«Le nombre de dossiers en recouvrement a doublé au titre de l'année en cours», plante d'emblée le décor, Tawfik Benzakour, directeur des risques au sein du cabinet Euler Hermes. Ces chiffres expliquent clairement la dégradation des délais de paiement au Maroc. Quels sont donc les moyens pour réduire le risque du poste client ? Plusieurs solutions sont envisageables aussi bien en amont qu'en aval. De prime abord, l'entreprise doit se protéger contractuellement avant la signature du contrat. Cette protection garantit la mise en application de la loi. En réalité, dans une bonne relation commerciale, il ne faut pas uniquement se reposer sur la confiance faite aux clients. Cela veut dire que l'entreprise doit prendre son temps pour bien analyser les contrats qu'elle signe. Elle doit notamment se pencher sur les conditions et les délais de paiement, les délais d'exécution du projet, ainsi que les pénalités de retard. «Il faut avoir une visibilité par rapport aux délais de paiement et aux conséquences des paiements tardifs. Car il faut savoir qu'en cas de non exécution du marché suite à un retard de paiement, l'entreprise peut perdre davantage. En effet, dans certains cas, le montant des indemnités de retard est plus important que le montant du contrat lui-même», explique Hamid Errida. Et d'ajouter : «ces précautions doivent être prises notamment au niveau des marchés privés». Cette analyse permettra désormais à l'entreprise de s'engager dans des contrats qu'elle pourra honorer à terme, mais aussi de réduire le risque de non-paiement. Classez vos clients selon leur solvabilité S'agissant des créances clients gelées, la démarche consiste en premier lieu à revoir l'historique de ses clients. Une analyse de son portefeuille est nécessaire pour les classer selon leur niveau de solvabilité et le CA qu'ils réalisent annuellement avec l'entreprise. Cette démarche permettra de détecter les créances que l'entreprise pourra activer immédiatement. Autrement dit, «l'entreprise doit commencer par les clients les plus solvables et qui ont une certaine dépendance de l'entreprise», explique Errida. Les créances des clients les moins solvables et les insolvables, quant à elles, doivent faire l'objet d'une démarche de recouvrement. «Actuellement, la majorité des PME marocaines ne sont pas dotées d'une structure de recouvrement en interne. Cela les oblige à faire appel à des cabinets de recouvrement. En réalité, mis à part leurs honoraires élevés, ces dernières acceptent les dossiers selon des critères bien précis», explique le manager du cabinet Garrigues Maroc. Un avis partagé par Tawfik Benzakour. Ce dernier souligne que les frais forfaitaires de recouvrement des petits dossiers sont d'une moyenne de 50.000 DH. Concernant les grands montants, le cabinet applique un taux qui varie entre 10 et 15% sur le taux de récupération (le montant récupéré du total de la créance). S'agissant des critères d'acceptation du dossier, Benzakour nous confie que «dès la réception du dossier, une analyse de la solvabilité du client est effectuée grâce à une base de données. Par la suite, une enquête est menée sur les biens de la personne. Ce qui donne une idée sur la démarche à suivre ainsi que sur le taux de récupération que nous pouvons réaliser». Pour rappel, en faisant appel à un cabinet de recouvrement, cela ne veut pas dire que l'entreprise récupère la totalité de sa créance. En effet, même au niveau d'Euler Hermes qui se positionne parmi les meilleurs cabinets de recouvrement au Maroc, le taux moyen de récupération pour l'année en cours n'a pas dépassé les 60%. Lire aussi: Retard de paiement, un mal nécessaire ? Point de vue: Hamid Errida, Manager- Cabinet Garrigues Maroc La publication de la loi relative aux délais de paiement prendra du temps. Son impact ne se fera réellement sentir qu'à long terme surtout qu'actuellement l'Etat souffre d'un déséquilibre budgétaire. Là n'est pas le problème car le degré de l'impact de l'Etat ne sera pas très fort vu que les fournisseurs se sont habitués aux retards de paiement au niveau des marchés publics. Aujourd'hui, le problème se pose au niveau du privé. En effet, les entreprises privées, elles, ont des liquidités, elles favorisent les fournisseurs hypothécaires. Autrement dit, les fournisseurs qui ont des garanties. Du coup, le souci de l'entreprise n'est pas de récupérer sa dette, mais plutôt d'être la première à se rembourser. Pour cela, il est important de prendre les mesures et garanties nécessaires, telles que les chèques, les effets de commerce et les cautions bancaires.