il y a toujours foule, dans un tribunal, notamment aux audiences correctionnelles ou d'assises. c'est un peu comme les spectacles de cirque dans la Rome antique, sauf qu'au lieu de voir des esclaves livrés aux lions, on assiste au déballage de la vie d'autrui, dans ce qu'elle a parfois de plus intime. Et cela intéresse les badauds, qui sont légion également dans les audiences de divorce, et qui se livrent à des commentaires féroces Tout le monde le sait, les tribunaux ressemblent à de véritable théâtres. Tout y est : la scène ? Ce sont les salles d'attente, les couloirs de bureaux, les cabinets d'instruction, les espaces dits «de pas perdus». Les acteurs ? Il y a plusieurs catégories professionnelles qui arpentent les tribunaux : avocats, juges, huissiers, experts, appariteurs, mais aussi des justiciables en quête de droit, des curieux en mal de sensations fortes, des familles éplorées à la recherche d'un proche. Les spectateurs ne font pas défaut : il y a toujours foule, dans un tribunal, notamment aux audiences correctionnelles ou d'assises. C'est un peu comme les spectacles de cirque dans la Rome antique, sauf qu'au lieu de voir des esclaves livrés aux lions, on assiste au déballage de la vie d'autrui, dans ce qu'elle a parfois de plus intime. Et cela intéresse les badauds, qui sont légion également dans les audiences de divorce, et qui se livrent à des commentaires féroces. Au Maroc, les audiences sont publiques, de par la loi. Et il en est ainsi dans tous les pays du monde où un principe de base est appliqué depuis des lustres : une justice efficace se doit d'être rendue publiquement et ce n'est qu'à travers la publicité des débats qu'elle se renforce. Ainsi tout le monde saura ce qui s'est passé lors de l'audience : le comportement des magistrats, l'efficacité des défenseurs, la sincérité des prévenus. Et afin de renforcer le tout, en Occident, et depuis fort longtemps déjà, la presse est non seulement la bienvenue mais elle fait partie intégrante du système. Une démocratie solide n'a rien à cacher, et surtout pas sa justice sur laquelle elle repose. Si les citoyens sont convaincus du bon fonctionnement du système judiciaire, il n'y a plus lieu de se révolter: en cas de litige, la justice tranchera, et tout le monde lui fait confiance. L'estimé ministre de la justice ne s'y est pas trompé : parmi les réformes annoncées (espérées, attendues, souhaitées), il y a l'ouverture des salles d'audience aux journalistes, et d'une manière permanente et officielle. Car, qu'en est-il aujourd'hui ? Eh bien, c'est très simple : la presse marocaine est en général persona non grata dans les prétoires. Les magistrats, certainement sur la base d'instructions précises, renvoient systématiquement hors de la salle d'audience tout journaliste qui se mettrait en tête de prendre des notes ostensiblement; l'apostrophant sans douceur, ils lui demandent s'il détient une autorisation et, en cas de réponse négative, le prient fermement de quitter les lieux. Et dans les grands procès médiatisés (comme lors de l'affaire Tabit), à défaut de les expulser, les juges s'arrangent pour que les «plumitifs» soient le plus mal installés, debout derrière les policiers, ne voyant rien, n'entendant pas grand-chose, donc d'une efficacité réduite. Par ailleurs et dans la presse même, il y a peu de spécialistes du monde judiciaire, contrairement à ce qui se passe en Occident où les journalistes spécialisés peuvent décortiquer un arrêt de la Cour de cassation avec autant d'aisance qu'un ténor du barreau. Et en attendant ce jour, ce sont justement les ténors qui peuvent se permettre d'intervenir, de faire une remarque ou une constatation sur ce qui se passe dans un Palais de justice. A l'instar de ce grand pénaliste casablancais, blanchi sous le harnais, et reconnu à l'unanimité comme un virtuose du droit qui déambulait un jour dans les couloirs du tribunal de Casablanca. Passant à proximité d'une salle d'audience, il y jeta un coup d'œil, constata qu'elle était vide, à part un juge et son greffier. Le premier lisait à toute vitesse les arrêts rendus, pendant que le second cochait les dossiers énumérés. Et alors que personne ne lui demandait rien, il fit une entrée tonitruante dans la salle s'exclamant: «Holà, holà, que faites-vous ? Lire des jugements en l'absence du représentant du parquet et du public ; ce que vous faites là est entaché de nullité ! Tout est nul ici, je vais saisir la Cour de cassation qui annulera tous vos actes de procédure». Penaud et pris en flagrant délit, le magistrat suspendit aussitôt l'audience. Comme quoi, à défaut de la presse dans les salles d'audience, il existe aussi des avocats capables de critiquer une situation litigieuse ou empreinte de nullités.