Le ministère de l'habitat veut faire passer le coût du m2 construit de 1 710 DH à 1 550 DH TTC. Plafonds plus bas, WC à la turque, revêtements basiques…, des économies sont recherchées à tous les niveaux. Pour éviter le «noir», aucune vente directe aux particuliers ne sera autorisée. Le fameux logement à 140 000 DH que le ministère de l'habitat et de l'urbanisme espère pouvoir lancer d'ici quelques semaines prend forme. Il s'agit bel et bien d'un appartement habitable «clés en main», et non pas d'un produit semi-fini. «On parle d'une habitabilité de confort normal avec un minimum de prestations», avance une source à l'Habitat. Car, soyons clairs, le logement «super économique» a un rival de taille : le bidonville. «Et 140 000 DH, c'est le prix de vente moyen d'une baraque à Casablanca», estime-t-on au ministère. Deux types d'appartements seront donc proposés. Le premier comptera deux pièces et un salon et le deuxième un double salon et une seule pièce fermée. Pour arriver à un tel prix, le ministère de l'habitat propose de faire passer le coût du m2 construit de 1 710 DH à 1 550 DH TTC. Tel qu'annoncé, la superficie sera réduite à 60 m2, et pourra même aller jusqu'à 50 m2. Mais pour en arriver à une valeur immobilière totale aussi faible, il faudra rogner sur tout, et pas seulement sur la superficie. Tout d'abord, la hauteur de plafond perdra 10 cm, pour se fixer à 2,70 mètres. Enduit de ciment aux murs, plâtre au plafond, carrelage ou granito au sol : le revêtement devrait revenir à 150 DH le m2 au lieu de 190. Quelque 55 DH le m2 seront récupérés sur la menuiserie grâce à l'utilisation de l'aluminium pour les fenêtres, du bois rouge pour les portes d'entrée et de la salle d'eau. Les autres seront équipées de faux cadres. L'électricité et la plomberie sanitaire ne coûteront plus que 185 DH le m2, contre 220 DH pour le logement social actuel, tubage pour antenne et interphone inclus. Chaque pièce disposera d'un point lumineux, mais d'une seule prise. Les salles de bain disposeront d'une douche, de WC à la turque et d'un évier. «Au prix le moins cher du marché, cela revient à 1 200 DH», affirme un haut cadre à l'habitat. Enfin, il faudra compter 30 DH pour la peinture, toujours par mètre carré construit. Ce sera du vinyle à l'extérieur et une couche d'imprégnation à l'intérieur. Finalement, les seuls éléments de construction qui n'ont pas été touchés sont le gros Å"uvre (850 DH/m2), l'étanchéité (50 DH) et les aménagements extérieurs (25 DH). «Aucun compromis ne sera fait, cependant, sur les normes parasismiques», promet-on au ministère. Au coût de ces travaux de construction doit encore s'ajouter celui du foncier équipé, que le ministère estime à 270 DH le m2, des études (120 DH) et des frais divers (250 DH). Question rentabilité, le ministère affirme que la marge bénéficiaire sera de 20 000 DH par appartement, soit un taux de marge de 17%. Un bénéfice de 20 000 DH par logement pour les promoteurs En ce qui concerne la commercialisation des logements, deux scénarios se dessinent. Dans un premier cas, le promoteur immobilier pourra signer une convention avec une société qui vendra à son tour les logements à ses employés. Une vente groupée en quelque sorte. L'autre possibilité est de confier entièrement la vente des appartements à la holding Al Omrane. Car celle-ci, rappelons-le, dispose déjà d'une base de données exhaustive qui permettra de vendre «uniquement» à ceux qui en ont vraiment besoin. Les pouvoirs publics ne veulent pas répéter les erreurs du passé : il n'y aura aucune vente directe et individuelle aux particuliers. Le ministère espère ainsi contrer plusieurs problèmes à la fois : le noir, la revente par intermédiaires et la spéculation. Comme prévu, le logement à faible coût sera destiné aux ménages dont les revenus plafonnent à 1,5 fois le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), soit environ 3 000 DH par mois. Selon les calculs du ministère de l'habitat, les nouveaux propriétaires pourraient s'en sortir avec des traites mensuelles variant entre 800 et 950 DH, échelonnées sur 17 ans. Avec tout cela, du côté des promoteurs immobiliers, le scepticisme règne encore. De grands doutes subsistent quant à l'achat du foncier. «Il faut absolument que le ministère permette un système de péréquation, indique le secrétaire général de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Ou alors qu'il propose de nouvelles idées pour rentabiliser le projet». De son côté, un autre promoteur immobilier s'avoue très perplexe. «Même si on nous cède les terrains au prix coûtant, on risque de ne pas y arriver. Le ministère promet que notre marge sera de 20 000 DH par logement, mais avec les conditions actuelles, je crois que c'est impossible», souligne-t-il.