Elles seront bientôt publiées au Bulletin officiel. Les caractéristiques techniques pour les comptes d'épargne et les contrats de financement adoptées. Les restrictions entérinées pour les fenêtres participatives. La partie la plus cruciale du socle réglementaire des futures banques participatives est enfin ficelée. Trois circulaires élaborées par Bank Al-Maghrib (BAM) détaillant le fonctionnement technique des produits qui seront proposés par ces établissements (solutions d'épargne et de financement) ainsi que les conditions d'exercice des fenêtres participatives ont été validées le 27 janvier dernier par le Conseil supérieur des oulémas (CSO), ce qui constitue l'ultime étape avant leur adoption. Les textes définitifs, que La Vie éco a pu consulter, devraient en effet être publiés dans les prochains jours au Bulletin officiel. Avec cela, il ne reste à BAM qu'à régler d'ultimes questions pour boucler le cadre nécessaire au lancement des futures banques participatives. Il s'agit par exemple d'élaborer les contrats-type qui régiront les financements proposés par ces nouveaux acteurs. Sur ce volet, une information capitale, dont ont pris connaissance récemment les banquiers, indique que ce ne sont que ces modèles de contrats qui seront soumis à l'avis conforme du CSO, ce qui dispensera les établissements de demander individuellement un avis de conformité pour chacune de leurs solutions. Cela permettra de gagner du temps dans la commercialisation des produits et d'harmoniser les pratiques sur toute la place, selon les professionnels. Entre autres chantiers, BAM doit encore déterminer les exigences prudentielles auxquelles seront soumises les nouvelles entités, de même qu'elle doit gérer leur intégration aux systèmes de règlements au niveau de la place. On le sait bien aussi, il s'agira de faire aboutir d'autres chantiers en dehors du secteur bancaire pour compléter le tableau. L'Etat doit en effet réaliser sa première émission de certificats de sukuk prévue en théorie pour ce premier semestre 2017, afin de poser les jalons du marché monétaire de la finance participative permettant aux acteurs de lever des fonds pour leur développement et d'investir leurs liquidités. Sur ce plan, les pouvoirs publics sont en train d'apporter les dernières touches au cadre réglementaire devant permettre cette opération, apprend-on de sources proches du dossier. Il faudra aussi finaliser le cadre légal de l'assurance Takaful, complément indispensable des solutions bancaires islamiques, spécifiquement les circulaires qui doivent préciser la loi déjà adoptée. Ce à quoi s'ajoutent plusieurs autres ajustements comme par exemple la mise en conformité des solutions de la Caisse centrale de garantie afin que les clients des futures banques islamiques puissent eux aussi bénéficier de garanties étatiques sur leurs financements (Fogarim...). Mourabaha et Ijara entourées d'un formalisme strict Pour revenir aux trois circulaires de BAM qui paraîtront prochainement au BO, s'agissant d'abord du texte détaillant les caractéristiques techniques des financements prévus sur le marché national, ce sont principalement les contrats Mourabaha et Ijara qui doivent aujourd'hui retenir l'attention. Tout porte à croire, en effet, que les futures banques participatives, au démarrage, mettront en avant en priorité ces deux solutions, relativement faciles à assimiler, pour garantir une bonne initiation du grand public à l'industrie participative. La Mourabaha est donc définie par la circulaire comme tout contrat par lequel une banque vend à son client un bien meuble ou immeuble qui lui appartient à son coût d'acquisition (prix d'achat et frais d'acquisition), augmenté d'une marge bénéficiaire, sans qu'aucun de ces paramètres ne puisse être révisé à la hausse sur la durée du financement. Le cadre réglementaire ouvre la voie à deux types d'opérations. Le premier consiste pour la banque à acheter de sa propre initiative des biens (logements, voitures...) qui seraient proposés ultérieurement aux clients intéressés dans le cadre de contrats Mourabaha. Le deuxième type, la «Mourabaha pour le donneur d'ordre d'achat», consiste pour l'établissement à acquérir un bien à la demande du client en vue de le lui vendre. C'est ce deuxième montage qui est appelé à se développer sur le marché national et il faut retenir que dans ce cas, le contrat de Mourabaha peut être précédé d'une promesse unilatérale d'achat faite par le client, ayant force obligatoire pour lui dès lors que la banque a la propriété du bien. Dans cette configuration, l'établissement peut aussi demander le paiement d'un montant en numéraire appelé «hamish al jiddiya» en garantie de l'exécution de la promesse faite par le client. Il faut aussi noter que la «Mourabaha pour le donneur d'ordre d'achat» est entourée d'un formalisme strict. La promesse unilatérale d'achat faite par le client, le contrat d'achat du bien par l'établissement, et le contrat Mourabaha doivent donner lieu à trois actes distincts, et il est interdit que le contrat d'achat du bien par l'établissement soit conditionné par la conclusion du contrat de Mourabaha. En outre, les futurs clients des banques participatives doivent bien noter que l'établissement n'est