La mairie et les autorités de Rabat ont-elles outrepassé leur rôle en expulsant des habitants de force, au mépris de la loi ? C'est l'accusation portée par certains concernés, qui se sont exprimés dans les médias et surtout lors d'une récente conférence de presse initiée par la Fédération de la Gauche Démocratique (FGD), où ils sont allés jusqu'à brandir la menace de poursuites devant les instances internationales. Cette guerre des mots s'est cristallisée autour du quartier Sania Gharbia, une zone a priori non concernée par le nouveau plan d'aménagement de la capitale, mais qui, selon les contestataires, aurait tout de même été le théâtre d'expulsions au profit d'un futur projet immobilier porté par des promoteurs émiratis. "Calomnies", rétorque la maire de Rabat, Fatiha El Moudni, puisque, selon elle, ces accords s'inscrivent dans le cadre de transactions commerciales libres entre vendeur et acheteur, sans lien avec son institution. À la justice et aux organismes de contrôle de trancher ces questions. Quoi qu'il en soit, le plan d'aménagement de Rabat, avec son lot d'expropriations, de délogements et de démolitions, ne pouvait que susciter des mécontentements parmi les habitants des zones concernées. Ce plan décennal, le plus ambitieux de l'Histoire post-indépendance de la ville, n'aurait pu se réaliser sans accrocs ni résistances, tant les mauvaises décisions, le manque de vision urbanistique et l'inaction des précédentes administrations se sont accumulés sur des générations. Depuis que l'urbaniste Henri Prost a tracé, au début du protectorat, les grandes artères de la nouvelle ville, que Lyautey venait de désigner comme capitale du Royaume, aucun projet d'envergure n'a pris le relais. Pire, l'Etat a fermé les yeux, voire parfois encouragé l'essor d'un urbanisme anarchique sur la façade atlantique de la ville, donnant naissance au quartier désormais mythique de L'Océan. Nous sommes aujourd'hui en train de payer le prix de ces errances et du manque de courage politique des anciens décideurs en charge de la ville. À l'image du baron Haussmann, qui a dû déplacer des milliers de Parisiens pour faire de la capitale française la plus belle ville du monde, espérons que ces transformations fassent de Rabat la plus belle ville d'Afrique. L'ambition est grande, mais notre capitale en a largement le potentiel.