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La nouvelle vie du Conseil constitutionnel
Publié dans La Vie éco le 16 - 11 - 2012

Le contentieux électoral représente 80% des recours devant le conseil. Les magistrats, des juristes professionnels, font face à un grand enjeu : interpréter la Constitution. Les citoyens qui ont découvert le conseil en 1994 ont enfin la possibilité de le saisir.
Il ne se passe presque plus de séance parlementaire sans que référence ne soit faite à la constitutionnalité d'une loi, d'un acte du gouvernement ou d'une décision du Parlement. Et en parlant de constitutionnalité d'un texte ou d'un acte de l'un des deux pouvoirs, c'est au Conseil constitutionnel, ou la future Cour constitutionnelle, que l'on fait allusion. Pas plus tard que mercredi 7 novembre, il a encore une fois été question de saisine du conseil pour s'assurer de l'obligation de comparution, dans le cadre de l'article 100 de la Constitution, du chef du gouvernement devant la deuxième Chambre. Institution qui appelle, elle-même, à une décision du conseil pour lever l'ambiguïté sur sa légalité alors que le tiers de ses membres est arrivé en fin de mandat depuis bientôt un mois. Cependant, le conseil n'étant pas habilité à s'autosaisir, il faut attendre que l'une des institutions dotées de ce pouvoir le fasse.
Bref, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution et l'organisation des élections législatives, le 25 novembre, le Conseil constitutionnel est sollicité à tout bout de champ. Il a été saisi à l'issue de la toute première séance plénière du Parlement. Ainsi, Abdellatif Ouahbi, chef du groupe parlementaire du PAM, saisit le conseil pour motif d'inconstitutionnalité de la séance d'élection du président du Parlement, Karim Ghellab, le 19 décembre 2011. Et ce, à cause de la participation, à cette séance, du chef du gouvernement et plusieurs ministres, le gouvernement n'étant pas encore investi par le Parlement. Les ministres y étaient présents à leur titre de parlementaires. Le conseil s'était alors déclaré incompétent (décision n° 826 du 17 janvier 2012), sans pour autant que soit tranchée la question de la légalité de cette séance. A peine le Parlement a-t-il démarré son travail, voilà qu'est contestée la formation du groupe parlementaire du PPS. Miloud Chaâbi, en tant que chef du groupement parlementaire «l'Avenir» porte (le 10 février) l'affaire devant le conseil. Il conteste la légalité de ralliement du groupe formé par le PPS, par un membre du groupement. Miloud Chaâbi invoque l'article 61 de la Constitution interdisant la transhumance des parlementaires. Le recours a été rejeté, par le Conseil constitutionnel arguant que le député n'avait pas qualité pour le saisir dans cette affaire, le président du Parlement étant le seul habilité à introduire un tel recours. Auparavant, un autre recours introduit, le 6 janvier, dans le même sens, par le groupe du PAM s'était vu opposer la décision de «non compétence». Depuis, la polémique créée par le recours, par le PPS, aux «services» d'autres députés pour réunir le nombre requis de signatures (20 députés) pour former un groupe parlementaire, est tombée. Mais sa situation reste non encore clarifiée.
Un début de changement
Driss Lachgar, député USFP, est lui aussi l'auteur d'un recours, le 23 décembre 2011, quelque peu différent. Il avait, en effet, sollicité l'avis du conseil sur la légalité de sa situation à la fois de député et de ministre dans le gouvernement d'expédition des affaires courantes de Abbas El Fassi. Au moment où le conseil statuait, le 27 décembre, un nouveau gouvernement a déjà été nommé. Son recours est alors devenu «sans objet».
