Une opération régularisation de ce parc d'hébergement non classé sera entamée dès avril 2012. Soit obéir à un cahier des charges, soit abandonner l'activité sous peine de sanctions. C'est à Marrakech ou le phénomène sévit le plus : 30 000 lits informels. La lutte contre l'informel, en particulier dans l'hébergement, prend de nouvelles proportions. Le ministère du tourisme et celui de l'intérieur sont en train de préparer une circulaire conjointe pour décourager les contrevenants, actuels et potentiels. Cette ex-croissance que les professionnels du secteur et les autorités locales ont laissé se développer durant les années de vaches grasses, revient aujourd'hui au devant de l'actualité en raison de la crise qui frappe le secteur. Des établissements qui ont pignon sur rue, mais qui font fi de la loi, font perdre au secteur et au Trésor des recettes potentielles considérables. Entre autres preuves de cette hémorragie, les nuitées dans les établissements classés ont chuté de 6% en 2011 au moment où les arrivées internationales augmentaient de 1%. L'hémorragie est encore plus prononcée chez les non-résidents, cible principale des opérateurs informels, dont les nuitées chez les établissements classés ont plongé de 11%. Même si la durée de séjour a légèrement baissé en raison de la crise, il est avéré que les touristes se sont retrouvés ailleurs et pas seulement chez les parents ou amis. C'est à Marrakech où le fléau a pris de l'ampleur comme en témoigne une enquête réalisée, il y a quelques années déjà au niveau de l'aéroport de la ville. Elle avait dévoilé que près de la moitié des touristes qui arrivent par cet aéroport ne logent pas dans les établissements d'hébergement classés (hôtels, maisons d'hôtes, clubs, etc.). Dans un mémorandum adressé en décembre dernier par les professionnels de la ville aux autorités locales, on parle de 5 000 appartements, villas et riads dont la raison d'être est d'accueillir les touristes, ce qui représente une capacité estimée par le ministère du tourisme à 30 000 lits. Les autorités useront d'abord de la sensibilisation pour pousser les contrevenants à se mettre en règle Suite à cette sortie des professionnels, une réunion a eu lieu le 10 février dernier entre le Conseil régional du tourisme (CRT), les autorités et les élus locaux en présence du ministre du tourisme, Lahcen Haddad. Ce dernier a promis de travailler avec son homologue de l'Intérieur pour assainir la situation en publiant la circulaire en question. Au niveau local, deux commissions, composées des représentants des autorités, des élus, de l'Association de l'industrie hôtelière (AIH) locale et de la délégation du tourisme, ont été créées pour recenser les appartements et les riads et inviter leurs propriétaires à se mettre en conformité avec la réglementation, notamment la loi 61-00 portant statut des établissements touristiques. En effet, le but n'est pas de sanctionner ou de fermer ces établissements d'emblée, mais de les pousser à se mettre en règle. Ainsi, la circulaire prévoit un volet dit préventif qui consiste à sensibiliser ces établissements et un autre dit correctif sous forme d'opération régularisation de ce parc d'hébergement non classé qui démarrera dès avril 2012. Un délai sera fixé à ces établissements informels pour se mettre en conformité avec un cahier des charges, faute de quoi ils seront lourdement sanctionnés. Un recensement de l'hébergement touristique informel commercialisé principalement via internet est d'ailleurs en cours de réalisation par le ministère en collaboration avec l'Observatoire du tourisme. Le but est d'identifier les canaux de distribution de ce type d'hébergement afin de trouver les moyens de le contrôler et de le fiscaliser au même titre que les autres établissements. Le mal touche tout le secteur touristique Après tout, le phénomène du développement des riads et des maisons d'hôtes est bien maîtrisé dans une ville comme Fès où les professionnels travaillent en collaboration avec les autorités locales et veillent à ce que tous les établissements dont les propriétaires s'obstinent à travailler dans la clandestinité soient fermés, comme ce fut le cas tout récemment. Il est vrai que le problème est plus délicat à Marrakech dans la mesure où l'informel, comme le rappelle un professionnel, n'est pas le fait de petites gens, mais des notables -parfois étrangers- bien organisés qui gèrent leur affaire à distance et emploient quelques petites mains marocaines qu'elles ne déclarent même pas. Ces employés leur assurent à la fois l'accueil des clients à l'aéroport, l'entretien des établissements, la cuisine et vont jusqu'à organiser pour ceux qui en font la demande des soirées à l'extérieur et même des randonnées pour découvrir le pays. Car, comme le soulignent de nombreux professionnels, l'informel ne touche pas que l'hébergement, mais toute la chaîne touristique : agents de voyages, transport, guides, accompagnateurs, etc., des métiers qui revêtent souvent un caractère social, d'où la difficulté pour les autorités de les attaquer de front. Mais, commencer par s'attaquer à l'hébergement clandestin constitue déjà un grand pas. Peut- être qu'à terme, on connaîtra de manière précise le nombre exact de nuitées qu'enregistre le pays.