Selon El Othmani, il n'y aura pas de remaniement du gouvernement, il se contentera de remplacer les ministres démis. Malgré l'opposition de son secrétaire général, le PPS restera très probablement aux affaires. Dans l'ensemble, le gouvernement assure ses fonctions d'une manière normale. Plus d'une semaine après le limogeage de quatre membres du gouvernement, la classe politique est toujours en attente de la suite des évènements. Le chef du gouvernement Saad-Eddine El Othmani est également dans la perspective. Selon ses propres déclarations, il attend la décision du comité central du PPS qui se réunira ce samedi 4 novembre. Auparavant, le chef de l'Exécutif, s'inscrivant en droite ligne de l'énoncé du communiqué royal du mardi 24 octobre, a entamé ses contacts avec les dirigeants du MP et du PPS «auxquels il a été demandé de proposer des noms de nouveaux ministres». Dans l'attente des proposions de noms, le chef du gouvernement a confié, lundi, l'intérim de la gestion des départements laissés vacants par les ministres congédiés à d'autres membres du gouvernement. Et ce, précise El Othmani, «dans un souci de garantir la continuité du service public et de l'action gouvernementale», avant d'ajouter que «dans l'ensemble, le gouvernement assure ses fonctions d'une manière normale». Deux choses à comprendre. Pour le MP le problème ne se pose pas. Le bureau politique du parti réuni après le renvoi de deux de ses ministres (en fait, un ministre, Mohamed Hassad qui participe toujours aux réunions du bureau politique et un secrétaire d'Etat, Larbi Bencheikh) a décidé de rester au gouvernement. Il ne lui reste donc qu'à proposer ses deux candidats et le tour est joué. La situation se complique quelque peu pour le PPS. Le parti a également réuni son bureau politique dans les mêmes circonstances, mais celui-ci, dit avoir «évalué ce sujet avec tout le respect et la considération dûs à S.M. le Roi et ses hautes décisions». Néanmoins, il «réaffirme sa sincère conviction que le secrétaire général et les deux camarades ayant assumé des responsabilités ministérielles, tant dans le gouvernement actuel que dans le précédent, concernés par ces décisions, ont accompli leurs missions avec un souci rigoureux de se conformer aux exigences des intérêts suprêmes de la patrie et du peuple». Selon des sources du PPS, dans une lettre adressée au bureau politique, le conseil de la présidence, formé des sages du parti, avait même suggéré à la direction de se retirer du gouvernement. On peut comprendre que cette suggestion est due au fait qu'il s'agit là d'une sorte «de sanction du parti pour son alliance avec le PJD et son secrétaire général». Benabdellah mis en minorité Or, affirme cet analyste politique, ce que le PPS, du moins une partie de sa direction, refuse d'admettre c'est que les décisions royales prises mardi 24 octobre l'ont été contre des membres du gouvernement, actuel et précédent, «intuiti personae». En d'autres termes, elles ne portent que sur les personnes concernées au titre de leurs responsabilités ministérielles et non pas sur leurs partis. La réaction du PPS est donc «démesurée et la réunion du comité central n'avait pas lieu d'être parce qu'elle est superflue», ajoute cet analyste politique. C'est, sans doute, ce qui a poussé le PPS à tenir une deuxième réunion de son bureau politique, en moins d'une semaine, à laquelle il a été décidé, à la suite d'un vote de la majorité des membres, de rester au gouvernement. En fait, confie une source au parti, «sur les 30 membres du bureau politique, seuls quelques membres, dont le secrétaire général, ont voté contre le maintien de la participation du PPS au gouvernement». Le secrétaire général, fervent partisan de l'option du retrait du gouvernement, est sorti encore plus isolé de cette réunion, tout comme son allié du PJD d'ailleurs depuis son éviction du gouvernement. Cependant, contrairement au patron du PJD qui continue de s'accrocher à un troisième mandat qu'il pourrait obtenir en cas de changement de statuts, fût-ce au prix fort de faire éclater le parti, le secrétaire général du PPS maintenant qu'il n'est plus aux affaires, n'a quasiment aucune chance de rester au poste après le prochain congrès qui se tient dans un peu plus de sept mois. Cela dit, la réunion du comité central, le 4 novembre, est maintenue. Et quand bien même le PPS déciderait de quitter le gouvernement, «la majorité peut continuer à fonctionner normalement, sinon mieux. Ce qui implique qu'une