Lorsque Rémy Leveau a écrit son livre « Le fellah marocain défenseur du trône », il n'imaginait pas qu'un jour viendrait où le trône alaouite ferait appel, pour sa survie, aux services d'une large liste de défenseurs incluant aussi bien le leader politique, le militant des droits de l'homme, l'intellectuel , l'homme des médias, l' islamiste, le gauchiste et puis finalement le « chmakri », c'est-à-dire le voyou ou le SDF pour protéger le trône de la démocratie qui menace de pulvériser les régimes oppressifs et autoritaristes depuis le début du printemps Arabe. Ces régimes ont pendant des décennies étranglé leurs peuples sous la dictature de l'individu, la famille, la tribu, l'armée ou la communauté. Il est très regrettable qu'une monarchie vieille de presque 400 ans, se trouve réduite, pour affirmer sa légitimité, à négocier avec les plus bas étages de la société, les criminels, les derviches, au lieu de puiser cette même légitimité dans la justice, le droit et les institutions démocratiques, et se conformer à la volonté du peuple, qui ne demande qu'à lui offrir un statut privilégié lui permettant de se prémunir contre les vicissitudes du destin. Jean Lacouture, ancien rédacteur en chef du magazine français « Le nouvel observateur » avait demandé au roi Hassan II quelques semaines avant sa mort, s'il avait arrangé pour le prince héritier, le roi Mohammed VI, une bonne transition de la Couronne et s'il lui livrerait les clés secrètes pour résoudre les dilemmes de la société marocaine. La réponse fut ainsi : si je le faisais, le peuple n'aura pas besoin de lui. Au contraire, il doit résoudre les problèmes des Marocains avec eux pour qu'ils connaissent qui est ce nouveau roi. Mais la jeune génération qu'il a héritée n'accepte pas les compromis comme la génération de ses parents : elle veut un roi qui n'a pas peur de l'avenir, qui mette sa main dans la sienne pour construire un Maroc où la monarchie est le symbole suprême d'un régime politique qui respecte et se conforme à la volonté du peuple. Le jeune roi a commencé ses fonctions de chef de l'Etat, par un discours séduisant et un style distinct de son père dont le ton de la voix et le regard étaient sévères, mais rapidement des mains corrompues ont kidnappé le jeune roi et l'ont isolé non seulement des Marocains, mais du reste du monde : il s'est rendu à très peu de sommets arabes, internationaux ou de pays islamiques. Il se méfie des Marocains car l'oligarchie criminelle, en coopération avec les appareils et services, a réussi à lui faire croire à une segmentation délirante des citoyens : salafistes, jihadistes, fondamentalistes, islamistes comploteurs, gauchiste républicains, espions de l'étranger ou traitres à la nation qui préparent un coup d'état. Il est rapidement devenu hésitant et perplexe et a perdu l'initiative, même s'il veut faire semblant du contraire, ou du moins la cinquième colonne cherche à nous faire avaler qu'il a pris l'initiative des réformes constitutionnelles et politiques avant que ne naisse le mouvement réformiste du 20 février, ce qui n'est pas exact. La monarchie n'a jamais été aussi déstabilisée au point de recourir dans la précipitation à une alchimie absurde (des repris de justice aux braves cheikhs des zaouias) pour montrer au monde que le peuple marocain bénit sa constitution. Elle n'avait pas à s'abaisser à ce spectacle désolant, ces techniques périmées de tromperie et cette overdose de maquillage. La jeunesse Marocaine, appuyée par des forces politiques, syndicales, associatives, médiatiques et intellectuelles, n'a pas exprimé sa colère contre le régime, du moins au début des protestations, mais revendiquait des mesures contre la corruption et les corrompus ainsi que la transition d'une monarchie exécutive à une monarchie parlementaire où le roi règne et le chef du gouvernement gouverne en puisant sa légitimité dans le suffrage populaire. L'institution royale a raté des opportunités ne peuvent ne pas se représenter quand elle s'est rangé aux cotés des « chmakrias » et les zaouias dormantes, jadis alliées du colonialisme et foyers d'hérésies et de culte de la personne, ainsi qu'à des vieux partis. Plus grave, elle a lié son sort à celui de ces derniers, pourtant désapprouvés par la majorité silencieuse, lors des élections législatives de 2007 et communales de 2009. Le roi doit se convaincre que les partis qui se courbent devant lui aujourd'hui ont été déshabillés par le roi Hassan II et dépouillés de leur légitimité, ce qui explique la misère et l'indigence qui les caractérise et les rend incapables de calmer la colère de la rue qui exige un vrai changement. Le roi a intérêt, tout au contraire, à miser sur le mouvement de la jeunesse pour construire une communauté politique propre, forte et saine. L'ancien premier ministre Moulay Abdallah Ibrahim nous a dit une fois vers le milieu des années 1990, dans un amphithéâtre de la faculté droit de Rabat, que lorsqu'il était chef du gouvernement et ministre des affaires étrangères, le Sultan