C'est une tactique aussi vieille que l'humanité. Elle consiste à faire oublier ses travers, en les imputant à autrui ou en l'attaquant sur un tout autre chapitre. Une coutume bien enracinée au Palais. Hassan II y avait eu recours à plusieurs reprises, notamment lorsqu'il avait livré en pâture à une justice aux ordres, quelques uns de ses compagnons de prédation et de corruption de la veille, choisis parmi les lampistes et les seconds couteaux, histoire d'épargner les plus gros. Le procédé n'avait dupé personne, sauf ceux qui le voulurent bien. Le procès achevé, les condamnés s'éclipsèrent, en catimini et par la petite porte, de leur prison VIP, où des loufiats auxquels il ne manquait que des gants blancs, avaient ordre de leur servir du « Monsieur » et les petits plats qui allaient avec. Et la corruption reprit de plus belle, lorsque l'« Irae populi », cette colère populaire, se fut quelque peu estompée. Mais si une certaine forme de courage faisait assumer à Hassan II la quasi-totalité de son effroyable bilan et de son aveuglement, on ne peut en dire autant pour Mohammed VI et son équipe. Non content d'avoir limogé un bouc émissaire un peu trop conciliant, en la personne de Hafid Benhachem, Délégué Général de l'Administration pénitentiaire, après le « DanielGate », le roi s'en était vertement pris au gouvernement actuel, dans son discours du « Vingt août », imputant injustement à ce dernier, la responsabilité de la faillite de la réforme de l'enseignement. Moins d'un mois plus tard, il aura suffi que le nom du Maroc réapparaisse sur les écrans radar, pointé du doigt pour ses exactions contre les migrants subsahariens, pour que le Cabinet royal s'en prenne de nouveau au PJD. Dans le même temps, le Palais que rien n'indispose plus que de se voir cloué au piloris par les instances internationales, multipliait les gesticulations, comme ce communiqué appuyant le rapport exhumé des tiroirs du Conseil national des Droits de l'Homme (CNDH), où il sommeillait depuis plusieurs mois. Un nouvel écran de fumée du Palais, conjoint et solidaire de son Conseil « in vivo » des droits de l'homme, avec à sa tête un Driss El Yazami, plus porté sur l'observation passive des exactions du régime marocain, qu'à leur dénonciation. Si les attaques du Palais peuvent prêter à sourire et ne trompent plus grand monde, l'attitude du Chef de gouvernement interpelle par son indignité. Plus rien ne semble désormais impressionner le leader du PJD, ni le démonter. Lâché par ses anciens alliés au gouvernement, bousculé par le RNI qui ambitionne clairement les portefeuilles sensibles dont celui des finances et ceux de souveraineté, houspillé au sein de son propre parti, pour ses concessions et sa passivité face à la corruption et la tyrannie, Benkirane est à la ramasse. Pitoyable, il n'est plus que l'ombre de ses promesses. Cruels instants de solitude, où il ne reste à l'homme que sa « gueule » et ses vociférations, face aux siens et le silence et le dos rond, face aux soufflets à répétition du Roi et sa clique. Même la docilité a des limites et demain sera sans doute pire, tant Salaheddine Mezzouar, cet amateur de primes sonnantes et trébuchantes, qui négocie la place de son parti, le RNI, dans la prochaine formation gouvernementale, a saisi la lâcheté du chef du parti de la lanterne, dans toute son ampleur, à le voir tendre, ainsi, systématiquement l'autre joue au tyran, puis se couvrir de ridicule, la minute d'après, à entonner les louanges de son persécuteur. Aux dernières nouvelles, une équipe de chercheurs et d'anthropologues espagnols qui recherchaient depuis juin 2013, les corps de disparus sahraouis, après qu'un berger ait retrouvé des restes humains, dispersés dans le sable, en février dernier, a mis au jour une fosse commune, datant vraisemblablement de 1976 et renfermant huit squelettes de suppliciés. Une preuve accablante supplémentaire qui raconte le peu de cas que le régime marocain fait de la vie humaine et son inclination à abriter et protéger les pires criminels. On pourrait légitimement s'interroger si le Palais, que le ridicule n'effraie désormais plus, osera imputer la fosse commune, au gouvernement Benkirane. De déclarations assassines en panégyriques appuyés, Mohammed VI et Abdelilah Benkirane semblent vouloir ressusciter en cinémascope, cette vieille rengaine, « Je t'aime, moi non plus ». Le premier pense se grandir et s'exonérer de toute responsabilité, en chargeant le second de tout et son contraire. Le Chef du gouvernement, quant à lui, s'est, à ce point, coulé dans le costume du parfait bouc émissaire, si docile et si commode qu'il en jette la honte sur son électorat et l'opprobre sur le reste de ses compatriotes. Aucun des deux n'avait pourtant mérité cela !