Premier du genre au Royaume, le projet d'une usine de chauffe-eau solaires permettra la production de 40.000 unités par an, «Made in Morocco», développées et conçues par des chercheurs et des experts marocains. Entre Badr Ikken et les énergies renouvelables, il n'y a pas de secret. Après avoir affûté ses armes en Allemagne et en Chine, gérant plusieurs projets de recherche et d'industrie axés sur les énergies renouvelables, il revient au bercail. En 2010, il rejoint MASEN en tant que directeur de développement, avant de cofonder, un an plus tard l'Iresen. Un centre de recherche qu'il quitte début 2022 pour se lancer pour son propre compte, en créant Green Innov Industry Investment (Gi3). Lundi 16 janvier, le nouveau-né de Gi3 voit le jour : une usine de fabrication de chauffe-eau solaires, une première au Maroc ! Une autre usine de cellules photovoltaïques sortira également de terre cette année. L'aventure entrepreneuriale d'Ikken ne fait que commencer. Vous venez de lancer les travaux de construction d'une usine de chauffe-eau solaires 100% marocaine. Pourriez-vous revenir sur la consistance de ce projet ? Mysol CES est la première usine du genre au Maroc. Elle produira des chauffe-eau solaires thermosiphons à capteurs plans et des thermosiphons avec tubes sous vide, avec réservoir intégré, ainsi que des chauffe-eau solaires à circulation forcée avec réservoir séparé. Chaque type répondra à des besoins différents (maison, logement collectif,..) et sont adaptés aux six zones climatiques nationales. L'investissement de la première phase de ce projet s'élève à 60 millions de dirhams et permettra la création de 880 emplois directs et indirects. La particularité de ce projet est que la technologie est développée conjointement avec des ingénieurs et des chercheurs marocains, notamment de l'Université Sidi Mohammed Ben Abdallah de Fès. Notre ambition est de développer des unités industrielles dans le domaine des technologies propres et de contribuer activement à la transition énergétique, ce qui permettra au Maroc d'assurer sa souveraineté énergétique et industrielle. Comment avez-vous financé cet investissement ? Nous avons eu trois sources de financement : les fonds propres des associés, un crédit de la banque Crédit du Maroc et la subvention à l'investissement de l'état, qui nous ont permis de boucler ce projet et nous lancer pour une réalisation accélérée dans de bonnes conditions au niveau du parc industriel de Aïn Johra, à Tiflet. J'ai été très positivement surpris par la mobilisation et le soutien mis en place, ce qui encourage efficacement les investisseurs. Pourquoi le choix de Aïn Johra ? J'avoue qu'initialement nous n'avions pas pensé à la commune d'Aïn Johra, mais nous avons été très bien accompagnés et conseillés par les départements concernés de la wilaya de Rabat-Salé-Kénitra et le CRI, qui ont véritablement fait la promotion de cet emplacement stratégique exceptionnel. Nous avons évalué les données et nous avons constaté qu'à seulement 50 kilomètres de Rabat, Aïn Johra offre plusieurs avantages, notamment un parc industriel aménagé, une zone d'accélération industrielle et un vivier d'emploi, puisqu'elle se trouve à proximité de plusieurs grandes universités marocaines. Nous avons adhéré à la proposition et adopté le site avec conviction. Nous sommes aujourd'hui très satisfaits. Quelle est votre cible ? L'eau chaude sanitaire pour le secteur résidentiel et industriel représentera notre cible prioritaire (maisons, immeubles et usines). En deuxième phase, nous proposerons des solutions industrielles pour produire de la chaleur et du froid industriel, ainsi que le chauffage de bâtiments. Qu'en est-il de votre politique tarifaire ? La concurrence chinoise ne vous inquiète-t-elle pas ? Notre produit sera d'une qualité irréprochable, intégrera plusieurs capteurs non proposés dans les chauffe-eau solaires conventionnels et sera compétitif. Nous avons innové dans le développement de nos produits pour réduire le nombre d'intrants et de matières premières utilisées dans notre produit. Quant à la capacité de l'offre à long terme, nous avons anticipé en mettant en place un réseau de fournisseurs fiables au Maroc et à l'international, tout en modélisant précisément notre besoin en fonds de roulement pour garantir une stabilité des prix à la consommation. Quels sont vos objectifs en termes de capacité de production ? La première ligne de production démarrera avant le 2e semestre 2023. Sur le court terme, nous aurons une capacité initiale de production industrielle de 40.000 unités par an et nous prévoyons 90.000 unités par an sur le moyen et le long terme, avec un taux d'intégration industrielle de 100% pour les capteurs plans et 75% pour les tubes sous vide. Quel est le potentiel du marché marocain ? Visez-vous l'export ? Les surfaces des capteurs solaires varient de 1,5 à 4 m2 dépendamment des besoins. Le potentiel technique national est estimé à 10 millions de m2 avec un chiffre d'affaires de plus de 50 milliards de dirhams. Il est à noter que presque un million de m2 a déjà été installé au Maroc, principalement ces 20 dernières années. Actuellement la majorité des chauffe-eau solaires sont importés de Chine, de Turquie et d'Europe. Nous visons l'export à moyen terme vers le Moyen-Orient, l'Europe et l'Afrique. Une usine de production de cellules photovoltaïques est également en projet... Effectivement, le projet Mysol PV sera lancé en 2023 et vise la fabrication d'un maillon essentiel de l'industrie solaire photovoltaïque, notamment les cellules photovoltaïques. Il s'agira de la première usine de fabrication de cellules photovoltaïques en Afrique et dans la région MENA. Une stratégie nationale claire, une rupture technologique, une alliance de partenaires financiers et technologiques, ainsi qu'une situation géopolitique propice nous permettent de mettre en place ce projet ambitieux. Celui-ci contribuera à l'émergence d'une filière solaire à très forte valeur ajoutée, qui nous permettra d'assurer notre souveraineté énergétique et industrielle. Que représente pour vous ce projet sur le plan personnel ? Ce projet représente un nouveau tournant dans ma vie et dont je suis fier. J'ai dirigé une structure publique dans le domaine de la recherche et du développement, que j'ai eu l'honneur de mettre en place. J'ai milité pendant plusieurs années et encouragé les doctorants à s'engager dans l'entrepreneuriat et aujourd'hui je suis passé de l'autre côté. Les étoiles se sont alignées et j'ai décidé de me lancer pour mon propre compte.