Awal est un programme pilote qui vise à archiver les arts oraux amazighs au Maroc et en Afrique du Nord. Cette initiative pilote, menée par l'actrice culturelle Soumeya Aït Ahmed et le cinéaste Nadir Bouhmouch, est censée donner l'exemple pour une large campagne de préservation de ce patrimoine. Beaucoup l'ont rêvé. Soumeya et Nadir l'ont fait. C'est au sein du Centre d'art contemporain «Le 18, Derb El Ferrane» à Marrakech qu'a été annoncé le lancement de l'initiative d'archivage, de réactivation et de promotion des arts oraux amazighs des régions du Sud-Est, du Moyen-Atlas et du Haut-Atlas. Cette première étape est censée mobiliser étudiants universitaires et artistes, pour créer les premières archives en Afrique du Nord, mais également encourager leur intégration à des supports artistiques plus récents, à l'ère de la numérisation et de la dématérialisation des patrimoines artistiques. Un secteur précaire «Awal» signifie «le mot» en tamazight. Et c'est une lutte acharnée que mènent nos deux activistes pour préserver et pérenniser les mots des aïeux. C'est qu'avec la mutation que connaît la musique aujourd'hui, les musiques traditionnelles sont les plus vulnérables, les moins défendues et donc les plus susceptibles à disparaître à l'ère de la numérisation, surtout en raison de la précarité économique des artistes et de la marginalisation que connaissent ces régions sur le plan économique comme culturel. De ce fait, les Marocains, qu'ils soient issus des régions concernées ou non, passent à côté d'un pan considérable de leur histoire commune. «Les histoires et les poèmes oraux sont des documents historiques, explique Nadir Bouhmouch. Ils nous offrent des perspectives de régions où l'Etat avait peu ou pas de contrôle sur le passé et nous donnent un point de vue sur le soi-disant ''Bled Siba'' que nous ne pouvons pas trouver nécessairement dans les manuels d'histoire officiels ou les archives coloniales». On espère également engendrer un travail académique autour de ce patrimoine, à même de le valoriser et d'encourager son appropriation par la jeunesse. «Il semble y avoir un manque de recherche sur les oralités au Maroc», affirme Soumeya Aït Ahmed, qui espère encourager les chercheurs, amateurs et artistes à réfléchir collectivement aux arts oraux et à leur signification aujourd'hui. «Awal» rappelle, ainsi, par plusieurs aspects le travail anthologique réalisé par Brahim El Mazned à propos de la musique des Rwayiss. Un programme inclusif «Asnimer» est une troupe musicale féminine d'Aït Bouguemez dans le Haut-Atlas. Elle a lancé le programme, ce 17 janvier, à l'occasion du Nouvel an amazigh. La performance a été précédée d'un débat autour des oralités et leur adaptation aux nouveaux médiums artistiques, tels que le cinéma, le théâtre, la littérature ou même le graphisme. Pour ce faire, des ateliers s'alterneront avec des tables rondes, des projections et des «agraws» (débats accessibles au public). Pour cette première saison, qui se prolonge jusqu'au mois de mars, il est question également d'une table ronde sur l'adaptation des arts oraux au cinéma, un atelier «Hakawati» pour les enfants et un atelier sur des analyses littéraires de la poésie Ahwach, Tandamt, Tarchacht, Talghatin et Rwayiss. La deuxième saison sera annoncée en septembre et se déroulera d'octobre à décembre. Côté archivage, le programme «Antam» est censé constituer les premières archives d'arts oraux de la région. Au programme, des formations, des équipements et des subventions seront accordés aux élèves nés dans le Sud-Est, le Moyen et le Haut-Atlas qui étudient dans les universités publiques, afin de documenter des poèmes, des histoires, des chants et des proverbes de leurs régions ou villages. Quelque 180 heures d'enregistrement sont prévues lors de cette première année du programme et seront mises à disposition au centre «Le 18, derb El Ferran». Tout comme El Mazned, les deux concepteurs d'Awal espèrent voir leur initiative dupliquée et reproduite par le plus grand nombre d'acteurs culturels, d'institutions et de citoyens passionnés.