Chez Euler Hermès, leader du secteur de l'assurance-crédit au Maroc, l'encours sinistré atteint 1.5 milliard de DH à fin octobre. Les secteurs du bà¢timent, de l'électroménager et de l'électronique comptent la majorité des cas de défaillances. Si le dernier rapport «Doing business» a dégradé le Maroc de deux positions en raison, entre autres, de l'allongement des délais de paiement, les chiffres du secteur de l'assurance-crédit viennent enfoncer le clou en faisant état de la mauvaise passe que traverse l'économie, reflétée par l'augmentation des cas de défauts des entreprises. Ainsi, chez le premier assureur sur le secteur, en l'occurrence Euler Hermès ACMAR, la sinistralité à fin octobre a augmenté de deux fois par rapport à son niveau en 2011. La filiale du groupe Allianz, qui accapare 75% de part de marché au Maroc, compte à la même date 1,5 milliard de DH d'encours sinistré sur une exposition globale de 26 milliards. Les secteurs du bâtiment, de l'électronique et de l'électroménager sont les plus touchés. Ils participent aux sinistres respectivement à hauteur de 60% et 20%. «En 2011 déjà, les défauts ont augmenté de 1,5 fois par rapport à 2010. Ceci était dû essentiellement à la crise sur le secteur immobilier. Aujourd'hui, la donne a significativement changé. Il n'y a pas de secteur épargné. On ne peut plus invoquer l'immobilier, il s'agit bel et bien d'une conjoncture difficile que traverse l'économie marocaine», note Tawfik Benzakour, DG d'Euler Hermès ACMAR, dont le portefeuille client est représentatif de tous les secteurs d'activité. C'est dire que l'irrégularité des paiements entre les opérateurs économiques et la tendance à voir leur délai s'allonger témoignent de l'existence de vraies tensions sur les trésoreries et peuvent se révéler décisives pour sceller le sort d'une entreprise surtout lorsqu'il s'agit d'une PME ou d'une TPE. A cet égard, l'assurance-crédit est un vrai baromètre de la santé de l'économie, elle renseigne sur le circuit de paiement et les difficultés qui peuvent l'entraver. «Une fois que le paiement se fait retarder par plusieurs opérateurs, les clignotants virent au rouge, traduisant une mauvaise passe pour un secteur donné ou bien pour toute l'économie», apprend-on auprès du directeur développement d'une compagnie d'assurance de la place. Généralement, les créances clients représentent 35% de l'actif du bilan des entreprises au Maroc, les impayés pèsent directement sur les marges et peuvent entraîner à terme des défaillances surtout pour des entreprises qui dépendent d'un cercle de clients réduit. «On assiste régulièrement à des cas de sociétés qui déposent le bilan parce qu'elles n'ont pas pu récupérer leur créances auprès de leur premier client qui concentre parfois 70% de l'ensemble de leurs créances», confie un banquier de la place. La PME marocaine n'a pas encore intégré le réflexe assurance-crédit Ceci étant, la sinistralité chez les assureurs crèdit aurait pu être plus importante si la PME et la TPE avaient intégré le réflexe d'assurer leur poste client, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les assureurs présents sur le marché ont affaire à deux profils de clients tout à fait opposés. Le premier étant le manager de l'entreprise structurée qui raisonne en termes de concentration des créances, en marge et en résultat. Et le deuxième est généralement le propriétaire de l'affaire familiale qui n'est pas tenu d'entendre pendant des heures un discours savant sur les avantages d'assurer ses créances. «Nous nous trouvons face à des chefs d'entreprises qui sont réticents par nature aux produits novateurs, encore plus à des produits dont les effets ne sont pas perceptibles sur le champ», remarque le directeur de développement. Et M. Benzakour d'ajouter : «La durée moyenne de concrétisation d'une police d'assurance renseigne tant bien que mal sur les difficultés que rencontrent nos chargés d'affaires dans leur démarche de prospection des PME non structurées : elle est rarement inférieure à trois mois». Par ailleurs, sur un plan macro-économique, le management d'Euler Hermès ACMAR rapporte le même son de cloche. «L'économie marocaine a accusé durant toute cette année une baisse d'activité significative. Les indicateurs économiques sont presque tous dans le rouge. Le Maroc doit faire face à la crise qui touche la plupart de nos partenaires d'échanges commerciaux européens, à l'envolée du prix du pétrole et à sa propre conjoncture économique de plus en plus difficile. Des réformes imminentes sont nécessaires. Nous avions jusqu'à présent assez bien géré ce début de crise mais les perspectives d'avenir restent incertaines», note M. Benzakour. En termes de perspectives, Euler Hermès ne se fait pas d'illusions. «Dans une conjoncture économique imprévisible, les défaillances d'entreprises au Maroc seront en augmentation de plus de 7% entre aujourd'hui et la fin de l'année. Ce chiffre est à prendre avec beaucoup de précautions parce qu'il n'inclut que les entreprises du secteur formel. Concernant les secteurs touchés, la construction et le textile continuent d'être en difficulté structurelle. Certains secteurs comme l'acier, les produits de consommation et l'électroménager devraient eux aussi connaître quelques difficultés conjoncturelles dues à la baisse de la demande. Il est important de noter que la grande majorité des défaillances concernera les petites et moyennes entreprises».