Les simulations de la FNPI font ressortir un taux de marge négatif de 24% pour ce dispositif tel qu'il est proposé actuellement par la tutelle. Même l'ouverture du foncier public à ce type de produits ne permettrait pas aux promoteurs de se retrouver. Serait-ce le fiasco annoncé pour le logement en faveur de la classe moyenne ? «Tel qu'il existe aujourd'hui dans le projet de Loi de finances 2013, ce dispositif n'a aucune chance d'intéresser les promoteurs immobiliers», tranche sans appel Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Cela pour une raison bien simple : ce type de programmes ferait perdre de l'argent aux professionnels. Pour en apporter la preuve, la FNPI a élaboré un business plan calculant la rentabilité espérée d'un programme de logements pour la classe moyenne tel que proposé par la tutelle. Il en ressort que la construction de 200 unités de ce genre (en l'état actuel des choses l'Habitat impose la construction de 300 logements sur 5 ans avec une superficie comprise entre 100 et 150 mètres carrés) reviendrait à près de 99 MDH, soit un coût unitaire autour de 450 000 DH par logement de 100 m2 en prenant en compte le terrain, les études, la viabilisation et les équipements, la construction ainsi que les frais divers. A cela il faut encore ajouter la TVA de 20% ainsi que d'autres impôts et taxes, sachant qu'il est question de faire bénéficier les développeurs de logements pour la classe moyenne d'avantages fiscaux toujours en négociation. En prenant en compte tout cela, les calculs de la FNPI aboutissent à une marge déficitaire nette par logement de 69 000 DH, soit un taux de marge négatif de 24%, si l'on vend le logement au prix plafond de 5 000 DH fixé par la tutelle. Et donc la perte pour un promoteur développant un programme de 200 unités se monterait en tout à 15,1 MDH. Au passage, précisons qu'à ce prix plafond de 5 000 DH, le logement pour la classe moyenne devra être vendu moins cher que le logement social (actuellement cédé autour de 5 000 DH aussi mais hors taxe) ce qui constitue un non-sens pour la FNPI. Les promoteurs veulent une marge nette de 11% Vraisemblablement conscient de tout cela, le ministère de l'habitat propose bien une incitation supplémentaire pour les développeurs de logements pour la classe moyenne, consistant en l'accès au foncier public par voie d'appel d'offres. La mesure n'a en fait pas encore été retenue et la tutelle espère vivement la faire passer sous forme d'amendement au projet de la Loi de finances. Mais il est évident qu'une telle fleur réduirait considérablement l'incidence foncière pour ces programmes vu que les promoteurs pourraient bénéficier d'un prix de 600 DH le m2 de terrain (prix pratiqué dans les récentes transactions sur le foncier public notamment dans les opérations de Lakhyayta dans la périphérie de Casablanca) contre un prix de 2 000 DH le m2 pour les meilleures opportunités foncières actuellement. Mais même si elle réduit le coût de revient pour les promoteurs, cette largesse ne les fera pas pour autant retomber sur leurs pieds, loin s'en faut. Selon les calculs de la FNPI, même dans ce cas de figure la marge par logement reste déficitaire à 24 106 DH, soit un taux de marge de -6%. En tout, le promoteur perdrait 5,3 MDH en construisant 200 logements. En somme, le dispositif de la tutelle même dans sa variante la plus avantageuse ne trouve pas grâce aux yeux des promoteurs qui ne voient d'autres configurations acceptables que celles qu'ils ont proposée. Celle-ci consiste pour rappel à céder des logements à la classe moyenne à un prix de 6 000 DH le m2, ce qui est déjà supérieur aux 5 000 DH de la tutelle. Mais plus que cela, le tarif envisagé par les professionnels est avancé hors taxe, étant à préciser qu'ils espèrent que l'Etat prenne en charge la TVA dans le cadre de l'achat de logements pour la classe moyenne. A tout cela s'ajoute encore une requête pour profiter des mêmes exonérations que pour le logement social (IS, IR, droits d'enregistrement…). Moyennant tous ces avantages, la marge par logement pour la classe moyenne devrait se redresser à 52 772 DH, soit un taux de marge de tout juste 11% selon les estimations de la FNPI. Tout cela démontre le gap entre ce qu'espèrent les promoteurs comme incitations pour investir dans le logement pour la classe moyenne et ce que sont disposés à accorder les pouvoirs publics. Un écart qui risque d'hypothéquer une fois encore les chances de réussite d'un produit qui en est jusqu'à présent à sa troisième variante sans qu'aucune n'ait pu faire l'unanimité. Et dire que l'Habitat espère que d'ici peu 20 000 logements de ce genre par an arrivent sur le marché.