L'étude sur la réforme de la tarification coordonnée par le ministère des affaires générales sera bouclée dans quelques jours. Les prix seront augmentés parce que l'ONEE vend l'électricité à perte. Le gros chantier de réforme de la tarification de l'électricité, lancé depuis quelques années déjà, est sur le point d'aboutir. Le ministère des affaires générales et de la gouvernance qui coordonne l'étude lancée sur le sujet, en recevra les conclusions dans quelques jours. Selon de nombreuses sources (plusieurs départements ministériels y sont impliqués comme l'Energie, l'Intérieur, les Finances…), cette étude a pour objet, en particulier, de mettre à plat le système actuel de tarification, de fournir une évaluation du coût de l'électricité et de proposer une nouvelle structure tarifaire. L'actuelle structure, rappelons-le, date d'une vingtaine d'années ; elle est le produit de l'étude réalisée sur la question à la fin des années 80. Bien sûr, des ajustements de tarifs sont intervenus depuis, mais la structure est restée la même. Globalement, ces ajustements ont surtout consisté en des baisses de tarifs, notamment pour l'électricité industrielle (de l'ordre de 35%, en cumulé), sauf en 2009 où une hausse avait été décidée, mais ne concernait pas les clients domestiques. Il s'agit ici, faut-il le préciser, des tarifs réglementés que pratiquent l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et les régies publiques de distribution ; ceux des services concédés comme Lydec, Redal ou Amendis sont de nature contractuelle, ils sont négociés avec l'autorité concédante. Aujourd'hui, la structure des tarifs, qui est la même pour tous les distributeurs (ce sont les tarifs qui changent selon qu'il s'agisse d'une régie publique ou d'un service concédé) est à la fois complexe en terme de lisibilité et en décalage par rapport aux évolutions qui ont eu lieu depuis son adoption. Complexe parce que comportant, selon les usagers, plusieurs tranches ou plages horaires : quatre tranches pour les ménages, trois tranches pour la force motrice industrielle et agricole (avec et sans minimum) et deux tranches pour les patentés (avec et sans minimum). Ceci pour la basse tension. La moyenne tension industrielle dispose, elle, d'une autre structure basée sur des éléments de…temporalité si l'on peut dire : un tarif pour la consommation en heures pleines (ou normales), un autre tarif pour la consommation en heures de pointe et encore un autre tarif pour la consommation en heures creuses (entre 22 h ou 23 h, selon les saisons, et 7 h du matin). Idem pour la haute et très haute tension, pour lesquelles les distributeurs proposent, en outre, des tarifs optionnels suivant le temps d'utilisation (longue, moyenne et courte durée). Pour simplifier les choses, cependant, il ne sera question ici que de l'électricité consommée par les ménages. Selon toute vraisemblance, l'étude, dont le ministère des affaires générales et de la gouvernance s'apprête à recevoir les résultats, débouchera sur une révision des tarifs de vente de l'électricité. Et la révision en l'espèce signifie relèvement. «Les tarifs publics aujourd'hui ne correspondent pas au coût de production», confie-t-on au ministère de l'énergie et des mines. Ce n'est un secret pour personne, en effet, que l'opérateur historique, l'ONEE, vend à perte depuis déjà pas mal de temps. Une partie au moins de ces difficultés financières actuelles vient de là. L'Etat, qui fixe les prix, vient de temps en temps au secours de l'office, mais le problème est structurel. L'ONEE avait d'ailleurs, par le passé, demandé à plusieurs reprises la possibilité de réviser ses tarifs pour au moins tenir compte des prix des matières premières qui ont flambé sur le marché international (charbon, fioul, notamment), en vain. Mais aujourd'hui, cela devient une nécessité. D'ailleurs, dans le contrat programme ONEE/Etat, la question des tarifs occupe une bonne place. A Marrakech, 51% des factures mensuelles sont inférieures à 150 DH La configuration du paysage électrique est aujourd'hui des plus paradoxal : d'un côté, un opérateur public (qui est à fois producteur et distributeur) qui pratique des tarifs en dessous du prix de revient, des régies publiques de distribution qui sont tenues, comme l'ONEE, d'appliquer les tarifs fixés par arrêté interministériel, et, de l'autre, des sociétés privées délégataires du service public de l'électricité (de l'eau et de l'assainissement aussi) qui fixent leurs propres prix. La difficulté pour les opérateurs publics, qu'il s'agisse de l'ONEE ou des régies autonomes, est que non seulement leurs tarifs ne "bougent" pas, mais en plus ils desservent des localités où le gros de la clientèle est constitué de consommateurs domestiques. Bien plus, ces derniers sont essentiellement des ménages modestes, dont le niveau de consommation est tout aussi modeste. A la régie autonome de distribution d'eau et d'électricité de Marrakech (RADEEMA), par exemple, 42% des clients ne dépassent pas, dans leur consommation, la première tranche (la tranche sociale), qui va de 1 à 100 KWH par mois. Il s'ensuit que 25% des clients ont des factures mensuelles inférieures ou égales à 70 DH, et 51% des factures mensuelles sont inférieures ou égales à 150 DH ! Et Marrakech n'est pas la région la moins bien lotie. A Larache, le gros de la consommation se situe dans la première tranche et la deuxième tranche ; cette ville est d'ailleurs celle où les factures sont les moins élevées. Tanger, Casablanca-Mohammédia et Rabat, les villes les plus chères Encore une fois, dans les régies publiques les tarifs sont partout les mêmes ; ce qui peut différer d'une régie à une autre, ce sont les redevances fixes, dites para-tarifaires : entretien du compteur, location du compteur et entretien du branchement. Ce sont ces éléments para-tarifaires qui expliquent que les factures, pour un même niveau de consommation, sont différentes d'une régie à une autre ; ce qui peut laisser penser, à tort, que les tarifs ne sont pas les mêmes partout. Ce qui est vrai, en revanche, c'est que Lydec dans le Grand Casablanca et Veolia pour Rabat (Redal) et Tanger-Tétouan (Amendis) vendent un peu plus cher le kWh à leurs abonnés. Si le prix du kWh réglementé démarre à 0,7904 DH, non compris la TVA de 14%, pour la première tranche de consommation, à Casablanca il est facturé 0,85 DH, et à Tanger 0,91 DH. Notons ici qu'Amendis et Redal (qui appartiennent à Veolia) pratiquent des tarifs différenciés, selon les villes : par exemple, à Tanger le kWh est plus cher (0,91 DH) qu'à Rabat (0,80 DH) et plus cher encore qu'à Tétouan (0,79 DH). Mais peut-être faudrait-il, pour expliquer le ressenti de la population par rapport aux tarifs d'électricité (se rappeler les manifestations de Marrakech et Taza à ce sujet), pondérer ces niveaux de tarification avec le pouvoir d'achat dans les régions. A Safi, Larache ou encore à Oujda, les revenus des ménages sont évidemment, en moyenne, plus faibles que ceux perçus à Casablanca et à Rabat. La réforme de la tarification projetée viendra mettre de l'ordre dans cette forêt de structures et de tarifs, "traiter" les situations anormales (des usagers force motrice payant le tarif domestique) et, enfin, faire correspondre le tarif avec son coût. D'une certaine manière, cette réforme constitue une partie non négligeable de l'autre réforme, celle dont on parle beaucoup, la compensation. N'oublions pas que l'Etat non seulement subventionne le fioul ONEE mais en plus effectue des transferts budgétaires au profit de ce dernier.