique dans nombre de pays majeurs d'un point de vue économique est bien visible, depuis 2 ou 3 années. D'autre part, le tassement des défaillances d'entreprises est consécutif à des années de forte croissance de ces mêmes défaillances, survenues dans les années ayant suivi la grave crise économique de 2008. Ainsi, passé ce phénomène de « correction » de certains marchés, et après avoir légèrement cru (de 1%) en 2017, les défaillances d'entreprises sont appelées à se replier pour l'année 2018. A l'inverse, le Maroc accusera un bond de 8% du taux défaillance. A quoi sera due la hausse et quels seront les secteurs les plus affectés ? Cette hausse est liée à des éléments structurels (faible disponibilité de matières premières, tissu industriel faiblement étoffé, qualification moyenne de la main d'œuvre, taux d'intégration industrielle encore en consolidation...), aggravés par des facteurs conjoncturels (médiocrité de la saison pluviométrique, vacance gouvernementale entre octobre 2016 et avril 2017...). Les secteurs du BTP et de la distribution, avec respectivement 38% et 35% des défaillances escomptées, représentent ainsi près des 3⁄4 de ces défaillances. Quelle appréciation faites-vous de la loi 49-15 (portant réforme de la loi 32-10) et jusqu'à quel degré pourra-t-elle faire sauter le verrou du retard de paiement, principale cause des défaillances au Maroc ? La loi 49-15, en permettant notamment aux entreprises de secteurs donnés de fixer des délais de paiement spécifiques et représentatifs de leurs contraintes, et en ciblant également les établissements publics, semble apporter certaines modifications importantes et pragmatiques à la loi 32-10. Toutefois, s'il est sans doute bien trop tôt pour apprécier avec pertinence son apport, je pense que sans certaines mesures concrètes (notamment, la pénalisation des effets de commerce), la loi 49-15 à elle seule ne semble pas avoir vocation à faire sauter le verrou du retard de paiement. La problématique des délais de paiement continue de gripper la machine économique nationale. Et pour cause le non-respect de la disposition relative aux intérêts de retard contenue dans la loi 49-15. Pour quelles raisons, les entreprises hésitent-elles encore à appliquer les intérêts de retard ? Il est tout d'abord difficile, dans un contexte économique a fortiori délicat, et en rappelant qu'une partie substantielle des secteurs d'activité au Maroc sont caractérisés par une grande compétition entre opérateurs, qu'une entreprise en soit amenée à pénaliser ses clients en appliquant des intérêts moratoires pour paiement tardif car, tant économiquement que culturellement, une telle manière de faire n'est pas encore totalement insérée dans nos mœurs. De plus, alors qu'une entreprise rencontre manifestement des difficultés certaines à récupérer sa créance en principal, lui demander de facturer et de réclamer des intérêts moratoires complémentaires ne semble pas intuitivement efficient et à même de fluidifier le processus de recouvrement. En dehors des sanctions pécuniaires, quelles sont les mesures à déployer pour permettre aux créanciers de se délester du fardeau du recouvrement ? A mon sens, deux mesures pragmatiques peuvent être déployées pour aider à réduire le fardeau du recouvrement et de l'allongement des délais de paiement sur le marché marocain. Tout d'abord, la pénalisation des effets de commerce retournés impayés semble indispensable, car il semble totalement aberrant que l'émetteur d'un chèque sans provision d'un montant de quelques centaines de dirhams risque la privation de liberté, alors que l'émetteur d'un effet 'en bois' pour plusieurs dizaines de millions de dirhams n'est guère inquiété, ou alors trop peu. Il faut de fait redonner une certaine crédibilité aux effets de commerce. D'autre part, la généralisation des mécanismes de protection et de sécurisation des créances clients, tels l'assurance-crédit par exemple, peuvent également contribuer à réguler davantage le marché et à assainir certaines pratiques de paiement. Comment EH aide ses clients à se prémunir contre les risques d'impayés ? Plusieurs fonctionnalités sont proposées par Euler Hermes pour aider nos clients à faire face aux risques d'impayés. Premièrement, nous nous insérons dans une logique d'anticipation des risques, pour orienter nos assurés vers des opérations raisonnablement risquées et tenter, autant que faire se peut, de leur éviter de s'engager sur des montants significatifs avec des contreparties trop risquées, dont la défaillance pourrait leur porter un coup malheureusement fatal. Ensuite, nous permettons à nos assurés et sur leur simple demande, de se financer sur le marché bancaire, à travers un système gratuit de délégation de droit à indemnité d'assurance-crédit que nous mettons à disposition des banques de nos clients. De ce fait, la trésorerie de nos clients s'en trouve significativement soulagée. Enfin, nous indemnisons nos assurés en cas de défaut de créanciers qui auraient été garantis par nos soins, de même que nous menons des actions de recouvrement pour tenter de mitiger a maxima la perte ultime pour nos assurés et pour nous-mêmes. A ce titre, nous disposons de ratios de recouvrement (de l'ordre de 55%) parmi les plus élevés du Groupe Euler Hermes.