Une pathologie qui tend à se développer en raison de la multiplication des situations qui la déclenchent La précocité de la prise en charge psychologique est capitale. On le sait aujourdíhui, lors d'une catastrophe, les dégâts ne sont pas seulement matériels, et les troubles psychiques qui les accompagnent doivent impérativement être pris en charge par les professionnels. La question est d'actualité au Maroc, pays qui a connu ces dernières années de nombreuses catastrophes naturelles : inondations de Settat, d'Essaouira en 2001, de Mohammédia, Berrechid (en 2002), ou encore tremblement de terre d'Al Hoceima (en 2004). A la suite de ce séisme, il a été question que les différents plans d'urgence mis en place comportent un volet prise en charge psychologique des personnes sinistrées. Pourtant, à ce jour, rien n'a été fait dans ce sens, alors que, du fait de cette défaillance, l'avenir psychique des victimes peut être complètement hypothéqué. Selon le Dr Jalal Taoufiq, professeur de psychiatrie à la Faculté de médecine de Rabat et médecin chef de l'hôpital psychiatrique Ar-Razi, la pathologie des catastrophes, également appelée «sinistrose» par les spécialistes, est de mieux en mieux connue, surtout depuis les deux Guerres mondiales, et plus encore depuis celle du Vietnam. Pour ce psychiatre, la sinistrose se manifeste par un état de stress post-traumatique (ESPT), ensemble de réactions psychologiques face à une situation perçue comme menaçant l'intégrité physique de la personne. Cette pathologie est appelée à être de plus en plus fréquente, avertit le Pr Taoufiq, du fait de la fréquence croissante des accidents de la voie publique, de la criminalité croissante, des changements climatiques (catastrophes naturelles, inondations), qui sont autant de situations génératrices d'ESPT. Ce spécialiste en psychiatrie explique que lorsqu'une situation est perçue comme dangereuse, deux types de réaction peuvent être observés. Soit la personne s'adapte au stress et le dépasse, soit elle vit la situation de manière dramatique et intense, ce qui se traduit par des manifestations anxieuses, des états de stupeur ou, au contraire, d'agitation. La victime a du mal à reprendre des activités normales et, parfois, devient violente. Le vécu des personnes sinistrées est marqué par des reviviscences, sous forme de cauchemars. Cela peut se traduire également par de l'insomnie et des problèmes de concentration. Le Pr Taoufiq insiste sur un point fondamental : l'évolution des ESPT dépend essentiellement de la précocité de l'intervention psychologique. C'est pourquoi, face à une situation de crise, tout plan d'urgence doit prévoir la mise en place d'une aide psychologique, et, tout d'abord, comme le préconise le Pr Taoufiq, d'une cellule d'écoute. Celle-ci devra comprendre des médecins généralistes, des psychologues ou des assistantes sociales, sous le contrôle de psychiatres formés à la gestion des situations de catastrophe. Pour cela, il est indispensable de prévoir, au niveau régional, des mécanismes automatiques pouvant être déclenchés par le wali, qui doit maîtriser parfaitement la carte sanitaire de sa région, en termes de ressources humaines et matérielles, permettant de la sorte d'inclure psychiatres et psychologues dans la cellule de crise.