Dura lex, sed lex : «La loi est dure, mais c'est la loi». Cet adage est bien connu, mais certains en font un usage… disons immodéré. C'est le cas de certaines banques qui profitent de l'ignorance de certains clients. Dura lex, sed lex : «La loi est dure, mais c'est la loi». Cet adage est bien connu, mais certains en font un usage… disons immodéré. C'est le cas de certaines banques qui profitent de l'ignorance de certains clients en matière de législation bancaire, pour leur soutirer (et le mot n'est pas trop fort) des sommes parfois conséquentes. En voici un exemple précis. Au moment des faits, en 2003, M. X. est un honnête et paisible citoyen, âgé de plus de 80 ans. Médecin de formation, il a exercé son métier avec passion durant plus d'un demi-siècle, soigné, soulagé et guéri des milliers de patients. A côté de sa profession, il a occupé de hautes fonctions dans l'appareil de l'Etat, comme ministre et ambassadeur. Maintes fois décoré dans plusieurs pays, connu de tous pour sa probité et sa sagesse, il aspirait à une retraite méritée, loin des tracas du monde d'aujourd'hui, et entendait se consacrer à la méditation, la poésie et l'écriture. Homme de savoir et de culture, il n'en ignorait pas moins les subtilités juridiques de certains contrats… et il allait le payer cher ! Ayant fortuitement besoin d'une somme d'argent importante, et ne disposant pas de liquidités, il s'adressa donc à sa banque pour emprunter un montant de 400 000 DH, garanti par un terrain, et signa le contrat de prêt, sans vraiment le lire, comme c'est généralement le cas chez les particuliers. La banque lui avançait donc l'argent, et prévoyait un remboursement étalé sur cinq années, lui octroyant même un différé d'une année pour le début des traites. C'était, rappelons-le, un bon client, solvable, respectable et bien connu de son agence bancaire. La situation paraissait simple et limpide parce que le client n'avait jamais eu le moindre incident bancaire en plus de cinquante années de relations continues. Six mois sont passés, et voilà que M. X. se présente à sa banque et annonce son intention de procéder immédiatement au remboursement total du prêt qu'il avait contracté. Il vient de vendre une de ses propriétés, et entend régler sa dette afin de se soulager l'esprit. Le directeur de l'agence ne souffle mot, accepte le chèque de 400 000 DH qui lui est remis et lui signale qu'il faut aussi payer des intérêts et autres frais. M. X s'en acquitte sans sourciller, prend un reçu attestant de son versement et quitte les lieux. Affaire à classer, se dit-il alors… Trois mois après, il reçoit un courrier anodin de sa banque, lui signalant que son compte présente un solde créditeur de 399 500 DH, et lui rappelant son engagement à rembourser le crédit octroyé. Cela doit être une erreur, pense-t-il, sans donner suite. Quelques mois après, second courrier, un peu plus ferme cette fois-ci : son compte est toujours créditeur, mais les premières échéances du crédit sont tombées et n'ont pas été payées, ce qui engendre d'autres frais, d'autres agios et d'autres intérêts, de plus en plus élevés. M. X. s'inquiète, appelle son banquier pour s'informer, et s'entend dire que tout va bien, qu'il s'agit d'une simple bévue administrative, et qu'il n'y a pas lieu de s'affoler : tout rentrera dans l'ordre rapidement… Sauf que le troisième courrier est carrément menaçant, évoquant des poursuites judiciaires, des saisies immobilières et même une contrainte par corps éventuel, c'est-à-dire l'emprisonnement, pour être précis. M. X. en homme sage n'a jamais reçu pareil courrier : il se rend à la banque et proteste violemment, exhibant son reçu et se plaignant de l'incompétence des banquiers, incapables selon lui de tenir leurs livres de compte d'une manière rigoureuse. On le calme, on le rassure, lui expliquant (oralement) qu'on comprend ses doléances, et que le problème sera vite réglé. Et de fait, M. X. se retrouvera condamné quelques mois plus tard par le tribunal de commerce à payer plus de 100 000 DH à la banque, qui assure que cette somme provient des intérêts de retard et autres agios accumulés. L'astuce est simple : le versement effectué par M. X. a été versé sur un compte dormant, sur lequel la banque prélevait régulièrement des frais divers. Quant au second compte sur lequel était inscrit le crédit, il enregistrait, lui, les échéances impayées, majorées des intérêts de retard, agios et frais de contentieux. Et, cerise sur le gâteau, le tribunal a estimé que M. X., tout respectable et crédible qu'il soit, n'apportait aucun élément probant étayant sa contestation, et qu'on ne saurait mettre en doute des écrits émanant d'un établissement bancaire dont «les livres de compte sont réputés fiables, car tenus d'une manière précise, détaillée et rigoureuse !» «Circulez ! Il n'y a rien à voir», serait-on tenté de conclure, mais il faut bien noter cette fâcheuse propension chez nos magistrats d'avaliser quasi systématiquement les documents bancaires qu'on leur soumet, sans chercher vraiment à comprendre le fond du litige qui oppose les parties. Malheureusement, ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Sous d'autres cieux, c'est la banque qui aurait été condamnée à indemniser son client pour les désagréments subis ! Espérons au moins que les médiateurs qui viennent d'être installés (pour les banques et sociétés de financement), de par leur connaissance des métiers financiers et leur expérience, seront en mesure de proposer des solutions plus justes.