Bank Assafa et Umnia Bank ont commencé à ouvrir des comptes au lendemain de la labellisation de la convention de compte à vue. Les points de différence avec les comptes conventionnels sont non négligeables. Les établissements pensent se passer de l'assurance participative, toujours en préparation, pour proposer la Mourabaha immobilière au plus vite. Bank Al-Maghrib a donc communiqué ces derniers jours au Groupement des banques (GPBM) les tant attendues conventions d'ouverture de compte pour les banques participatives et les modèles de contrats Mourabaha, après leur labellisation par le Conseil supérieur des oulémas (CSO). Le premier document habilite les établissements islamiques à collecter les dépôts de la clientèle, étant à rappeler qu'il doit être signé par le client et qu'il récapitule généralement les engagements contractuels de part et d'autres. Les établissements qui rongeaient leur frein se sont très vite mis aux affaires. Umnia Bank, filiale commune de CIH Bank et de Qatar International Islamic Bank, qui a mis en rodage trois agences à Rabat et Casablanca depuis le 22 mai dernier, a proposé l'ouverture de comptes avec moyens de paiement (carte bancaire, chéquier…) au lendemain même de la diffusion de la convention de compte. Dans la foulée, l'établissement a inauguré de nouveaux points de service à Agadir, Fès, Marrakech, Oujda, Salé et Tanger. Le même jour, Bank Assafa, filiale d'Attijariwafa bank, se jetait aussi à l'eau avec plus d'une vingtaine d'agences opérationnelles devant être portées à 30 d'ici la fin de l'année. Il y a fort à parier que Société Générale et BMCI ne tarderont pas à les suivre, étant donné que ces établissements ont déjà été officiellement agréés par BAM pour démarrer leur fenêtre participative, tandis que les agréments des 4 banques restantes (Banque Populaire, BMCE Bank, Crédit Agricole Maroc et Crédit du Maroc) doivent encore être publiés au Bulletin Officiel. A première vue, la convention qui régira les comptes de banques participatives, que «La Vie éco» a pu consulter, rejoint à plusieurs niveaux ce qui a cours pour les établissements conventionnels, à savoir qu'il y est question de conditions d'ouverture de compte, de la gestion des données à caractère personnel, des modalités de clôture de compte... Changements pour les comptes conjoints, les comptes en déshérence et les opérations de change Le document intègre même les plus récentes dispositions mises en place au niveau des banques classiques, à l'instar de la mobilité bancaire qui facilite aux clients le changement de banque. Il faut néanmoins relever quelques points de différence non négligeables. Ceux-ci concernent d'abord la gestion des comptes conjoints. Dans le système classique, en cas de décès de l'un des détenteurs de ce type de compte, son argent revient systématiquement au co-détenteur, selon les pratiques les plus répandues. Le CSO a écarté ce traitement jugé non conforme à la Charia, apprend-on auprès de BAM. Au lieu de cela, le co-détenteur ne peut bénéficier que de la part qui lui revient contractuellement tandis que les fonds du détenteur décédé doivent être répartis conformément aux règles de succession prévues par la Moudawana. Autre point de différence non négligeable, les comptes ouverts auprès des établissements participatifs ne sont pas concernés par les règles en vigueur concernant les comptes en déshérence (n'ayant fait l'objet d'aucune opération sur 10 ans et plus). Les banques conventionnelles ont l'obligation de clôturer ces comptes et de remettre les fonds qui y sont déposés à la CDG qui les confie elle-même au bout de 5 ans au Trésor. Le CSO, pour sa part, juge cette manière de faire non conforme, ce qui fait que les comptes dans les banques participatives devront être maintenus en toutes circonstances, peu importe qu'ils fassent l'objet d'opérations ou pas. Un dernier point de différence porte sur les opérations de change que les détenteurs de comptes au niveau des établissements participatifs devront opérer au cours du jour où ils se présentent à leur agence alors que les banques classiques donnent la possibilité de différer l'exécution des opérations entre autres pour bénéficier de cours plus avantageux. Avec la labellisation du contrat Mourabaha, le champ s'ouvre également pour les banques pour commencer à offrir des financements qui ne peuvent concerner que l'immobilier à l'heure actuelle. Les projets d'arrêté et de circulaire de l'assurance Takaful finalisés Deux types de contrats peuvent être proposés : la Mourabaha pour donneur d'ordre et celle simple. Dans la première, le client demande à la banque d'acquérir un bien dans le but de le lui revendre, ce à quoi il s'engage en signant une promesse d'achat et en fournissant un dépôt de garantie. Dans la seconde formule, la banque acquiert de sa propre initiative un bien qu'elle revend aux clients intéressés. En théorie, ces financements devront être accompagnés de solutions d'assurance pour couvrir le décès ou l'invalidité de l'emprunteur, d'une part, et les risques sur l'habitation, d'autre part, comme cela a cours pour le crédit classique. C'est là que l'assurance participative, dite takaful, doit intervenir. Des projets d'arrêté et de circulaire devant encadrer ce secteur ont été finalisés ces dernières semaines par l'autorité de régulation des assurances (ACAPS). «Mais leur mise en œuvre effective ne devrait pas intervenir avant la fin du premier trimestre 2018», apprend-on de sources proches du régulateur, le temps de boucler les concertations avec la profession, le SGG et le CSO, et que les compagnies mettent sur pied leurs offres. Mais les établissements ne semblent pas disposés à patienter. L'idée est vraisemblablement de se passer dans un premier temps d'assurance, ce qui ne s'oppose pas à la loi. L'on apprend d'ailleurs qu'Umnia Bank s'est mise à étudier les demandes de financement des clients au lendemain de la diffusion du modèle de contrat Mourabaha. Trouver les ressources à prêter à la clientèle ne devrait pas non plus poser de problème aux établissements, du moins à court terme. En effet, elles pourront s'appuyer à cet effet sur les dépôts collectés ainsi que leurs capitaux propres. Mais à plus long terme les établissements devront disposer de moyens de lever des fonds mais aussi de placer leurs liquidités, ce que sont appelés à permettre les sukuks (assimilables aux bons du Trésor). L'émission souveraine devant introduire ces instruments sur le marché est anticipée par BAM pour le mois de septembre. Mais cet objectif est jugé ambitieux par des parties prenantes à l'opération au vu du rythme très lent auquel s'opèrent les ajustements réglementaires nécessaires. Parallèlement à cela, BAM doit apporter les ultimes touches au dispositif réglementaire des banques. Il s'agit de labelliser les modèles de contrats restants (Ijara, dépôts d'investissement…), de mettre en place un marché monétaire compatible Charia et de déterminer des règles prudentiels pour les nouveaux établissements. Et la boucle sera bouclée.