Bien sûr, et sur un autre registre, le Conseil constitutionnel reviendra au devant de la scène, le 13 juin, en décidant de l'annulation de quatre sièges parlementaires du PJD, à Tanger et Marrakech, pour utilisation de symboles religieux à des fins électorales. Un cinquième siège du PJD va même être annulé plus tard, dans la région de Marrakech, mais cette fois-ci après recomptage des voix. On pourrait multiplier à souhait les exemples. Une chose est en tout cas sûre : le conseil n'a été sollicité de la sorte que depuis la promulgation de la nouvelle Constitution. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi alors que le conseil vient de connaître une nette évolution ? D'une simple Chambre au sein de la Cour suprême, en 1962, il est promu en Conseil constitutionnel en 1992 pour devenir enfin, en 2011, une Cour constitutionnelle. «La justice constitutionnelle est devenue une Cour autonome. C'est une avancée importante. Mais comment cette Cour se comportera-t-elle pour interpréter le texte de la Constitution ? C'est une question à laquelle il faudra répondre. Car il ne s'agit pas seulement de concrétiser la Constitution, mais de l'interpréter. C'est là l'enjeu auquel la Cour constitutionnelle fait désormais face», affirme le constitutionnaliste Abderrahmane Baniyahya. Un bémol toutefois, «on peut déjà noter une petite ouverture dans le travail du Conseil constitutionnel, les magistrats peuvent, et ils le font déjà, avancer des arguments juridiques au lieu de se contenter de ceux invoqués dans la lettre de recours. Et c'est déjà un point important qui ouvre la voie vers une véritable justice constitutionnelle, vers la création de nouvelles normes juridiques donc vers le raffermissement de l'Etat de droit».
Un simple citoyen peut désormais saisir le conseil
Autre changement de taille apporté par la nouvelle Constitution, il n'est plus donné à quiconque, aussi compétent qu'il soit dans son domaine, de siéger au conseil. «La Constitution exige désormais que les futurs magistrats du conseil aient une formation de juriste. Encore une fois, c'est très important», explique ce professeur de droit à l'université Hassan II de Casablanca.
Dans les faits, cette institution n'est jamais autant revenue dans le débat public depuis que les Marocains, l'ont découverte, pour la première fois pour bon nombre d'entre eux, en 1994. Le conseil qui a été institué en 1992, pour prendre la place de l'ancienne Chambre constitutionnelle de la Cour suprême, venait de signer, deux ans après, l'un de ses actes de jurisprudence les plus notoires. En effet, profitant d'une vacance parlementaire, le gouvernement dirigé alors par Karim Lamrani avait adopté un décret loi, en octobre 1992, soumettant l'installation des antennes paraboliques à une amende de 5 000 DH. Une aberration. Les parlementaires ont vite fait de rectifier le tir. Une lettre signée par 85 députés adressée au conseil a été favorablement reçue, puisqu'il a été décidé d'invalider cette loi et ordonné au gouvernement de rembourser les citoyens qui ont déjà été forcés de s'acquitter de cette amende. Ce fut un acte de jurisprudence sans précédent. «Il faut préciser, nuance le constitutionnaliste Baniyahya, qu'une telle saisine n'aurait peut-être jamais été initiée si feu Hassan II n'avait pas évoqué, entre-temps, cette question dans un de ses discours».
Près de deux décennies plus tard, le commun des Marocains se familiarisera davantage avec cette juridiction une fois que l'article 133 de la Constitution rentrera en application. En effet, et c'est la teneur de l'article 133, «la Cour constitutionnelle est compétente pour connaître d'une exception d'inconstitutionnalité soulevée au cours d'un procès, lorsqu'il est soutenu par l'une des parties que la loi dont dépend l'issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution». En d'autres termes, un justiciable qui estime que ses droits fondamentaux sont bafoués par un tribunal peut faire recours au conseil pour se faire rétablir dans ses droits. En attendant la décision de la Cour, le procès reste suspendu. Bien sûr, ce droit ne peut être invoqué que si l'issue du procès dépend de la loi en question. Subsiste une question : à quel niveau de la procédure judiciaire ce recours doit-il intervenir ? En première instance, en appel, ou en cassation ? C'est une question importante à laquelle doit répondre, entre autres, la loi organique attendue, en principe, pour la fin de cette année.
