Prévu par l'article 49 du Code la famille mais sans caractère obligatoire, le contrat de mariage n'est que rarement établi. A peine une trentaine par an en moyenne. Selon les avocats, l'exigence de ce document fait souvent capoter l'union... Suivez La Vie éco sur Telegram En vingt ans, et depuis la promulgation en 2004 du Code de la famille, 600 contrats de mariage seulement ont été contractés. Etabli en sus de l'acte de mariage, ce contrat, régi par l'article 49 de la Moudawana, constitue l'exception à la règle de séparation des biens retenus en droit marocain. Dans ce contrat, établi par les adouls, les époux peuvent se mettre d'accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu'ils auront acquis pendant leur mariage. N'étant toutefois pas obligatoire, il est laissé au libre choix des mariés qui ne semblent pas adhérer à cette option. «Le nombre de contrats signés depuis 2004 est très faible et cela se comprend, car l'homme marocain, comme l'homme arabe, de façon générale, n'accepte pas cette exception à la règle de séparation des biens. Je peux même affirmer, de par ma profession, que la communauté des biens, si réclamée par l'épouse, fait très souvent fuir le mari qui estime que la femme est matérialiste...», explique Khadija El Amrani, avocate au barreau de Casablanca, spécialisée en droit des affaires et de la famille. Et de poursuivre : «Les femmes, de leur côté, n'osent pas encore demander l'établissement d'un contrat matrimonial et ceci pour une question de pudeur...». Selon Me El Amrani, actuellement, ce sont beaucoup plus les Marocains résidant à l'étranger ou les Marocains ayant obtenu une nationalité étrangère vivant au Maroc qui établissent un contrat matrimonial. C'est une exception certes et sans caractère obligatoire, mais qui, en cas de divorce, protège les intérêts des époux et en particulier ceux de la femme qui se retrouve, souligne Khadija El Amrani, «dans la majorité des cas lésée et dans une situation de précarité. Ce qui altère son standing de vie et aussi celui des enfants». Un divorce pour deux mariages ! Une précarité aggravée par ailleurs par la modicité de la pension et de Mout3aa, ou compensation, versée aux épouses. Si la pension est fonction des revenus des maris, la Mout3aa est, quant à elle, actuellement fixée à 10.000 dirhams par année de mariage. Autant de raisons qui expliquent la forte mobilisation des mouvements féministes pour la révision globale du Code de la famille qui permettra d'améliorer les conditions du divorce. Plus de justice serait introduite, justement, par le recours à ce contrat matrimonial et aussi la généralisation du principe de «Kadd wa Se3aya». Ce dernier, appliqué uniquement dans les régions de Souss et le Rif, accorde aux femmes divorcées ou veuves 5 à 10% de la valeur du patrimoine en plus de la Mout3aa et de sa part d'héritage en cas de décès de son époux. «Ces propositions permettront aux femmes de vivre dans la dignité après le divorce», souligne Khadija El Amrani. Globalement, le nombre de divorces n'a cessé d'augmenter durant ces dernières années. Et Me El Amrani note que «le lancement de la révision du Code de la famille a eu un effet aggravateur. Dans mon cabinet, le nombre des affaires a été multiplié par 15 ! Et il s'agit de couples seniors ayant 30 à 40 ans de mariage qui craignent un durcissement des conditions de divorce dans le nouveau code». Selon les chiffres officiels, 588.969 divorces ont été enregistrés entre 2017 et 2021. En dehors de l'année 2020 et en raison de la crise sanitaire et l'arrêt de l'activité judiciaire, la hausse a été régulière durant les quatre dernières années. D'après les données actuellement disponibles, à fin septembre 2023, on recense 3.335 divorces à l'amiable et pas moins de 1.000 affaires de Chiqaq. Par ailleurs, les chiffres révèlent que le taux de divortialité s'est inscrit à la hausse depuis 2017. On retiendra qu'il y a 50 affaires de divorce enregistrées pour chaque 100 autorisations de mariage.