Une tendance du PJD continue de semer des amalgames et des contre-vérités autour du gouvernement. Les élus entament leur véritable action de la législature pour le débat et le vote du programme de l'Exécutif. Comme pour sa formation et sa composition, le programme du gouvernement ne devrait pas déroger aux orientations du discours de Dakar. Depuis le 15 mars, date du relèvement d'Abdelilah Benkirane de la mission de formation du gouvernement, les événements s'accélèrent et ne cessent de prendre une tournure positive. Un nouveau chef de gouvernement a été désigné deux jours plus tard, le 17 mars, en la personne de Saad Eddine El Othmani. Celui-ci n'a mis qu'une semaine pour annoncer sa majorité. Un peu plus d'une semaine plus tard, le 5 avril, le nouveau gouvernement a été nommé par le Souverain. Sans plus attendre, une commission ad hoc planchait déjà sur le projet de programme du gouvernement. La dernière mouture du texte devait être validée par les chefs des partis de la majorité mardi 11 avril. Ensuite, El Othmani devrait réunir son premier conseil de gouvernement, jeudi comme le veut la tradition, avec un seul point à l'ordre du jour : examiner et adopter le projet du programme gouvernemental. Quelques jours plus tard, avec l'ouverture de la session du printemps, ce vendredi, le chef du gouvernement devrait présenter sa déclaration gouvernementale devant les élus, suivie d'un débat dans les deux Chambres et du vote à la majorité absolue de la première Chambre. La Constitution n'a pas fixé un délai précis pour cette procédure, mais vu la vitesse avec laquelle le gouvernement a été formé et l'ampleur du retard à rattraper aussi bien sur le plan économique et législatif, les élus ne vont probablement pas trop s'y attarder. Cela d'autant que, hormis le PAM qui attend avec impatience ce moment pour affûter ses armes de parti de l'opposition déclarée et assumée, le reste de l'hémicycle ne devrait pas compliquer la tâche au nouveau chef du gouvernement. Bien sûr, le cas de l'Istiqlal est à part. Il est difficile de prévoir la réaction de ce parti qui s'est déjà retiré pendant la séance de l'élection du président et des instances dirigeantes de la première Chambre et qui vit une situation organisationnelle très difficile. Cela d'autant que l'Istiqlal ne cesse de changer de position, du soutien inconditionnel au gouvernement que le parti soit membre ou qu'il soit dans l'opposition, du temps où Abdelilah Benkirane était chargé de former l'Exécutif, il est passé au stade du soutien critique de l'équipe El Othmani à l'opposition tout court. Il faut attendre la tenue de son congrès, initialement prévu pour la fin du mois de mars, mais reporté sine die, pour que se précise la ligne de conduite définitive du parti. Cela dit, et à l'heure où nous mettions sous presse, ce sont les propres «frères» du chef du gouvernement, les membres et les élus de son parti, qui semblent lui causer le plus de soucis. Certains dirigeants ont laissé entendre, ces derniers temps, que le PJD aurait intérêt à garder ses distances avec le gouvernement et ses parlementaires adopter une posture de soutien critique au gouvernement que le parti dirige. El Othmani, à défaut de convaincre les dirigeants et, surtout, le secrétaire général de le suivre, devrait, affirment certaines sources du PJD, tenir une réunion avec les deux groupes parlementaires du parti à la veille de l'ouverture de la session du printemps. Auparavant, il a déjà tenu une première réunion avec les responsables des deux groupes parlementaires pour transmettre un message principal selon lequel il n'y aura pas de retour en arrière pour ce qui est des aides sociales aux personnes se trouvant dans une situation précaire et qu'il ne renoncera pas aux réformes initiées par son prédécesseur. Les médias proches d'une certaine tendance du parti, qui affirment avoir consulté le projet du programme gouvernemental, avaient annoncé que l'équipe El Othmani projetterait de cesser de verser les aides directes et qu'elle allait revenir sur la réforme de la caisse de compensation et du régime de la retraite. Bien sûr, les promoteurs de ce genre d'allégations n'ont pas pris la peine d'expliquer que les aides aux femmes divorcées, aux veuves et aux familles démunies dont les enfants sont scolarisés ont déjà été institutionnalisées et encadrées par un arsenal juridique sur lequel il est difficile de revenir du jour au lendemain. Aussi, observe une source proche du dossier, quand bien même il en aurait l'intention, le gouvernement El Othmani ne peut pas tirer un trait sur le Fonds d'appui pour la cohésion sociale, mis en place en 2012, qui verse des aides directes aux veuves en situation de précarité, ayant à charge leurs enfants orphelins, ni sur le Fonds de solidarité familiale, créé en 2010, qui verse des aides aux femmes divorcées encore moins sur le programme Tayssir, lancé en 