Le taux d'inflation du premier trimestre a dépassé les 2,1% enregistrés à la même période en 2006 et excède de loin le 1,3% de 2005. Les produits frais et l'habitation sont à l'origine de cet accroissement du niveau des prix. Le prix des produits non alimentaires a progressé modestement. Longtemps maîtrisé à un niveau moyen de 2 %, le taux d'inflation aurait-il tendance à s'installer durablement dans une tranche supérieure ? Après les 3,3 % enregistrés sur l'ensemble de l'année 2006 – avec des pics atteignant près de 4 % entre mai et juillet -, les trois premiers mois de 2007 restent encore marqués par ce que le Haut commissariat au plan (HCP) appelle «une tension inflationniste persistante». En effet, sur le premier trimestre de cette année, l'indice du coût de la vie (ICV) a crû de 2,6 %, contre 2,1 % et 1,3 % respectivement à la même période des exercices 2006 et 2005. La répartition géographique de cette inflation montre que les taux d'accroissement les plus importants sont enregistrés, par ordre d'importance, à Marrakech (4,2 %), Meknès (3,3 %), Oujda et Fès (3,2 %), Rabat et Tétouan (2,7 %) ; les taux les plus faibles étant relevés dans les villes de Casablanca (2,2 %) et Agadir (1,8 %). Ces variations importantes d'une ville à l'autre s'expliquent sans doute par une plus grande disponibilité des produits alimentaires, notamment les produits frais, dans une ville comme Agadir, proche des vergers du Souss, sachant que l'alimentaire, justement, comme on le verra plus loin, pèse lourd dans le panier de référence servant au calcul de l'ICV. Les causes de cet accroissement de l'ICV, selon les indications du HCP, sont dues pour l'essentiel à la hausse des prix des produits alimentaires qui ont connu une hausse de 3,5%, particulièrement des produits frais (légumes et fruits frais). La sécheresse qui a marqué l'hiver qui vient de s'écouler et, conséquemment, la réduction des superficies cultivées ont induit un repli de l'offre, directement responsable de cette accélération de l'inflation. Autre facteur à l'origine du renchérissement des prix à la consommation, le redressement des prix du sucre (11,6 %, contre 1,2 % une année auparavant) et des plantes aromatiques, notamment le café, en raison de la hausse de leur prix sur le marché international. Il s'agit donc là d'une inflation importée. Mais ce n'est pas tout. Car, même en mettant de côté les produits à prix volatils comme les fruits et légumes et les produits pétroliers, par exemple, et les produits à prix réglementés – car ces deux catégories ne reflètent pas la dynamique économique -, l'inflation sous-jacente qui, elle, donne la mesure de l'évolution des prix économiques, reste élevée (2,2 %) par rapport à ce qu'elle était à la même période de 2006 (1,7 %). Transport et communication : une faible évolution de 0,6% S'agissant en revanche des produits non alimentaires, bien qu'ils aient eux aussi augmenté, cette augmentation est cependant moins soutenue (2 %) par rapport à celle de l'année dernière (2,7 %). Cette décélération du rythme de croissance des produits non alimentaires cache en fait des variations, selon qu'il s'agisse d'un groupe de produit ou d'un autre. Ainsi, si l'indice des prix du groupe «transport et communication» n'a crû que de 0,6 %, contre 10,9 % une année auparavant (en raison de la baisse des prix à la pompe, consécutivement au recul des prix du pétrole à l'international), celui du groupe «habitation» a, lui, augmenté de 4,2 %, contre 0,8 % à la même période de 2006. Et tout semble indiquer que ce groupe «habitation», avec ses différentes composantes (loyer, entretien et réparations, chauffage, éclairage et eau), ira en augmentant compte tenu du boom immobilier que l'on connaît. Mais avec la part (c'est-à-dire la pondération) que représente l'habitation dans l'ICV global (un peu plus de 14 %, contre près de 45 % pour l'alimentation), le renchérissement des prix de ce groupe n'impacte pas beaucoup le niveau général des prix. C'est tout le débat sur la nécessité de revoir le fameux panier de référence et les pondérations attribuées à chaque produit et groupe de produits qu'il contient. Le Haut commissariat au plan, à qui revient la responsabilité du calcul de l'ICV, s'attelle d'ailleurs à changer composition, nombre de produits et poids des régions dans le calcul de l'indice. De la même manière, si les prix des soins médicaux n'ont progressé que de 0,9 %, on peut se poser la question de savoir si l'importance qui leur est accordée dans l'indice général (5,4 %) reflète réellement le comportement des Marocains en cette matière. Avec la mise en place de l'assurance maladie obligatoire, au moins, la pondération de ce groupe de produits mérite sans doute d'être réévaluée. Faible pondération pour des produits désormais plus largement consommés A l'inverse, le niveau de l'inflation pourrait probablement mieux «profiter», si on peut dire, de la baisse tendancielle du rythme d'accroissement des produits manufacturés, si leur part dans l'ICV avait été réévaluée. Avec les baisses de prix que ne cessent de connaître les équipements ménagers ainsi que les produits d'habillement, en raison de la concurrence