éventuelle intégration de l'Istiqlal ne devrait pas être à l'ordre du jour». Concernant ce dernier parti, Nizar Baraka, qui vient de mener sa première campagne électorale en tant que chef de parti à Oujda, affirme qu'il n'a pas été contacté par le chef du gouvernement pour une éventuelle participation de l'Istiqlal à son équipe. Et si cette situation se présentait, ce sont les institutions qui seront appelées à y répondre. En cas d'une offre du chef du gouvernement, le conseil national se réunira et décidera de la position qui conviendra au parti. Pour l'heure, l'Istiqlal qui ne se voit pas en structure d'appoint ou en solution de rechange, se dit plutôt concerné, pour le moment, par l'opposition. C'est d'ailleurs ce que le chef de son groupe parlementaire à la première Chambre, Noureddine Moudiane, a confirmé, mardi, à l'occasion des débats du projet de Loi de finances. Cela dit, et dans l'absolu, note Benyounes Merzougui, professeur de droit à l'Université d'Oujda, il exerce une multitude de scénarios qui vont du plus probable au plus extrême. Une majorité et des scénarios Le scénario sur lequel planche actuellement le chef du gouvernement est celui du statu quo, les deux partis lui proposent une liste de ministrables parmi lesquels il choisira les remplaçants des ministres démis qu'il présentera au Souverain, avec, naturellement, une proposition pour le ministre chargé des affaires africaines. Le deuxième scénario, très probable, consiste en le retrait du PPS. Auquel cas la présence au sein de l'équipe El Othmani de la secrétaire d'Etat chargée de l'eau ne devrait pas poser problème. Rappelons-nous, sous le gouvernement El Fassi, le PAM s'était retiré à mi-parcours, mais son ministre de l'éducation nationale est resté en poste. Au niveau de la majorité, cette configuration ne devrait affecter en rien les équilibres politiques puisque la coalition gouvernementale reste largement majoritaire au Parlement avec un écart confortable de plus de 30 sièges. Là, l'insistance du président du RNI, au moment des négociations de formation du gouvernement pour l'intégration de l'USFP à la majorité, prend tout son sens. Même avec le départ du MP, qui n'est, du reste, pas d'actualité, le gouvernement dispose toujours d'une majorité, fragile, certes, mais elle reste une majorité numérique. On pourrait ainsi multiplier les combinaisons avec ou sans l'Istiqlal et même envisager l'éventualité de la démission du gouvernement ou de la dissolution du Parlement, tout en restant dans les limites du possible selon le texte de la Constitution. En fait, selon ce politologue, on peut dénombrer pas moins de douze scénarios possibles et imaginables toujours dans le cadre défini par la Loi suprême. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que dans ce communiqué du Cabinet royal, tout en stigmatisant l'ancien gouvernement pour son manquement à ses responsabilités, le Souverain s'est félicité des «efforts déployés par l'actuelle équipe gouvernementale en vue d'accélérer la mise en œuvre des projets programmés». Ce que divers observateurs interprètent comme un renouvellement franc de la confiance du Souverain en l'équipe d'El Othmani. Reste à savoir combien durerait cette parenthèse et quelle sera l'identité et le profil des cinq futurs membres du gouvernement. Ce qui est sûr, c'est que malgré les multiples coups bas qu'il reçoit, lui et ses camarades du gouvernement, de la part de ses propres frères au PJD, El Othmani et son équipe sortiront certainement encore plus forts de cette expérience. Une secousse et des répliques Il faut dire aussi, comme le note cet analyste politique, que si les institutions avaient assumé correctement leurs responsabilités, nous n'en serions certainement pas là. Si les ministres concernés par ces décisions avaient fait recours aux redoutables et néanmoins efficaces inspections générales de leurs départements, qui, rappelons-le, sont statutairement directement rattachés aux ministres, ils auraient pu détecter à temps et, certainement, su faire face aux dysfonctionnements qui ont entaché l'exécution des projets concernés. De même, si la commission permanente chargée du contrôle des finances publiques, récemment créée sous le gouvernement Benkirane et présidée par le PJD, avait fait son travail comme il faut, elle aurait pu alerter le gouvernement sur ces dysfonctionnements et fait en sorte que ce dernier s'empresse de les corriger. Une chose est sûre, la Cour des comptes qui a déjà un