durant les audiences, la situation devient parfois ubuesque : les juges entendent mal les prévenus (vitres sécurisées et blindées oblige), lesquels entendent mal les questions qui leur sont adressées, forçant les magistrats à se répéter plusieurs fois, ce qui les agace, les énerve, et les rend peu enclins à la clémence. Quiconque fréquente le Tribunal pénal d'Ain-Sebâa aura certainement remarqué le dispositif sécuritaire qui y a été installé il y a quelques années. Pour mémoire, ce tribunal est consacré aux audiences pénales, où se jugent les délits et crimes en tout genre : meurtres, agressions physiques, viols... Les prévenus ne sont pas des enfants de chœur. Ce sont souvent des délinquants chevronnés au casier judiciaire bien rempli, ce qui peut justifier que la justice prenne certaines précautions. En l'occurrence, cela prend l'apparence d'un immense box vitré, aux verres sécurisés de haut en bas. D'après le ministère, ces précautions sont nécessaires pour éviter, d'une part, les agressions contre les magistrats, et, d'autre part, toute tentative d'évasion. Sauf que ces deux raisons ne tiennent pas la route et sont jugées, si l'on ose dire, peu crédibles par les spécialistes. En effet, les agressions contre les magistrats sont rarissimes, et tous les avocats le disent : en plus de trente ans de carrière, aucun d'entre eux n'a vécu ou assisté à une agression pareille ; action d'autant plus délicate à réaliser que le dispositif de sécurité qui entoure les prévenus amenés à comparaître est assez musclé, renforcé même à l'occasion par des équipes spécialisées des forces de l'ordre. Quant à l'évasion, elle semble à tout le moins difficile à réaliser, tellement les prévenus sont serrés de près par un cordon de policiers. D'Europe et de France, où de pareils box ont été installés, la colère monte notamment chez ceux chargés de la défense des inculpés, à savoir les avocats. Car, dans les faits, on assiste à des scènes plutôt inédites dans ces salles d'audience : un jour, le nombre de prévenus d'une affaire d'association de malfaiteurs est tellement élevé, soit près d'une quinzaine d'individus (auxquels il convient d'ajouter une vingtaine de policiers,) que tout le monde n'a pu prendre place dans le box. Difficile de juger quelqu'un en son absence, alors que faire ? Diminuer le nombre de policiers ? Ce serait, dans ce cas, jouer avec la sécurité des personnes présentes, magistrats bien sûr, mais aussi avocats, greffiers, familles des mis en cause. De plus, et, sans doute pour ajouter à l'ambiance déjà tendue, on remarque qu'aucune ouverture ou porte ne donne sur la salle d'audience. Les prévenus pénètrent dans le box par une porte donnant directement sur ce que l'on appelle affectueusement «la souricière», c'est-à-dire, une espèce de geôle en sous-sol, ou patientent, (poireautent serait plus exact) les personnes en attente de comparution. Ce qui induit la question suivante : En cas d'incendie inopiné, comment va-t-on procéder à l'évacuation des prévenus? Des avocats ont déjà posé la question, faisant incidemment remarquer que si le feu se déclarait, policiers et prévenus seraient pris dans le même piège mortel! Ce qui ne semble avoir ému personne! Par ailleurs, durant les audiences, la situation devient parfois ubuesque: les juges entendent mal les prévenus (vitres sécurisées et blindées oblige), lesquels entendent mal les questions qui leur sont adressées, forçant les magistrats à se répéter plusieurs fois, ce qui les agace, les énerve, et les rend peu enclins à la clémence. Et lorsqu'un prévenu veut fournir un document au tribunal (du genre certificat médical), c'est toute une manipulation qui doit être effectuée, ce qui prend du temps, et ralentit le cours normal des audiences. Sans compter que, durant un procès en correctionnelle ou en assises, les avocats ont besoin de communiquer avec leurs clients. Or cela n'est possible qu'au prix de contorsions peu pratiques, car le concepteur de ce vitrage a eu l'idée de créer un petit interstice en bas du vitrage (suffisamment étroit pour qu'un objet n'y puisse passer), afin que les honorables maîtres, en courbant bien bas l'échine, puissent entendre leurs clients, et leur prodiguer quelques conseils. Tout cela se fait aussi dans le déni de la présomption d'innocence, et au mépris de la dignité humaine, car nombre de prévenus seront finalement relaxés par la Cour. Mais ils n'en auront pas moins vécu les heures les plus pénibles de leur existence.