Pour le leasing, elles ont baissé les taux jusqu'à 6,5% pour certains produits, alors que le coût du refinancement est à 5,5% en moyenne La rentabilité risque de s'éroder dangereusement. Après les banques, c'est au tour des sociétés de financement de s'engager dans une lutte sans merci pour la conquête de parts de marché. Naturellement, cette bataille est menée, pour l'essentiel, sur les taux, directement ou par le rallongement des durées des crédits et les différés de paiement. Pour les professionnels du secteur, c'est particulièrement visible depuis le début de l'année 2008. Selon des sources dans le secteur, cette guerre des taux est plus ouverte dans le leasing. «Les taux proposés par certaines sociétés de leasing sont parfois inférieurs à ceux pratiqués par des banques pour leurs crédits à court et moyen terme», s'inquiète le patron d'une société de la place. On parle de taux de 7,5%, 7% voire 6,5% pour le leasing immobilier par exemple. «Il nous arrive d'appliquer des taux supérieurs à 10% pour certains clients risqués», tempère toutefois un professionnel. La «location avec option d'achat» (LOA) n'est pas en reste. Certains professionnels proposent un financement total, sans apport initial pour un contrat étalé sur une durée allant jusqu'à 60 mois. Les valeurs résiduelles proposées peuvent descendre jusqu'à 5,8% du prix du bien (c'est en fait le gain réel de la société de crédit), alors que leur taux de refinancement est de l'ordre de 5,5%. La guerre des taux est également enclenchée, même si elle est moins apparente, au niveau d'autres types de produits offerts par les sociétés de crédit à la consommation. Ainsi, lors du dernier Auto expo, qui vient de s'achever, les stands des sociétés n'ont pas désempli et les chargés de clientèle ont mis les bouchées doubles pour placer le maximum de crédits. En dehors du salon, il suffit de voir les offres promotionnelles qui fleurissent un peu partout et le niveau des mensualités proposées pour se rendre compte de la baisse des taux. «Les sociétés ne peuvent gagner que sur leurs marges puisque les frais de dossier sont les mêmes et les primes d'assurance presque similaires». Tout compte fait, on est très loin du taux effectif global, actuellement à 14,17%, que beaucoup de sociétés appliquaient sur bon nombre de dossiers. En effet, «la solution qui nous paraà®t idéale reste la compression de nos marges en jouant sur l'effet de masse», justifie Jawad Belemlih, responsable commercial à Sofac. Le risque de proposer des taux à perte est évident Mais pourquoi de tels taux sont-ils inquiétants ? En fait, comme l'analyse un financier, la différence fondamentale entre une société de financement et une banque réside dans le coût des ressources. Pour la banque, la collecte de dépôts auprès de la clientèle, notamment à travers les comptes courants et autres dépôts à terme, permet d'assurer un taux de refinancement de 3 à 3,5%. Il est donc possible de proposer des taux de 5,5% aux bons clients tout en s'assurant une marge correcte. Or, pour les sociétés de financement, qui ne peuvent collecter des dépôts à moins de deux ans, le refinancent se fait en partie auprès des banques. Les filiales de ces dernières peuvent avoir accès aux ressources à des conditions abordables. Pour les autres, le coût est naturellement plus élevé. Certains professionnels l'estiment au minimum entre 5 et 5,5% sur le moyen terme. Mais il est aussi possible de procéder à un appel public à l'épargne par l'émission de bons de société de financement (BSF) dont les taux nominaux proposés pour une durée de 5 ans, par exemple, tournent autour de 4,5 à 4,6%. La question se pose d'elle-même : comment une société de financement (leasing ou crédit à la consommation) peut-elle proposer à sa clientèle un taux de 6,5% ? Sachant qu'il y a deux composantes qu'il faut prendre en considération : les frais de gestion et le coût du risque, sans compter la marge, à laquelle il est impossible de renoncer dans la plupart des dossiers. Du côté de l'Association professionnelle des sociétés de financement (APSF), son délégué général, Mostafa Melsa, affirme que «la concurrence entre les différentes sociétés est totalement libre à condition qu'elles ne prêtent pas à un taux inférieur au prix de revient», tout en rappelant que «la directive de l'autorité de tutelle est très claire là -dessus». Les comités sont de moins en moins regardants sur les conditions d'éligibilité des clients Il n'empêche que c'est toute la profession qui s'inquiète de cette guerre des taux qui, selon certains, menace sérieusement le secteur notamment dans deux aspects majeurs : la rentabilité et la pérennité. En effet, et comme l'explique le patron d'une société de leasing, «la course à la part de marché pousse certains à produire du mauvais risque». Décryptez : les comités sont de moins en moins regardants sur les conditions de solvabilité et d'éligibilité des clients. La conséquence naturelle est que «l'on se retrouvera dans deux ou trois ans avec des impayés, des créances non recouvrables et, plus tard, des provisions à passer, ce qui se reflétera dans les résultats». Bien entendu, dans un premier temps, c'est la rentabilité de la société en question qui en prend un coup. Mais, dans le secteur financier, c'est connu, il y a ce que les professionnels appellent le «virusage». Quand un client a des difficultés avec une banque ou une société, il passe naturellement chez le concurrent. Au mieux, il tentera de lever à nouveau des fonds pour rembourser l'ardoise chez sa première banque, et, au pire, il remettra les compteurs à zéro en laissant son ardoise et ainsi de suite. Malgré un contrôle plus serré initié au sein même des associations professionnelles sous l'égide de Bank Al Maghrib, cette pratique perdure. Deux réunions des professionnels sur la question des taux Alertés par cette course folle et malsaine, les professionnels n'ont pas tardé à réagir. Depuis le début du mois de mai, deux réunions se sont déjà tenues à l'APSF durant lesquelles la question des taux a été le principal si ce n'est l'unique point à l'ordre du jour. Certains professionnels avancent qu'un taux minimum a été convenu dans le cadre de l'association la semaine dernière. «Nous ne pouvons pas fixer un taux minimum et l'imposer aux sociétés. Ce serait une entente, ce qui est contraire à la déontologie», dément M. Melsa .