2008, qui soutient, grâce à des aides directes, les familles aux faibles revenus dont les enfants sont scolarisés. De même qu'il est difficilement concevable de revenir sur la réforme de la Caisse de compensation comme sur celle du régime de la retraite civile. «Ce sont des processus irréversibles», affirme notre source. Dans le même sens, une lecture biaisée faite du projet de Loi de finances de 2017 attribue au RNI et à ses ministres la gestion des départements les plus budgétivores, «laissant des miettes au PJD». Les mêmes milieux enchaînent avec une autre bizarrerie. Ainsi, après la publication au Bulletin officiel des noms et titulaires des membres du gouvernement donnant, notamment, son caractère officiel à la composition de chaque ministère, ces milieux on «décidé» de retirer la gestion des eaux et forêts des attributions du ministère de l'agriculture. Ce qui n'est pas du tout le cas. Il a également été faussement propagé que le gouvernement était pléthorique et n'avait pas d'identité. Ce qui n'est pas le cas puisque l'équipe El Othmani ne compte que 25 ministres et 13 secrétaires d'Etat qui, eux, ne participent pas aux conseils des ministres, ce qui en fait une équipe plutôt réduite. De même, le gouvernement est dirigé par le PJD qui est arrivé premier aux élections du 7 octobre et qui, contrairement à ce que l'on essaie de faire admettre, n'a pas perdu de son importance au sein du gouvernement. Au contraire, le PJD a même récupéré un ministère d'Etat et quatre nouveaux secteurs qu'il ne gérait pas sous la présidence de Benkirane. Cela d'autant que le gouvernement El Othmani est soutenu par une majorité largement confortable au Parlement. Bref, toute cette polémique, ces coups bas en direction du nouveau chef du gouvernement, reflètent plutôt un malaise interne profond au PJD qui remonte de temps en temps à la surface dans les colonnes de la presse proche d'une certaine aile du parti. Ce qui est certain en revanche, estiment de nombreux analystes politiques, c'est que le PJD ne va pas risquer de tout perdre en rejetant le programme du gouvernement. Le vote étant à mains levées, même les élus qui se sont fait remarquer par leur hostilité au chef du gouvernement et à son équipe ne vont pas courir le risque d'aller contre les consignes de leur parti et voter contre le programme. Lequel programme, prévient ce dirigeant de l'USFP, représente les six partis de la majorité et pas seulement le PJD et ne sera donc pas une copie conforme des promesses électorales du PJD, ni une réplique de celui du gouvernement précédent. C'est une réalité dont les militants du parti islamiste doivent tenir compte. En plus de cette donne, le projet de programme gouvernemental, selon les premières et rares indiscrétions, comportera des données réalistes et des objectifs réalisables. Contrairement à son prédécesseur, le nouveau chef du gouvernement a veillé à ce que son programme ne comporte pas de slogans creux, des objectifs très optimistes et des projets qui n'ont aucune chance de voir le jour. Comme l'a précisé le Souverain dans le dernier discours de la Marche verte prononcé depuis Dakar, ce sera, sans doute, un programme «clair et des priorités définies concernant les questions internes et externes, avec l'Afrique au premier rang». El Othmani s'étant, jusque-là, conformé aux orientations de ce discours, cela laisse entendre que l'élaboration du programme gouvernemental répondra également à ce critère. Cela dit, le programme devrait également refléter quelque part les programmes électoraux des partis membres de la majorité. En principe chacun devrait s'y retrouver et retrouver quelques-unes parmi ses promesses faites aux électeurs sur la base desquelles il devra rendre des comptes à la fin du mandat. Un léger coup d'œil aux programmes proposés par les six partis de la majorité permet de dégager une tendance générale qui pourrait caractériser celui du gouvernement. Rappelons, en ce sens, que le programme du PJD s'articulait autour de cinq axes : le développement des ressources humaines, le renforcement de la compétitivité, la consécration de la bonne gouvernance et le renforcement de l'image du Maroc à l'étranger. Le parti souhaitait donner la priorité à l'industrie, pariait sur l'éducation et la formation scientifique et tablait sur une croissance située entre 4 et 5,5%, de même qu'il avait promis de réduire les disparités sociales et promouvoir, au niveau de la politique étrangère, les échanges et la coopération Sud-Sud. Pour le RNI, la priorité du gouvernement devrait reposer sur l'école, la santé, l'emploi et la solidarité. Pour ce faire, il avait proposé un plan d'action en 25 mesures. Le RNI prévoyait, de même, un taux de croissance compris entre 4,5 et 5,5%. Le taux de chômage ne devrait pas dépasser les 8%. Quant à la dette du Trésor public, elle devrait être inférieure à 60% du PIB avant 2021et la contribution