Le contentieux électoral, un handicap ?
Néanmoins, «permettre ce recours en première instance déboucherait sur un blocage de la justice et une saturation du conseil. Vraisemblablement, ce recours devrait intervenir dans la phase de cassation à l'image de ce qui se fait en France où cette procédure ne peut être engagée qu'au niveau du Conseil de l'Etat ou de la Cour de cassation. Quoique notre Constitution est bien plus ouverte sur ce point», explique ce constitutionnaliste. Mais, là encore, il faut attendre cette loi organique qui fixera avec plus de précision les conditions et modalités d'application de cet article.
Cela étant, cette procédure, en elle-même, pourrait déboucher, ajoute ce professeur de droit, sur une large ouverture en matière des libertés individuelles. C'est d'ailleurs, soit dit en passant, le seul cas où il est permis de contester, devant le conseil, une loi déjà promulguée.
En attendant, le conseil croule à proprement parler sous les recours en contentieux électoral. Sur les 903 recours qui lui ont été soumis depuis son institution en 1994 et jusqu'au 1er novembre dernier, 713, c'est-à-dire près de 80%, concernent le contentieux électoral. Rien que pendant les dix premiers mois de cette année, le conseil a statué sur pas moins de 79 affaires, dont 67 relatives au contentieux électoral. Ce qui est, somme toute, logique, puisque la loi fixe, désormais, un délai maximal d'une année pour instruire ce genre d'affaires et il ne s'est pas encore passé une année après les dernières législatives du 25 novembre 2011. Quoique cela pose un petit problème. Il a d'ailleurs été soulevé lors d'une rencontre organisée il y a un mois par le Conseil national des droits de l'homme, CNDH, sur la Cour constitutionnelle. Celle-ci, estime-t-on, passe trop de temps à instruire ce type de recours alors qu'une plus grande «rationalisation», en amont, du contentieux électoral pourrait éviter cet encombrement.
«Il ne faut pas oublier que, quand on parle de Conseil constitutionnel, il ne s'agit pas seulement des 12 magistrats qui y siègent. Il dispose d'une administration où travaillent beaucoup de magistrats de carrière. Il suffit juste, dans ce cas, d'étoffer son staff. Cela d'autant que depuis des années, les magistrats du conseil ont acquis une certaine expertise. Du coup, l'instruction de ce genre de dossiers ne prend plus beaucoup de temps. Cela, d'un côté. D'un autre côté, les avocats des requérants qui n'étaient pas, dans le passé, tellement au fait des lois électorales, ont amélioré, eux aussi, leur connaissance avec le temps et la pratique», soutient M. Baniyahya.
En définitive, ce n'est pas le grand nombre des dossiers en contentieux électoral qui empêcherait le conseil de produire davantage de textes de jurisprudence. Car, note M. Baniyahya, «le conseil ne produit pas assez de jurisprudence surtout en ce qui concerne l'agencement des pouvoirs». La cause ? «Les magistrats hésitent encore à aller au fond des textes de loi, ils se contentent d'interroger les procédures. C'est peut-être aussi en raison de sa composition», avance ce professeur de droit constitutionnel. Maintenant que ses membres sont obligatoirement des juristes de carrière, et vu la nature du travail qui les attend, c'est-à-dire l'interprétation des termes de la Constitution à l'occasion notamment de l'examen des lois organiques, ils sont tenus d'aller au fond des choses. «Le travail qui les attend est énorme. Et ce, à en juger par le nombre important de notions que comporte le texte de la Constitution et qui appellent interprétation», affirme-t-il.
Cela d'autant que dans son actuelle composition, le conseil compte parmi ses membres certains juges auxquels il est arrivé, dans le passé, de critiquer les décisions du Conseil constitutionnel. «Il faut un début à tout. Et l'actuel Conseil constitutionnel est sur la bonne voie», conclut-il.


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