Les dossiers avec incident ont été multipliés par trois chez Coface; un autre assureur rapporte une hausse significative de son encours sinistré. Les banquiers affirment que les entreprises, à défaut d'être payées à temps, mettent beaucoup plus de temps à résorber les dépassements sur leurs facilités de caisse. A en juger par leur comportement de paiement sur le premier semestre, les entreprises traversent une mauvaise passe. En effet, les délais entre entreprises ne cessent de s'allonger et les mauvais payeurs sont de plus en plus nombreux sur le marché. C'est le tableau inquiétant dressé par les assureurs du crédit fournisseur. «Les dossiers avec incident de paiement qui nous ont été confiés dans le cadre du mandat de recouvrement que nous exerçons pour le compte de notre partenaire Axa ont été multipliés par 3 au premier semestre 2013 comparé à toute l'année 2012. Toutefois, ces incidents ne se traduisent pas forcément par un défaut de paiement», annonce Jean-Marc Pons, directeur général de Coface Maghreb qui compte une exposition de plus de 16 milliards de DH au Maroc. La recrudescence des incidents et des défauts de paiement est partagée par les autres acteurs du marché. «Notre encours sinistré est reparti à la hausse sur les premiers mois de l'année en cours et nous enregistrons de plus en plus de cas de défaut, notamment dans le bâtiment, le textile et l'électronique», affirme une source chez une grande compagnie d'assurance-crédit de la place. Pour les professionnels, l'allongement des délais de paiement est une tendance observée depuis plusieurs mois. «Les entreprises souffrent d'un manque de liquidités et sont freinées dans leur développement par les effets négatifs de la crise. Les incidents de paiement les exposent au risque d'impayé, mais aussi au risque de ne plus pouvoir s'approvisionner», explique M.Pons. Déjà vers la fin 2012, chez le premier assureur du secteur, en l'occurrence Euler Hermès Acmar, la sinistralité a été multipliée par deux par rapport à son niveau de 2011. La filiale du groupe Allianz, qui accapare 75% de part de marché au Maroc, comptait à cette date 1,5 milliard de DH d'encours sinistré sur une exposition globale de 26 milliards. Le poste client d'une PME peut représenter jusqu'à 40% de ses actifs Les retards de paiement entre opérateurs et la tendance à voir les délais s'allonger témoignent de l'existence de vraies tensions sur les trésoreries et peuvent se révéler décisives pour le sort d'une entreprise, surtout lorsqu'il s'agit d'une PME ou d'une TPE. «Une fois que le paiement est retardé par plusieurs opérateurs, les clignotants virent au rouge, traduisant une mauvaise passe pour un secteur donné ou bien pour toute l'économie», explique le directeur développement d'une compagnie d'assurance de la place. Généralement, les créances clients représentent 35% de l'actif du bilan des entreprises au Maroc. Les impayés pèsent directement sur les marges et commencent à entraîner des défaillances et de grands soucis, surtout pour des entreprises qui ont un portefeuille client restreint. «Le poste client d'une PME peut représenter jusqu'à 40% de ses actifs. L'impayé, lorsqu'il n'a pas été prévu, peut donc entraîner sa liquidation, car les efforts pour combler la marge perdue peuvent être considérables», commente M. Pons. Du côté des banquiers, le constat est identique. Plusieurs d'entre eux rapportent que les entreprises mettent beaucoup plus de temps à résorber les dépassements sur les facilités de caisse qui leur sont accordées et en redemandent de nouveaux pour faire face aux charges de leur cycle d'exploitation. «Les dépassements qui sont censés être ponctuels et sporadiques mettent aujourd'hui plus de trois mois pour être régularisés», affirme un cadre chez une banque de la place. Par ricochet, l'allongement de ce délai de régularisation pousse les banques à ne plus concéder des dépassements, ce qui aggrave les tensions sur la trésorerie des entreprises et prolonge le cercle vicieux. Au premier trimestre déjà, les crédits de trésorerie ont reculé de 7,7%, à environ 171 milliards de DH, et ce surtout en raison de l'insistance des banques auprès de leurs clientèles pour se limiter aux plafonds autorisés. «A défaut d'être payée à temps, l'entreprise ne peut plus honorer ses engagements à temps, alors que le comportement de paiement des entreprises est un indicateur puissant de leur capacité à accéder au crédit, moteur de leur développement», explique le banquier. La montée des créances bancaires en souffrance témoigne des soucis de liquidité auxquels font face les opérateurs. A fin mai, leur volume s'est établi à 37,7 milliards de DH, marquant une hausse de 12% par rapport à mai 2012. Le taux de créance en souffrance s'est établi à 5,3% au terme des cinq premiers mois contre 4,8% en décembre 2012.