de l'industrie dans le PIB devrait être relevée à 23% à l'horizon 2021, le taux d'inflation en dessous de 2%, des délais de paiement réduits à 60 jours effectifs et des IDE à hauteur de 5% par an. Pour ce qui est de l'USFP, le parti avait tablé sur un taux de croissance de 5,5%, promis d'augmenter la valeur des exportations agricoles à 50 milliards de DH et réduire le taux de chômage à 8%. Le parti de la rose avait également promis, entre autres, d'augmenter à 1,5% le budget de la recherche scientifique et de créer une Caisse nationale pour financer le champ culturel. Concernant le MP, il s'est également focalisé sur pratiquement les mêmes axes. Le premier étant l'éducation et le MP proposait le maintien de sa gratuité dans le public et la rationalisation des frais et taxes dans le secteur privé. Ensuite, la santé avec le soutien de la production de médicaments et encouragement des investisseurs privés à accéder au secteur de la santé. Après, l'amélioration du pouvoir d'achat et, dans le domaine économique, un taux de croissance moyen de 5%, un déficit budgétaire à 3% du PIB, un taux d'inflation au-dessous des 2% et un taux de chômage réduit à 8%. Dans le domaine de la culture, le parti avait suggéré la mise en place d'un Plan Maroc Culture et une stratégie nationale censée encourager le tourisme culturel. Le programme du PPS était lui aussi axé sur les mêmes domaines, l'éducation, le logement, l'emploi et l'écologie. Il avait promis de réduire la déperdition scolaire à 50%, réduire le déficit de logements à 200 000 unités, porter le taux de croissance de 6 % à l'horizon 2020 et encourager l'investissement dans le domaine de l'écologie. Enfin, pour l'UC, son programme a pour principal objectif la lutte contre le chômage des jeunes. Il a également mis l'accent sur l'économie proposant, entre autres mesures, la création d'une banque publique d'investissement, la réduction de la TVA, la révision de l'IS, le passage, dans le domaine de l'industrie, de la sous-traitance à la création de la valeur ajoutée. Naturellement, le programme gouvernemental ne sera pas une compilation des promesses électorales des partis de la majorité. Loin de là. Il faut compter également les projets déjà engagés par différents départements ministériels ou en cours d'étude ou de lancement, les multiples stratégies à long terme déjà engagées ainsi que les réformes initiées dans différends secteurs. Ce qui est sûr, c'est que ce sera tout qui portera l'empreinte du nouveau gouvernement et celle des partis qui le composent. [tabs][tab title ="Chef de gouvernement, ministres, ministres délégués… quels sont leurs pouvoirs ?"]Selon la loi organique 065-13 relative à l'organisation et à la conduite des travaux du gouvernement, celui-ci exerce, sous l'autorité du chef du gouvernement, le pouvoir exécutif conformément aux principes de responsabilité, de délégation, de coordination, de suivi, d'accompagnement, d'évaluation, de solidarité gouvernementale et de complémentarité en matière d'initiative. Selon le même texte (art.4), c'est le chef du gouvernement qui fixe par décrets, publiés au Bulletin officiel, les missions et les attributions de chaque membre du gouvernement ainsi que les secteurs administratifs placés sous son autorité. De même, le chef du gouvernement exerce le pouvoir réglementaire, supervise l'organisation des travaux du gouvernement, veille à la coordination et à l'orientation de son action et au suivi des activités de ses membres. Il veille également à l'accompagnement de l'action des différentes autorités gouvernementales et des administrations publiques qui en relèvent, des établissements et entreprises publiques et de l'ensemble des personnes de droit public soumis à la tutelle du gouvernement. Il représente, en outre, l'Etat et en défend les intérêts devant la justice et à l'égard des tiers. Pour leur part, les ministres exercent leurs attributions telles que fixées par le chef du gouvernement. Ils sont responsables de la mise en œuvre de la politique gouvernementale dans leurs secteurs dans le cadre de la solidarité gouvernementale. Ils rendent également compte au conseil du gouvernement de l'accomplissement des missions qui leur sont confiées par le chef du gouvernement. Les ministres délégués peuvent recevoir, selon les cas, du chef du gouvernement ou des ministres auprès desquels ils sont délégués, délégation d'attribution ou de signature. Ces délégations d'attribution s'étendent au contreseing des actes réglementaires du chef du gouvernement. Les secrétaires d'Etat, eux, peuvent, selon les cas, recevoir du chef du gouvernement ou des ministres auxquels ils sont rattachés, soit une délégation générale et permanente à l'effet de signer ou viser tous actes concernant les services placés sous leur autorité, soit une délégation d'attribution concernant certains services soumis à leur autorité.[/tab][/tabs]