Après un discours royal très critique envers la classe politique et l'administration, tous les regards sont dirigés vers les partis politiques. Le secrétaire général du PAM démissionne et celui de l'Istiqlal est de plus en plus isolé, alors que celui du PJD ne risque pas de décrocher un troisième mandat. La scène politique est en phase de connaître de grands changements, selon les analystes. Le discours royal du 29 juillet a été des plus durs envers la classe politique, les élus et l'Administration. Une semaine plus tard, une première réaction des plus inattendues. Ilyas El Omari, secrétaire général du PAM, annonçait sa démission du poste, dans un communiqué du bureau politique diffusé le 7 août. Une décision que le concerné a liée, entre autres, au fait d'avoir cautionné des personnes qui ne le méritaient pas. Il n'est pas le seul chef de parti politique à démissionner pour avoir mal géré les élections. Salaheddine Mezouar, ancien président du RNI, l'avait devancé au lendemain des élections du 7 octobre 2016. Mais le départ précipité à le retraite de Ilyas El Omari, après à peine 18 mois à la tête du parti, intrigue plus d'un. L'Istiqlal lui aussi a connu un coup de théâtre il y a quelques jours. Un communiqué, diffusé jeudi 17 août, vient, en effet, de réduire à néant les chances de Hamid Chabat, secrétaire général sortant, de succéder à lui-même. Ce n'est certes pas lui qui a annoncé son retrait, mais ce sont trois de ses plus proches collaborateurs qui, signant un putsch politique, lui tournent le dos. Et cela à six semaines du congrès, dont la date est fixée pour fin septembre. Pendant ce temps, au PJD, le secrétaire général sortant poursuit une campagne qui ne dit pas son nom pour un troisième mandat, pourtant non prévu par les statuts du parti. Une campagne qui risque d'être perturbée par cette annonce, dans l'entourage du ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, d'une éventuelle démission à la rentrée. Un constat alarmant Au delà de la véracité des intentions du ministre de renoncer au poste, cette annonce ouvre la voie à une troisième alternative au parti qui tient son congrès, si tout se passe comme prévu, au début du mois de septembre prochain. Beaucoup de changements pour une saison généralement morne, sauf en période électorale. Ce sont aussi des changements qui annoncent, expliquent certains analystes, une grande mutation dans la scène politique. Au terme des deux dernières élections législatives, le nombre d'acteurs sur la scène politique a considérablement baissé. Ils ne sont plus que huit partis à occuper la quasi-totalité de la surface de l'échiquier politique. Les urnes ont fait une grande partie du travail, la démocratie interne était censée faire le reste du ménage. Sauf que ce n'est pas le cas pour plusieurs formations politiques. En conséquence, certains grands partis en sont réduits à des guerres intestines après avoir livré une bataille électorale des plus féroces. La scène politique est, aujourd'hui, d'autant plus tendue et désolante qu'elle ne permet pas d'envisager un avenir meilleur, surtout avec certains acteurs qui continuent de s'accrocher aux postes. C'est sans doute pour cette raison que le Souverain a consacré une partie du discours du Trône, le 29 juillet, à cette question. Le constat qu'il en a fait est alarmant. «L'évolution politique du Maroc et ses progrès en matière de développement ne se sont pas répercutés positivement sur l'attitude affichée par les partis, les responsables politiques et les administratifs, (…)», affirme notamment le Souverain. Et d'ajouter plus loin, «(…), les pratiques de certains responsables élus poussent un nombre de citoyens, notamment les jeunes, à bouder l'engagement politique et la participation aux élections. La raison en est qu'ils ne font tout simplement pas confiance à la classe politique, et que certains acteurs ont perverti l'action politique en la détournant de la noble finalité qui lui est assignée par définition». Si le Roi du Maroc n'est pas convaincu par certaines pratiques politiques, s'il ne fait pas confiance à nombre de politiciens, que reste-t-il, donc, au peuple ? A tous ceux qui déçoivent les attentes du peuple, je dis : «Assez ! Ayez crainte de Dieu pour ce qui touche à votre patrie... Acquittez-vous pleinement des missions qui sont les vôtres, ou bien éclipsez-vous ! Car le Maroc compte des femmes et des hommes honnêtes et sincères envers leur pays». En conséquence, «désormais, cette situation ne peut perdurer car, ce qui est en jeu, ce sont les intérêts de la Nation et ceux