Le Maroc n'exploite pas entièrement sa capacité fiscale. Un écart fiscal de 6,7 points de PIB contre 4,1 dans les pays à revenu faible. En matière de collecte d'impôts, le manque à gagner pour le Maroc est important. C'est ce que révèle un document de recherche produit par Hicham Doghmi, chercheur à Bank Al-Maghrib. L'objectif étant d'évaluer l'efficience de la collecte des impôts au Royaume en déterminant l'écart entre le niveau observé des recettes fiscales et la capacité fiscale ou le maximum d'impôts qu'il peut collecter. Pour ce faire, le chercheur a estimé la capacité fiscale pour un panel de 76 pays en développement sur la période 1980-2017, en utilisant la dernière génération des modèles de frontières stochastiques. Ces modèles, qui reposent sur le concept d'efficience technique, considèrent que le niveau des recettes fiscales d'un pays dévie de la frontière fiscale en raison d'une inefficience dans le processus de collecte des impôts. Le degré de cette inefficience reflète à la fois la nature du système fiscal en vigueur et la performance de l'Administration fiscale du pays. En se concentrant sur la collecte des impôts de 2013 à 2017, l'on conclut que le Maroc n'exploite pas entièrement sa capacité fiscale et dispose d'un écart fiscal de 6,7 points de PIB. Cet écart est de 4,1 dans les pays à revenu faible et de 6,1 dans les pays en développement. M.Doghmi estime alors que le pays gagnerait à traduire sa volonté continue de réformer le système fiscal actuel en une série d'actions et de mesures. Etant donné que le Maroc pratique déjà un niveau d'imposition très élevé, des efforts devront être consentis pour élargir la base fiscale, accroître la population fiscale, améliorer le recouvrement fiscal et promouvoir le civisme fiscal. Améliorer la collecte des impôts est possible, encore faut-il prendre certaines mesures, à savoir l'augmentation de l'efficience de la TVA en réformant le système actuel à 5 taux dans le sens de l'élargissement de son champ d'application. Le nombre des taux doit être réduit en basculant dans un premier temps à trois taux (0%, 10%, 20%), et in fine à seulement deux taux (un taux réduit et un taux standard) .«La multitude des taux réduit naturellement les recettes fiscales, fait supporter des coûts administratifs supplémentaires à l'Administration fiscale et crée des opportunités d'évasion et de fraude fiscales à travers la classification erronée des produits de la part des agents économiques», argumente le chercheur. De même, le nombre des exonérations doit être revu à la baisse et limité au strict minimum. «En 2019, la moitié du coût des dépenses fiscales est attribuée à la TVA, avec 84 mesures, donnant lieu à un manque à gagner fiscal de 14,3 milliards de DH, soit 1,2% du PIB», souligne-t-il. La deuxième mesure consiste à l'amélioration de la productivité de l'IS. Cela pourrait être effectué notamment en luttant contre les pratiques agressives des multinationales qui recourent aux transferts artificiels des bénéfices dans des juridictions où ils seront très peu ou pas taxés, provoquant ainsi une érosion de l'assiette fiscale et une réduction, par conséquent, de leurs charges fiscales. Dans ce contexte, il est utile de rappeler que le Maroc a signé en 2019 la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices. L'adoption de ces mesures permettrait au Maroc de protéger son assiette fiscale et générer des revenus fiscaux additionnels. Le chercheur suggère une autre mesure efficace pour améliorer la collecte des impôts en luttant contre la fraude et l'évasion fiscale via la digitalisation. Il recommande de s'appuyer sur les solutions offertes par le développement rapide des technologies de l'information ces dernières années pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, à travers la collecte et l'analyse de grandes quantités de données sur les contribuables. Dans ce cadre, l'utilisation de la facturation électronique et les caisses enregistreuses (connectées directement à l'Administration fiscale) est recommandée. Ces deux solutions ont permis à plusieurs pays développés d'augmenter le niveau des recettes fiscales, d'améliorer considérablement le respect des obligations fiscales et de réduire les coûts de mise en conformité fiscale auprès de la population fiscale.