qui gagne de plus en plus ces secteurs, les habitudes de consommation des Marocains ont naturellement changé. Quel ménage aujourd'hui ne dispose pas de téléviseur, de machine à laver, etc. ? En outre, avec les facilités de crédit qui existent sur le marché, le renouvellement de ces équipements est désormais plus fréquent, voire régulier, que par le passé. Toutefois, cette baisse des prix des produits manufacturés n'affecte que faiblement l'indice général, donc l'inflation, en raison des pondérations relativement faibles (et encore, elles ont été ajustées à la hausse au début des années 90) de ces produits. Les équipements ménagers, par exemple, ne comptent que pour 5 % dans le panier de référence et l'habillement pour 6,4 %. Le cas des loisirs et communications (5,6%) est encore plus significatif du décalage entre la réalité et la perception de cette réalité. Que le poste «divertissement et culture» ne compte encore que pour 1,2 % passe encore. Mais que l'enseignement ne pèse que 2,9 %, cela mérite à coup sûr un réajustement conséquent ; ne serait-ce que parce que le taux de scolarisation, y compris dans les campagnes, a énormément évolué (92,2 % au niveau national et 87,8 % en milieu rural, selon les données du dernier recensement général de la population de 2004) et que la taille moyenne des ménages reste encore élevée (5,3 personnes). Si on ajoute à cela la propension des familles, y compris les plus modestes, à placer leurs progénitures dans des établissements privés, on se rend bien compte qu'en réalité l'enseignement et l'habitation doivent désormais constituer des postes de dépenses très importants. C'est d'autant plus plausible que l'indice actuel du coût de la vie ne concerne que la population urbaine, et seulement celle des onze grandes villes du pays ; autrement dit, celle dont, au contact de la modernité, les habitudes de consommation évoluent rapidement. En fin de compte, le nouveau panier de calcul de l'ICV devrait permettre d'avoir une idée plus proche de la réalité, mais il reste qu'à méthode constante, le taux d'accroissement du coût de la vie s'est bel et bien emballé. Gare à la surchauffe ! Bien sûr, nous sommes loin des 7 et même 8 % du début des années 90, mais la tendance qui apparaît depuis 2006, et qui semble se poursuivre pour ce premier trimestre, devrait constituer un signal pour les pouvoirs publics – même si une «petite» inflation, c'est plutôt bon signe, du moins selon certains économistes. Sauf que, dans le cas du Maroc, les bas salaires n'étant pas indexés sur le niveau de l'inflation, la hausse des prix est toujours vécue difficilement pas les citoyens. Pratique Comment on calcule l'indice du coût de la vie L'indice du coût de la vie (ICV) mesure la variation relative des prix à la consommation des produits consommés par les ménages de référence. Ces ménages de référence, indique la direction de la statistique du Haut commissariat au plan (HCP), appartiennent à la classe dite «moyenne», laquelle est composée de cinq catégories socio-économiques : les cadres moyens, les commerçants, les indépendants non agricoles, les employés dans les bureaux et les services et les ouvriers non agricoles. Le panier de l'indice est constitué par un échantillon représentatif des produits consommés par la population de référence et qui sont au nombre de 385 articles et 768 variétés. Comme le montre le tableau ci-contre, ces articles et variétés sont rassemblés dans 8 groupes comprenant 53 sous-groupes. Comment est choisi le contenu du panier ? Suivant l'importance du produit dans la consommation des ménages, l'importance sociale du produit et, enfin, la représentativité du produit dans le sous-groupe auquel il appartient (par exemple, dans le groupe «alimentation», il s'agit de mesurer ce que représente l'huile ou le beurre dans le sous-groupe «corps gras»). Cette représentativité, ainsi que la pondération qui affecte chaque produit, sont calculées sur la base des résultats des enquêtes sur la consommation et les dépenses des ménages. Ainsi, la dernière actualisation de la pondération a été effectuée en janvier 2002, sur la base de l'enquête sur le niveau de vie des ménages réalisée en 1998-1999. Ainsi, le groupe «alimentation» qui, longtemps, constituait presque la moitié du panier de référence, a vu sa pondération légèrement revue à la baisse à l'occasion de l'enquête de 1998-1999. A contrario, les pondérations affectant les groupes «habitation» et «loisirs et culture» ont été, elles, légèrement augmentées. Sur le plan de l'étendue géographique, l'ICV, pour le moment, ne couvre que onze grandes villes du pays : Agadir, Casablanca, Fès, Kénitra, Marrakech, Oujda, Rabat, Tétouan, Meknès, Tanger et Laâyoune. Et ces villes, précise la direction de la statistique, ont été choisies sur la base, notamment, de l'importance de la population qu'elles regroupent. Avec l'évolution des habitudes de consommation, le HCP prépare un nouvel indice (voir «La Vie éco» du 4 mai 2007) qui, non seulement intégrera d'autres produits dans le panier de référence (500 articles en tout) ainsi que de nouvelles pondérations, mais, en plus, couvrira les seize régions du Royaume.