Mohammed V lui avait demandé de nommer en qualité d'ambassadeur une personnalité connue d'une grande tribu sahraoui. Moulay Abdallah a répondu au sultan « Je vais d'abord consulter Mehdi Ben Barka ». Où est aujourd'hui cette race de leaders politiques dignes ? La scène est pleine de secrétaires généraux qui insultent les jeunes du rêvent du changement. D'autres, une fois ont renié leur passé militant, les lettres piégées et les assassinats politiques, dès qu'ils ont gouté aux postes confortables et à l'argent public dilapidé. D'autres enfin ont été parachutés par le pouvoir et se doivent de lui renvoyer l'ascenseur en ameutant à la va vite les jeunes désœuvrés dans les complexes sportifs pour soutenir la constitution royale octroyée. Toujours à propos de Moulay Abdallah Ibrahim, nous devons nous rappeler avec fierté que lorsque le Sultan Mohamed V lui a proposé le poste de chef du gouvernement en 1958, il décliné compte tenu de l'ampleur de la responsabilité et aussi en raison des intrigues du Prince héritier de l'époque, feu Hassan II et ses conseillers, (qui rappellent celles de l'actuel conseiller royal Mohamed MOATASSIM qui a dépassé ses prérogatives consultatives pour devenir l'architecte du document constitutionnel selon les désirs royaux et aussi celui qui donne le tempo aux partis makhzaniens), ce à quoi Mohamed V a répondu : si tu n'acceptes pas cette charge je vais moi-même renoncer au pouvoir et m'en aller passer le restant de mes jours à la Mecque, auprès de la maison sacrée d'Allah, d'après les mémoires de feu Abdelhadi Boutaleb. La divergence entre le palais et les forces politiques, juste après l'indépendance, portait sur des visions et des projets politiques, la nature du système de gouvernance, les mécanismes d'alternance et les fondements de l'Etat marocain moderne. Aujourd'hui, hélas, le pouvoir politique a rabaissé le niveau du débat pour qu'il soit brouillé par les débiles et charlatans. Il y a une question nous posons aujourd'hui pour que le pouvoir assume sa responsabilité politique et historique : comment se comportera-t-il avec le mouvement des jeunes du 20 février et les forces qui les soutiennent si le référendum approuve la constitution royale octroyée mais le public continue à manifester pacifiquement pour réclamer une monarchie parlementaire et la poursuite judiciaire des corrompus ? Hassan II a refusé pendant 38 ans d'autocratie, qu'un leader de parti devienne premier ministre sur la base de la légitimité des élections, car il était convaincu d'être le seul à disposer de la légitimité, fusse-t-elle non populaire. De ce fait, il choisissait l'individu qui lui convenait : responsable politique, technocrate, marchand de chaussures ou même chauffeur comme il se plaisait à dire à ses courtisans… Aujourd'hui, je demande aux jeunes à se consacrer à la phase post-référendaire et se libérer des tactiques du pouvoir et de son agenda. Le débat doit quitter le périmètre national pour devenir international. Il est nécessaire que les jeunes se rassemblent autour d'une revendication stratégique unique et créer autour d'elle un consensus local et international à travers une stratégie de communication claire. Il n'y a pas plus raisonnable et légitime que de s'accrocher aujourd'hui à l'établissement d'une monarchie parlementaire où le roi règne mais le vrai pouvoir de décision entre les mains d'un premier ministre élu de façon libre et démocratique, et qui sera responsable devant les élus de la nation. Il va conduire une équipe gouvernementale sous sa seule autorité, et conduira les affaires de l'Etat selon un programme politique qui aura été approuvé par la chambre des représentants. L'exigence de la monarchie parlementaire est la revendication minimum et aussi la soupape de sécurité pour une vraie transition démocratique et aussi la condition nécessaire pour séparer le pouvoir et l'argent, entre les fortunes personnelles et l'économie nationale qui fait du surplace depuis l'indépendance inachevée, alors que des millions de Marocains vivent en dessous du seuil de pauvreté et d'autres personnes, hommes et femmes, vendent leur honneur au Maroc et à l'étranger, en échange d'un logement inapproprié, une petite somme d'argent, un enseignement qui dépasse à peine l'alphabétisation et des conditions sociales qui produisent le crime, la délinquance, la toxicomanie et les embarcations de la mort. Malheureusement ce sont ces « chmakrias » qui sont aujourd'hui les nouveaux protecteurs du trône et le combustible de cette constitution octroyée, alors qu'ils auraient pu être des soldats d'un vrai changement et boycotter ce référendum d'un pouvoir non constitutionnel, non démocratique, non parlementaire et non social. Abou dhar Al ghifari, compagnon du prophète a dit : comment voulez-vous que celui qui n'a pas de quoi manger ne sorte pas avec une épée dans la main !! --- - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. - Traduit de l'arabe par Ahmed Benseddik, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.