Plusieurs initiatives ont été prises depuis le 9 février. Une tendance baissière est déjà ressentie dans les marchés des fruits et légumes. La détente sur les prix va se poursuivre. Jeudi 9 février, Aziz Akhannouch appelle, lors du Conseil de gouvernement, à accroître le contrôle de l'état d'approvisionnement des marchés du Royaume en denrées alimentaires, à renforcer le suivi en matière de distribution et de qualité et à traquer et sanctionner les auteurs de toute infraction ou tout comportement opportuniste. Ce n'était pas des paroles en l'air. A peine les travaux du Conseil achevés, les différents ministères se sont mis au travail. Celui de l'Intérieur, dont dépend, quoique indirectement, un maillon crucial de la chaîne de distribution, que sont les marchés de gros, a pris les devants. Le jour même, une réunion ministérielle a été tenue au siège de ce département. Elle a été marquée par l'activation d'une commission interministérielle de haut niveau chargée de la veille. Sa principale mission est d'assurer, jusqu'à la fin du mois de Ramadan, le suivi de l'état d'approvisionnement des marchés nationaux et des prix des denrées de base. Nul n'objecte que «les prix ne peuvent subir des modifications que par le jeu de l'offre et de la demande», comme l'a d'ailleurs souligné le président du Conseil de la concurrence, Ahmed Rahhou. Mais il existe des pratiques auxquelles ont recours les spéculateurs et les courtiers, entraînant la hausse des prix de certains produits. Ce qui nécessite une vigilance et une mobilisation constantes pour y faire face. L'entreposage des produits de large consommation, à des fins spéculatives, en fait partie. Là, la loi n'est pas très claire, ou au moins pas bien appliquée. Pour l'heure, tout ce qu'on a pu retenir contre les spéculateurs, c'est l'entreposage non conforme aux règles de sécurité sanitaire ou non déclaré. Ce qui finit souvent par la saisie des produits stockés et la rédaction de PV. Bref, durant la même réunion, des mesures ont été prises pour assurer la priorité de l'approvisionnement du marché national en produits agricoles en quantités suffisantes avant de recourir aux circuits d'exportation, ce qui aura une incidence positive sur la stabilité. C'est une mesure qui fâche les producteurs qui sont liés par des contrats d'exportation et risquent des pénalités au cas où ils n'arrivent pas à tenir leurs engagements. Cela n'empêche pas bien sûr le gouvernement de se mobiliser sur tous les fronts pour faire face à cette conjoncture, encore une fois, dans laquelle sa gestion n'est pour rien. Ainsi, un peu partout dans le Royaume, les autorités locales et les services déconcentrés des autres départements concernés formant des commissions conjointes se sont mobilisés sur le terrain : contrôle, inspection et verbalisation. Les cas d'entreposage non conforme, et surtout à dessein de spéculations, découverts et les produits stockés saisis se multiplient. Descente sur le terrain Le ministère du Commerce prend en charge un des volets importants de l'action du gouvernement, la communication. Ryad Mezzour multiplie les podcasts, expliquant aux citoyens les raisons de la hausse des prix et les dispositions prises par le gouvernement pour y faire face, tout en les rassurant quant à un retour rapide à la normale. Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, lui, est branché ces temps-ci sur la fréquence du marché de gros d'Inezgane, suivant au jour le jour l'évolution des prix. C'est justement là où a débarqué, de son côté, en début de semaine, le ministre de l'Agriculture, Mohamed Sadiki, avant de faire le tour des principales exploitations agricoles qui fournissent pas moins de 85% des besoins du marché national en légumes. Le point de chute du ministre n'est pas un banal marché. Le marché de gros d'Inezgane est le plus gros marché des fruits et légumes au Maroc et c'est, qui plus est, un des marchés de gros de nouvelle génération. Cette importante plateforme permet l'amélioration des conditions de commercialisation et de distribution des produits et l'organisation de l'espace de commercialisation des produits agricoles (légumes et fruits). C'est l'endroit de la médaille. Maintenant pour ce qui est du revers, c'est le point de concentration des gros intermédiaires et, osons-le, des spéculateurs. C'est là que se décident les niveaux des prix qui seront pratiqués à travers le pays. La présence du ministre, en plus, bien sûr, de la commission conjointe qui y pointe de temps en temps, est de nature à inciter les intermédiaires à brider leur appétit de gains et revoir leurs marges. Cela d'un côté. De l'autre, la région agricole de Chtouka Ait Baha, où le ministre a visité des exploitations de production maraîchère spécialisées dans la production de la tomate ronde, le but est d'en accélérer la mise sur le marché dès que la météo le permet. La réaction du gouvernement vient à point nommé. Il a pris le temps de réunir tous les éléments nécessaires et de s'assurer que les mesures qu'il va mettre en place vont porter leurs fruits. La situation est inquiétante et une erreur d'appréciation pourrait tout compromettre. C'est qu'en même temps, l'Exécutif a réagi au moment où certaines parties, dont des syndicats, s'apprêtaient à surfer sur cette situation pour chauffer la rue. Des manifestations, sit-in, marches..., ont en effet été programmés pour cette fin de semaine.
Marchés de gros, éternel chantier de réforme Le sujet n'a jamais été aussi évoqué qu'avec la dernière vague de la hausse des prix des légumes et des fruits : c'est de la nécessaire réforme de la chaîne de distribution de ces produits qu'il s'agit. Mais ce n'est pas nouveau. Le ministère de l'Agriculture penche dessus depuis un bout de temps. Déjà, en février 2022, le CESE avait émis un avis là-dessus. Il y est question de l'élaboration d'une vision intégrée et participative dédiée à la commercialisation des produits agricoles. Plusieurs pistes ont été retenues dont l'urgence de procéder à la réforme des espaces de commercialisation, dont l'objectif est de court-circuiter les spéculateurs mais aussi d'éviter la multiplication des intermédiaires, l'accélération de la digitalisation du circuit, ainsi que le développement de circuits courts de commercialisation à caractère coopératif et du commerce de proximité. De même qu'il est préconisé d'instaurer un dispositif légal et de communication pour lutter contre les pertes et le gaspillage des produits agricoles, au niveau de la distribution, du stockage et de la commercialisation. En attendant, un début de réforme, qui a été adopté, permet aux coopératives agricoles d'écouler directement leurs produits sans passer par ces marchés.