De plus en plus nombreux, les riads maisons d'hôtes ont du mal à faire face à la concurrence -900 riads-, répertoriés et homologués pour la seule ville de Marrakech et 400 «informels», exploités commercialement sans autorisation. Les solutions sont à l'étude pour tenter de booster un marché qui a connu ses heures de gloire au début des années 2000. Lancée à Marrakech au début des années 2000, avant de s'étendre à Fès, Essaouira et d'autres cités à vocation touristique, la mode des riads maisons d'hôtes venait enrichir et diversifier l'offre hôtelière au Maroc. 600 riads ont ainsi été répertoriés et homologués entre 2004 et 2007 dans la médina de Marrakech et son périmètre urbain, 200 supplémentaires entre 2008 et 2012 et l'on en recense aujourd'hui 900 homologués avec décision du classement d'exploitation. La Commission estime également qu'il existe environ 400 riads «informels» pour ne pas dire clandestins, répertoriés mais non homologués et qui sont exploités commercialement sans autorisation. Les autorités concernées préfèrent parfois «fermer les yeux» sur ces pratiques illégales, dans l'attente d'une régularisation, conscientes que l'exploitation touristique d'un riad draine pour la ville un apport de devises, offre des emplois et participe à la conservation du patrimoine culturel. Elles poursuivent d'ailleurs leurs actions pour répertorier les maisons d'hôtes informelles, avec la difficulté de prouver leur exploitation commerciale, les propriétaires annonçant le plus souvent que leur bien demeure à usage personnel ou familial. Depuis deux ans, nombre de riads sont rentrés dans le rang, après régularisation de leur statut. En ce qui concerne le classement, 7 critères sont retenus par la Commission : originalité, confort et convivialité, environnement, sécurité, hygiène et qualité de service. Du côté des hôteliers de la ville, on préfère parler de complémentarité plutôt que de concurrence, arguant du fait que la maison d'hôtes a ouvert une niche dont la cible clientèle est différente, qu'elle véhicule une image positive à l'international et qu'elle fait tourner l'économie du tourisme local. «Ce sont deux offres d'hébergement complémentaires avec deux types de clientèle différents», assure Wadie Tyouss, le président de l'AMDH –l'Association des Maisons d'Hôtes de Marrakech et du sud. Outre les maisons d'hôtes, le produit hôtelier n'est pas à la traine à Marrakech si l'on fait une comptabilité des établissements : 12 palaces, 21 hôtels 5 étoiles, 30 quatre étoiles, 30 trois étoiles, 11 deux étoiles, 6 une étoile, 35 résidences hôtelières, 9 hôtels clubs, 17 pensions et 3 campings étoilés... Une offre plutôt diversifiée, avec en plus les maisons d'hôtes qui ont investi le marché dans un objectif de développement durable. Pourtant, l'engouement des années 2000 pour les maisons d'hôtes n'est plus d'actualité. «L'investissement est aujourd'hui trop lourd par rapport aux retombées économiques, explique Wadie Tyouss, et le manque d'arrivées de touristes se fait ressentir, d'autant que nous devons nous partager entre 900, sans compter les illégaux. Si l'aérien se développait, et qu'on parvenait à atteindre la barre des 20 millions de touristes, alors oui, nous pourrions espérer de nouvelles créations de maisons d'hôtes.» Jenny G. a débarqué à Marrakech il y a six ans, après avoir fait ses premiers pas dans l'hôtellerie en France. C'est donc tout naturellement que la jeune femme d'une quarantaine d'années prend en gérance un riad de 5 chambres dans la médina, classé 2ème catégorie «Après les années noires de 2011 et 2012 qui ont connu une chute phénoménale du tourisme, force est de constater une reprise sensible en 2013, explique-t-elle, avec un taux de remplissage qui oscille entre 61 et 87% selon basse, moyenne ou haute saison.» 2014 semble bien partie, avec des chiffres similaires pour les trois premiers mois de l'année. Pourtant, nous sommes loin du cliché qui voudrait que le riad maison d'hôtes soit une véritable mine d'or. «C'était le cas il y a une quinzaine d'années, poursuit Jenny, quand les investisseurs étrangers ont acheté des riads à des prix bradés, les ont rénovés et mis en exploitation. Le prix de vente du riad que je gère pourrait se négocier aujourd'hui aux alentours de 400 000 euros, alors qu'il en valait 450 000 il y a 10 ans. Aujourd'hui, si le marché demeure plutôt stable, les maisons d'hôtes ne font pas forcément des choux gras. » A titre d'exemple, Jenny a accepté d'ouvrir ses livres de comptes : le riad dont elle est la gérante affiche un chiffre d'affaires d'une moyenne de 53 000 DH mensuel pour l'année 2013. Elle paie à son propriétaire un loyer mensuel de 19 000 DH. Les charges mensuelles –salaires des employés, électricité, eau, entretien courant, taxes de séjour, de débit de boisson, assurances, -s'élèvent à 48 000 DH. Résultat du bilan, environ 10 000 DH par mois dans la poche du propriétaire- qui s'acquitte de plusieurs taxes et qui partage de moitié le montant des assurances-. Il reste un peu moins de 5000 DH pour le salaire de la gérante. «Si nous parvenons à faire tourner la maison, assure Jenny, c'est aussi parce que nous avons dû revoir à la baisse le prix des chambres, 39 euros pour une double et 45 pour une triple, ce que la majorité des riads de la même catégorie ont fait et ce qui est bien en deçà du prix d'une chambre d'hôtel 3/4 étoiles, pour une clientèle moins fortunée qui souhaite vivre l'expérience de la médina. En réalité, ce n'est pas le nombre de riads qui pose problème à Marrakech. La véritable concurrence que je trouve déloyale, vient de quelques gérants ou propriétaires de riads informels qui font tout et n'importe quoi, pratiquent des prix au petit bonheur la chance, mentent dans leur publicité sur la qualité des services qu'ils proposent, cassent le marché et donnent une mauvaise image à l'ensemble de la profession». Après trois années de crise, le marché de la maison d'hôtes, comme celui du secteur touristique en général, semble sortir de son engourdissement. Une petite lueur d'optimisme pour cette année 2014, si toutefois on trouve les vraies solutions pour booster les arrivées touristiques, sans lesquelles l'offre de l'ensemble du parc hôtelier restera disproportionnée.