pas tenu de renoncer à une partie de la marge bénéficiaire en cas de remboursement anticipé, ainsi que le précise la circulaire de BAM. Cela équivaut dans un crédit classique à permettre à la banque de réclamer le paiement de la charge d'intérêt sur toute la durée du prêt, même en cas de remboursement anticipé. Autre point d'importance, dans sa version définitive, la circulaire ne prévoit pas explicitement de pénalité en cas de défaut de paiement sur un contrat Mourabaha ou Ijara, d'ailleurs, comme cela a cours pour les financements conventionnels (voir rubrique En Direct p.8). L'Ijara justement est définie par la réglementation comme étant tout contrat par lequel un établissement met, à titre locatif, un bien meuble ou immeuble lui appartenant à la disposition d'un client en contrepartie du paiement d'un prix de location qui peut être fixe ou variable. Comme pour Mourabaha, Ijara peut intervenir suite à la demande d'un donneur d'ordre avec des dispositions similaires : promesse unilatérale de location, possibilité d'application de Hamish Al Jiddiya, obligation de rédiger trois actes distincts... Outre Ijara et Mourabaha, la circulaire de BAM détaille les contrats Moucharaka, Moudaraba et Salam qui devraient vraisemblablement arriver sur le marché dans un deuxième temps. Après ces premiers détails fournis par BAM, les établissements n'auront plus besoin que des contrats-type pour boucler leur catalogue de produits. Deux types de réserves pour couvrir les pertes éventuelles des dépôts d'investissement La deuxième circulaire qui sera publiée sous peu concerne les dépôts d'investissement correspondant aux dépôts à terme et aux comptes sur carnet dans la banque conventionnelle et qui devraient constituer les principaux outils de collecte des ressources des futurs établissements. La particularité de ces dépôts est que les fonds qui y sont logés sont placés dans des projets d'investissement. Le placement peut obéir à des contraintes pouvant notamment porter sur l'objet de l'investissement, le secteur d'activité ou la zone géographique ; l'on parle à ce moment de dépôts d'investissement restreints. Si cela peut laisser croire que les banques devront s'aventurer hors des sentiers battus en constituant des portefeuilles d'investissement intégrant divers projets, les spécialistes modèrent ces attentes. Ils expliquent que les établissements se contenteront probablement d'un adossement de ces dépôts sur leur propre actif, au moins dans un premier temps. Autrement dit, les dépôts collectés devraient être en majorité investis sur leur propre portefeuille de financement. Quoi qu'il en soit, la rémunération de ces dépôts doit provenir du produit des investissements qui correspond au bénéfice réalisé, déduction faite des charges directes liées à ces investissements. La réglementation prévoit que la rémunération des dépôts d'investissement ne peut consister en un montant prédéterminé, l'établissement ne peut communiquer à la limite que sur un taux de rendement espéré. Il va de soit que le dépôt d'investissement peut donner lieu à un gain comme il peut ressortir une perte. L'un comme l'autre doivent être répercutés sur le client. Les banques gardent la possibilité de constituer pour chaque portefeuille d'investissement deux types de réserves. Le premier type dit de péréquation des bénéfices est constitué à partir de prélèvements sur les bénéfices réalisés, pour les redistribuer à une date ultérieure en vue de compenser ou d'atténuer d'éventuelles baisses des bénéfices réalisés. Le deuxième type de réserves pour risque d'investissement couvre, lui, les pertes en capital. Développement contrôlé pour les fenêtres participatives Last but not least, la troisième circulaire détermine un ensemble d'obligations concernant les fenêtres participatives que les établissements à capitaux français comptent greffer sur leur réseau existant. BAM dédie une circulaire à ces entités, d'une part pour maîtriser leur développement, sachant qu'elles ont la possibilité de se déployer sur le marché plus rapidement que les filiales qui doivent créer une structure en partant de zéro. D'autre part, il s'agit de garantir que les banques qui ont opté pour cette formule établiront une muraille de Chine entre leurs opérations participatives et conventionnelles. Ainsi, la circulaire impose que l'encours des financements participatifs des fenêtres ne doit pas dépasser 10% du stock total de financements de la banque. Aussi, le nombre d'agences ou de fenêtres dédiées aux activités participatives ne peut dépasser 4% du réseau global. Ce plafond sera relevé progressivement sur les années à venir: il sera porté à 6% à fin 2018, 8% un an après et 10% à partir de 2021. En outre, les fenêtres doivent disposer d'un capital d'au moins 200 MDH, soit le plancher de fonds propres exigé par BAM de toute banque qui collecte des fonds publics. S'ajoute encore à cela l'obligation pour les banques initiatrices de fenêtres de constituer un département dédié à cette activité, doté des ressources humaines nécessaires, d'une fonction de conformité aux avis du CSO... Il s'agit aussi d'intégrer cette nouvelle activité dans le champ des systèmes d'information et des comités d'audit des établissements.