des citoyens. Et là, Je pèse mes mots et j'exprime ici avec force et conviction le fruit d'une profonde méditation». C'est d'ailleurs, en raison des termes pour le moins durs en lesquels le Souverain a exprimé ce constat, que certains analystes politiques s'attendaient à des mesures, dans le même sens, dans le discours du 20 Août. Nouvelle dynamique Des analystes et des éditorialistes sont même allés plus loin dans leurs pronostics en annonçant de go l'éventualité de la dissolution du Parlement, ou du moins une de ses deux Chambres, et l'organisation d'élections anticipées ou encore la déclaration de l'Etat d'exception et la nomination d'un gouvernement d'unité nationale. Bien sûr, explique cet analyste politique, cela relève d'une méconnaissance flagrante de la Constitution, le fonctionnement de l'Etat, les attributions du Roi et les fonctionnalités des discours royaux. «A moins que cela ne fasse partie d'une campagne politique pour servir les intérêts de certaines parties déçues de l'évolution politique du pays depuis les dernières élections du 7 octobre 2016 et, surtout, de la nomination du gouvernement El Othmani», précise la même source. Mais c'est un autre sujet. Pour revenir aux changements de cette prérentrée politique, notamment au niveau des partis, il y a lieu de se demander ce que deviendra le PAM après le départ d'Ilays El Omari, une décision irrévocable selon le concerné mais qui n'a toujours pas été entérinée par le conseil national. En attendant, c'est à Habib Belkouch, une figure de proue des droits de l'Homme, expert et consultant international en la matière, que le secrétaire général démissionnaire a délégué la gestion du parti comme le prévoient les statuts (art. 40, notamment). Selon des sources proches de la nouvelle direction, transitoire, une nouvelle dynamique sera lancée. En ce sens, une réflexion a été menée pour établir une feuille de route devant couvrir cette période d'avant le prochain congrès. Un programme sera mis en place, mais, assure-t-on, ses grandes lignes étaient déjà tracées avant la démission du secrétaire général. Ainsi, le processus de l'organisation des congrès régionaux sera poursuivi dès le début de septembre. En même temps, le travail d'évaluation entamé depuis les élections du 7 octobre sera également mené à terme pour être présenté à la prochaine session du conseil national dont la date sera fixée par sa présidente, Fatima Zahra Mansouri, ancienne maire de Marrakech. Ce travail devrait être étendu aux dix-huit mois du mandat du secrétaire général démissionnaire. C'est aussi un travail, nous explique-t-on, qui devrait déboucher sur une réflexion à propos du genre d'approches qui pourraient servir le projet du parti et lui conférer davantage de crédibilité, notamment dans sa relation avec le citoyen. Une troisième voie à l'Istiqlal En parallèle, une autre réflexion sera engagée sur la gestion et l'organisation interne du parti. A ce propos, il est d'ores et déjà admis que la direction du parti ne devrait plus être individuelle, mais va tendre vers une direction collégiale assurant plus de cohésion entre les différentes tendances représentées au sein du parti. Un grand travail d'encadrement attend également la nouvelle direction du PAM. En effet, ce sont pas moins de 70% de ses élus, dont ceux qui occupent des postes de responsabilité, qui ont été élus pour la première fois et sont pour la majorité novices en politique et ont donc besoin d'être accompagnés et encadrés. A l'Istiqlal, dans leur sortie publique, les trois anciens lieutenants de Hamid Chabat, Abdelkader El Kihel, Abdellah Bakkali et Adil Benhamza, sont catégoriques, la candidature de ce dernier au poste de secrétaire général «n'apportera aucune valeur ajoutée au parti» et n'améliorera en rien sa situation actuelle. Une position partagée par la majorité des membres du comité exécutif conduite par Hamdi Ould Rachid. Sauf que ces derniers ne semblent pas voir d'un bon œil cette sortie. En effet, comme le laisse entendre Abdessamad Qayouh, conseiller parlementaire et coordinateur de la Région de Souss-Massa, c'est plutôt la mention faite par ce «trio» à une troisième tendance au sein du parti et donc une troisième alternative et un troisième candidat potentiel pour rivaliser avec Chabat qui tient à sa candidature et Nizar Bakara, qui n'a pas encore officialisé la sienne mais qui est soutenu par les adversaires du secrétaire général sortant. C'est pour dire qu'en plus d'affaiblir Hamid Chabat, ses anciens proches collaborateurs jettent également un voile de doute sur les préparatifs