Le déclenchement de l'affaire DanielGate est le résultat de la guerre larvée entre le cabinet royal et l'équipe Benkirane selon des sources proches des autorités espagnoles. C'est Fouad Ali El Himma qui a demandé à l'ambassadeur d'Espagne d'adresser les demandes de transfèrements et de grâce directement au cabinet royal. C'est sous son égide que la fusion des deux listes a permis à Daniel Galvan, inscrit sur la liste des transfèrements, d'être gracié. Récit. Le communiqué du cabinet royal en date du 30 juillet, qui met en cause le roi d'Espagne Juan Carlos 1er en affirmant que c'est à sa demande que les 48 prisonniers espagnols, et donc le pédophile Daniel Galvan, avaient été graciés par le souverain marocain, a sans doute contribué à délier les langues côté autorités espagnoles. C'est effectivement de source proche de l'Etat espagnol que Lakome a appris deux informations majeures qui mettent à mal la thèse du cabinet royal et surtout, soulignent l'ambiance délétère entre le cabinet royal et le gouvernement Benkirane. La chaîne des événements qui va mener à la grâce de Daniel Galvan commence avec la rencontre entre Juan Carlos et Abdelilah Benkirane le 17 juillet à Rabat. En visite officielle, Juan Carlos arrive chez le chef du gouvernement avec une requête. Un prisonnier de 74 ans diabétique et cardiaque condamné à 4 années de prison pour trafic de drogue demande à purger sa peine en Espagne. La requête n'est pas si exceptionnelle puisque les conventions signées entre les deux états permettent aux citoyens d'un pays incarcéré dans l'autre pays, et remplissant un certain nombre de conditions, de demander leur transfèrement dans leur pays de nationalité pour y purger le reste de leur peine. Jusque là rien d'exceptionnel. Le 19 juillet alors que Juan Carlos vient juste de monter dans l'avion qui va le ramener à Madrid, Abdelilah Benkirane, présent au coté de Mohammed VI pour saluer le monarque espagnol, informe le chef de l'Etat de la requête espagnole de transfèrement d'Antonio Garcia. Selon une source proche du PJD, le souverain marocain lui signifie son accord et lui demande même d'accélérer la procédure. Le premier ministre contactera Mustapha Ramid, son ministre de la justice, pour lui demander d'entamer la procédure et de prendre attache avec son vis à vis espagnol. L'appel du 20 Juillet Ce sera un appel téléphonique de Fouad Ali El Himma à l'ambassadeur d'Espagne, Alberto Navarro, qui accélérera les événements. Selon des sources proches des autorités espagnoles, le samedi 20 juillet alors que Juan Carlos avait à peine quitté le pays, un El Himma passablement énervé signifie son courroux au diplomate, surpris. L'objet de l'ire difficilement contenue du conseiller royal et plus proche collaborateur du roi du Maroc, est cette requête de transfèrement d'un prisonnier espagnol adressé non pas au Cabinet royal, mais, insulte des insultes, au chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. «Sa Majesté aussi peut régler ce genre de problème» s'entend dire l'ambassadeur. Décontenancé, l'ambassadeur espagnol explique qu'en fait, la maison royale a parfaitement respecté le protocole puisqu'il s'agit d'une demande de transfèrement, légalement du ressort du ministère de la justice marocain, et non pas d'une demande de grâce royale, auquel cas elle aurait été adressée au cabinet royal. Le conseiller marri n'en démord pas et insiste auprès du diplomate pour que les listes des demandes de grâce et de transfèrements aussi soient envoyées au cabinet royal. Les six consulats espagnols du royaume seront mis à contribution pour compiler la liste de tous les prisonniers de nationalité espagnole incarcérés au Maroc. Les services de l'ambassade dresseront deux listes. La première de 30 individus concernent les demandes de transfèrement, la deuxième composée de 18 individus concernent les demandes de grâce. Fusion des listes Notre source affirme que les autorités espagnoles ont été surprises en prenant connaissance de la décision du cabinet royal marocain. D'abord ce ne sont pas deux listes qui sont annoncées mais une seule. Une liste unique qui annonce la grâce de la totalité des 48 noms contenus dans les deux listes initiales, y compris donc les demandeurs de transfèrement. Parmi les prisonniers graciés quelques noms embarrassent les espagnols, c'est notamment le cas d'un certain Antonio Garcia Ancio, fils d'Antonio Garcia Vidriel en faveur duquel Juan Carlos avait intercédé. Le fils était considéré comme le principal accusé dans l'opération de transport de 9 tonnes de hashish et avait été condamné à 10 années de prison. Une grosse prise lâchée dans la nature. Ironie de l'histoire, le fils que les espagnols ne voulaient absolument pas voir libéré a été gracié alors que le père lui doit attendre la fin de la procédure de demande de transfèrement, qui peut durer jusqu'à un mois. Et puis il y a ce monstre pédophile de Daniel Galvan. Mais les autorités espagnoles ne sont pas plus inquiètes que cela : elles pensent que l'histoire passera sous les radars de l'opinion publique. Après tout, c'est le Maroc et les décisions du roi ne se discutent pas. C'est lorsque l'opinion publique marocaine s'avérera moins docile que prévu et que la monarchie marocaine s'empêtrera dans ses contradictions pour expliquer sa décision, qu'ils appréhenderont l'ampleur du désastre. Le ministère de la Justice avait prévenu le cabinet royal Pourquoi les listes ont-elles été fusionnées ? Est ce par erreur ? Et si c'est une erreur, n'est ce pas le cabinet royal et plus précisément Fouad Ali El Himma qui en est le premier responsable, puisque c'est lui, peut être à la demande du roi, qui a appelé l'ambassadeur espagnol pour lui demander de s'adresser au palais en pareilles circonstances ? Et si ce n'était pas une erreur. Ce pourrait-il que le cabinet royal ait voulu démontrer sa supériorité institutionnelle vis à vis du gouvernement ? Faire preuve de munificence en graciant tout le monde sans prendre en considération l'avertissement du ministère de la justice ? Cet avertissement donné lorsque la décision d'exécuter est redescendue du cabinet royal a été confirmé à Lakome par un proche de Mustapha Ramid, malgré le démenti public de ce dernier. Daniel Galvan, l'inconnue Le passé nébuleux du pédophile espagnol d'origine irakienne complique cette affaire d'Etat. Son avocat a affirmé à Lakome que son client prétendait avoir travaillé pour les services Irakiens. Des sources proches de la diplomatie espagnole ont assuré à Lakome que sa maîtrise de la langue espagnole était anormalement approximative pour quelqu'un qui prétendait avoir travaillé pendant de nombreuses années dans un milieu universitaire espagnol. Les recherches de Lakome dans la base de données du bulletin officiel espagnol n'ont pu trouver trace de la publication de sa naturalisation comme l'exige la loi. Les versions de la nature de son travail à l'université de Murcia se multiplient, toutes différentes les unes des autres. Tout cela entoure le personnage d'un halo de mystère. D'un autre côté, l'information selon laquelle sa grâce avait été demandée par les services espagnols est sortie du palais à Rabat. Rapportée par Lakome, cette information avait-elle pour but de dédouaner un Cabinet royal aux abois ? L'opinion publique accepte mieux la version de la grâce octroyée dans le cadre de l'intérêt supérieur de la nation, comme l'a d'ailleurs affirmé le ministre de la justice dans son communiqué (qui a depuis été retiré du site du ministère), que celle d'une querelle infantile entre le cabinet royal et l'équipe Benkirane, qui a dérapé avec les conséquences que l'on connait maintenant.