planning annuel très chargé n'a pas vocation à faire le travail à la place de ces institutions. Le chef du gouvernement sortant, dont la responsabilité est pleinement engagée dans ce qui s'est passé, qui a l'habitude d'affirmer à gauche et à droite qu'il n'a pas été mis au courant, dispose lui-même en plus d'une inspection générale, d'une armada de conseillers en communication qui suit l'actualité de très près. A moins que ce ne soit par pure négligence ou, encore pire, pour des raisons électoralistes. N'est-ce pas, observe-t-on, son rival, le secrétaire général du PAM à peine élu président de la Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima et dont l'élection a été alors contestée par le PJD, qui a présenté ce programme d'«Al Hoceima-Manarat Al Moutawassit» signé devant le Souverain en octobre 2015. Le Souverain l'a d'ailleurs bien précisé dans le discours du Trône. «Il ne m'était pas venu à l'esprit que la lutte partisane et les règlements de comptes auraient pu, à ce point, léser les intérêts des citoyens», a notamment affirmé S.M. le Roi. De fait, a-t-il ajouté, «la gestion des affaires publiques doit rester bien à l'écart des intérêts personnels et partisans, à l'abri des discours populistes. Elle ne doit pas non plus être entachée par certaines expressions étranges qui entachent l'action politique». «Or, Nous avons constaté, poursuit le Souverain, que la plupart des acteurs préfèrent raisonner en termes de gain et de perte, qu'ils s'évertuent à préserver leur capital politique, voire à le renforcer, et que, de ce fait, ils agissent au détriment de la patrie et contribuent à la détérioration de la situation». Maintenant que les membres du gouvernement ont été sanctionnés et le premier article de la Constitution a été appliqué, ce sera le tour aux autres niveaux de responsabilité. A en croire plusieurs analystes politiques, le processus vient à peine de démarrer. D'autres niveaux de responsabilités, à commencer par l'administration centrale pour en arriver aux élus locaux, en passant par l'administration territoriale. [tabs][tab title ="Reddition des comptes : Le processus n'a fait que commencer"]A l'heure où nous mettions sous presse, mercredi, le chef du gouvernement n'a pas encore rendu publique la liste des 14 hauts responsables sanctionnés suite au rapport de la Cour des comptes. La rumeur a donné pour démis presque tous les secrétaires généraux des ministères concernés en plus d'autres responsables de l'administration territoriales. Rien de cela n'a pu être confirmé. Ce qui est plus probable c'est que certains secrétaires généraux seraient concernés, en plus des inspecteurs généraux, des directeurs centraux et divers responsables ministériels locaux directement impliqués dans les projets du programme Al Hoceima Manarat Al Moutawassit. C'est une deuxième étape dans ce processus qui touchera également d'autres régions. Le communiqué du Cabinet royal a bien parlé d'une enquête de l'IGAT (Inspection générale de l'administration territoriale), à ce niveau ce sont les CRI, et éventuellement certains walis et gouverneurs, qui sont dans la ligne de mire. Le communiqué parle d'une deuxième enquête diligentée par la Cour des comptes qui portera sur l'action des responsables élus. Il est fort probable que la justice administrative soit également impliquée, notamment lorsqu'il sera question de sanctionner les responsables des conseils élus locaux. Notons que c'est sur la base des inspections, que l'IGAT réalise régulièrement, des dysfonctionnements sont souvent relevés dans l'action des élus. Lesquels dysfonctionnements revêtent parfois un caractère délictuel impliquant l'intervention de la justice administrative et parfois même pénale. Par ailleurs, le Parlement peut également contribuer à cet effort d'assainissement de la vie publique à travers justement, en plus de la commission chargée du contrôle des dépenses publiques, les commissions d'enquête parlementaires dont les conditions de formations et les procédures de fonctionnement ont été allégées par la nouvelle Constitution. En ce sens, les deux Chambres du Parlement ont affirmé, récemment, être prêtes à revoir leurs méthodes de gestion des questions décisives pour le peuple marocain. Les deux Chambres se sont, entre autres, engagées à consolider le rôle de contrôle et d'évaluation qui leur est attribué de manière à assurer le suivi effectif de l'action gouvernementale dans la mise en place des chantiers de développement.[/tab][/tabs]