du congrès. Cela d'autant que l'un des signataires de ce communiqué, Abdellah Bakkali, n'est autre que le président de la commission préparatoire du congrès et l'autre, Abdelkader El Kihel, président de la sous-commission des statuts, règlements et évaluation de l'action du parti. Les deux étant censés ne pas prendre de position et être à égale distance de tous les Istiqlaliens. Difficile départ Dans les coulisses, on raconte que les trois anciens collaborateurs de Chabat auraient été mandatés pour entamer des négociations avec ce dernier pour l'inciter à renoncer à sa propre succession. Une vaine tentative. Pour l'heure, les préparatifs du congrès se poursuivent avec la tenue du reste des congrès régionaux. La situation n'est pas plus reluisante au PJD, parti où deux clans se livrent une bataille intestine. Benkirane, secrétaire général sortant, et ses proches mènent, en effet, une guerre sans merci contre le «clan des ministres». Ce dernier fait l'objet, depuis la nomination du gouvernement dirigé par El Othmani, d'une campagne de dénigrement dans les médias, les meetings du parti et, surtout, dans les réseaux sociaux. En parallèle, le secrétaire général sortant mène sa propre campagne pour un troisième mandat quitte à chambouler les statuts du parti et mener à son éclatement. Et tant qu'il y est pourquoi ne pas évincer complètement ces ministres, actuellement membres du secrétariat général, de la direction du parti et donc de la prise de décision. C'est d'ailleurs pour cela que le clan de Benkirane plancherait actuellement, selon des sources au parti, sur un amendement de l'article 37 des statuts relatif à la composition du secrétariat national. Ces différends qui ont éclaté au grand jour au sein du parti islamiste depuis mars dernier, date de l'éviction d'Abdelilah Benkirane alors chef de gouvernement désigné, risquent de déteindre sur les préparatifs du congrès. On parle déjà, en effet, d'un blocage au sein de la commission préparatoire, présidée par Mohamed Yatime qui vient de vivre un clash avec Benkirane. Et si ce blocage n'est pas levé, le congrès, initialement prévu les 9 et 10 décembre, risque d'être reporté, exposant ainsi le parti à des sanctions légales. En définitive, alors que les principaux partis de l'opposition et la formation qui dirige le gouvernement connaissent des bouleversements, le gouvernement observe une pause de près de trois semaines. Ce qui n'a pas empêché certains ministres, pour lesquels le travail reste prioritaire, de multiplier les déplacements sur le terrain dans différentes provinces pour lancer des projets ou s'enquérir de l'avancement de ceux déjà en cours. [tabs][tab title ="Y aura-t-il une session extraordinaire au Parlement ?"] Le président de la première Chambre a brièvement évoqué l'éventualité de cette session lors d'une conférence de presse organisée à l'occasion de la clôture de la première année de l'actuelle législature. Habib El Malki n'a précisé ni la date de la tenue de cette session et encore moins son éventuel agenda. Selon des sources parlementaires, cette session pourrait avoir lieu à la première moitié du mois de septembre. Elle devrait être consacrée à l'adoption de certains textes finalisés et près pour être débattus en séance plénière. Il s'agit notamment du projet de loi 76.15, et relatif à la réorganisation du Conseil national des droits de l'Homme. Ce texte de loi dotera, entre autres, le CNDH de quatre nouveaux mécanismes qui accompagneront l'application des conventions internationales ratifiées par le Maroc en matière d'interdiction de la torture, de droits de l'enfant, de droits des personnes handicapées et de lutte contre les discriminations. Le texte devrait être adopté, ce qui justifie cette session, avant la prochaine visite, au Maroc, du Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme. Dans les faits, et selon la Constitution, c'est le chef du gouvernement qui devrait prendre l'initiative, par décret, de la tenue de cette session. Or, auprès du gouvernement, notamment le ministère chargé des relations avec le Parlement, on parle plutôt de l'accélération des travaux des commissions en attendant l'ouverture de la prochaine année législative, le 13 octobre. Quant au gouvernement, il s'apprête à annoncer, début septembre, le bilan de ses 100 premiers jours. Les ministres auraient déjà déposé sur le bureau du chef du gouvernement un bilan de toutes les actions qu'ils ont menées depuis leur entrée en service. L'annonce du bilan par le chef de l'Exécutif n'est plus qu'une question de jours.[/tab][/tabs]