20 à 25% de la ressource prélevés chaque année en Méditerranée ainsi que sur la côte Atlantique de Cap Spartel à Boujdour. La zone de Boujdour à Lagouira recèle une grande réserve de ressources encore inexploitée. Le ministère des pêches estime que le secteur peut rapporter 17 à 18 milliards de DH par an sur les quatre prochaines années. Avec les prix affichés et la rareté chronique de quelques espèces sur les étals, le poisson est devenu un produit de luxe. Ce contexte pousse à s'interroger sur l'état des stocks de la ressource au niveau des 3 500 km de côtes dont dispose le Maroc. Pour de nombreux spécialistes, la rareté est un résultat direct de la surexploitation. A ce titre, on peut rappeler que 10% des espèces recensées dans le monde ont effectivement disparu. Pour le Maroc, on doit être moins catégorique sur la raréfaction de la ressource, sachant qu'il existe quatre grandes zones de pêche (la zone méditerranéenne et trois zones sur la façade atlantique) qui présentent des situations différentes. Sur les côtes méditerranéennes où l'on pêche quelque 36 000 tonnes par an (dont 14 000 de pélagique et le reste en poisson noble dont le fameux espadon), la ressource est assurément surexploitée. Sur l'Atlantique, les deux premières zones (Cap Spartel-Essaouira et Essaouira-Boujdour) ne sont pas mieux loties : 20 à 25 % de la ressource sont prélevés annuellement, quand ce n'est pas plus. En revanche, entre Boujdour et Lagouira, le stock est largement sous-exploité. C'est une chance pour le Maroc, un des rares pays où une telle opportunité existe encore. Selon l'Institut national de recherches halieutiques (INRH), les réserves se montent à 8,5 millions de tonnes dans cette aire alors que les captures annuelles sont à peine de 74 000 tonnes. Cela signifie qu'aujourd'hui, sans aucun danger pour la préservation des espèces, on peut prélever encore dans cette zone plus d'un million de tonnes supplémentaires par an. Cet énorme potentiel équivaut à la totalité des pêches actuellement effectuées au Maroc, puisque les captures, en stagnation ces dernières années, oscillent entre 900 000 et 1 million de tonnes, dont quelque 100 000 tonnes en poisson blanc et céphalopodes, et l'essentiel en pélagique. Il faut noter au passage que, pour certaines espèces, la baisse des captures peut être compensée par une valeur commerciale plus intéressante. C'est le cas, par exemple, des céphalopodes – poulpe, calamar et seiche – qui, malgré une baisse de 40 000 à 50 000 t de captures ces dernières années, continuent de rapporter une moyenne de 2,5 milliards de DH par an. 50 milliards de DH investis depuis les années 80 Les captures marocaines dans les zones économiques exclusives (ZEE) sont évaluées au moment de leur débarquement, au niveau des halles de l'Office national des pêches (ONP), à 5 ou 5,5 milliards de DH. Dans les faits, après valorisation, elles rapportent près de 11 milliards de DH rien qu'en devises. Ce qui représente 55% des exportations agroalimentaires. Sur le marché local où s'écoule surtout du pélagique (notamment la sardine), Abdallah Janati, directeur des industries de la pêche, estime le chiffre d'affaires autour de 2,5 milliards de DH. Et c'est justement cela qui conforte aujourd'hui les pouvoirs publics, plus précisément le ministère des pêches, convaincu que le secteur peut encore gagner en performance et rapporter pas moins de 17 à 18 milliards de DH par an sur les 5 années à venir. D'ailleurs, les investisseurs l'ont bien compris puisqu'il a été injecté dans le secteur entre les années 80 et aujourd'hui pas moins de 50 milliards de DH, explique encore M. Janati. Et cela va continuer puisque le ministère de tutelle a annoncé ce 11 juin un plan de relance axé sur deux grandes initiatives. La première est la mise à niveau du secteur qui s'étalera sur 3 ans avec une enveloppe de 220 MDH dont 80 millions alloués aux 16 000 barques de la pêche artisanale. L'autre grande mesure concerne la modernisation de la flotte de pêche côtière. Ce sont 760 MDH qui y seront consacrés sur une période de 4 ans, avec la création d'un fonds de garantie dédié (voir page 49) Le repos biologique entre dans les mœurs Ce train de mesures est déjà en route puisque c'est dans ce cadre que s'inscrivent les projets d'implantation du pôle halieutique d'Agadir, une zone de compétitivité qui se déploiera sur 150 ha, un projet où sont impliqués la région Souss Massa Drâa, le fonds Igrane et le Crédit agricole, avec le soutien du ministère des pêches et celui de l'industrie et du commerce. Par ailleurs, des zones franches d'exportation sont projetées à Laâyoune et Dakhla, et c'est Med Z (filiale de CDG) qui a été désignée en tant que maître d'œuvre délégué. Pour en revenir à l'état des ressources halieutiques sur les côtes marocaines, il y a lieu de noter que le ministère de tutelle joue aujourd'hui pleinement son rôle de régulateur. Mieux, les professionnels ont été si bien sensibilisés que personne ne songe plus à contester des mesures comme le repos biologique ou le gel des investissements qui consiste à ne plus accorder de licences de pêche. Maintenant, reste à réaliser le vœu de l'INRH qui estime nécessaire de réduire l'effort de pêche dans les zones autres que Boujdour-Lagouira. D'autant plus que les conditions climatiques et leur influence sur les courants chauds et froids modifient les lieux de ponte et de concentration du poisson. Ainsi, en matière de débarquements, c'est désormais Laâyoune qui vole la vedette. Sur les 11 ports les plus importants du pays, Laâyoune a totalisé des débarquements de 300 000 tonnes en 2007 sur un total d'un peu plus de 760 000 tonnes pour l'ensemble de la pêche côtière. Cependant, si la préservation de la ressource est un volet important, tout le travail qui reste à faire se situe, avec le même degré d'urgence, au niveau d'une meilleure valorisation des produits de mer. Selon la direction des industries de pêche, l'outil de production installé est encore sous-exploité puisque les machines ne tournent en moyenne que 175 jours par an. Le secteur qui a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires de 3 milliards de DH, dont 90% à l'export, pourrait facilement doubler son chiffre d'affaires si l'outil était utilisé 250 jours par an. Mais pour cela, bien entendu, il faut qu'il y ait de la matière première, du poisson à traiter, ce qui n'est pas toujours le cas .