Le front anti-réformes, qui défend bec et oncles la pérennité de la corruption généralisée, ressemble à un orchestre énorme, comprenant des hommes politiques, des syndicalistes, des activistes de la société civile, des journalistes et homme de médias, en plus d'une vaste armée de mercenaires et lèche-bottes, rompus à la servilité et experts ès-obséquiosité. Les peaux de bananes sous les pieds des ministres du gouvernement dirigé par le Secrétaire Général du Parti Justice et Développement, Abdelilah Benkirane, sont innombrables. A l'opposé, la confiance des électeurs marocains dans son parti, est son arme de défense qui lui garantit la continuité de sa coalition gouvernementale, du moins jusqu'à présent, puisque la vraie boussole politique est en fin de compte orientée avant tout sur la base des synthèses des rapports qui scrutent les tendances de l'opinion publique, en tenant compte aussi de l'intérêt supérieur du pays, au sens de sa stabilité d'abord. Cette boussole fait peu de cas des palabres des meetings politiques, des scoops des journalistes et des chercheurs qui meublent les plateaux de télévision publique, les stations de radio privées, les sites d'informations électroniques, et les journaux, toutes tendances et toutes lignes éditoriales confondues. Est-ce que le chef de gouvernement Benkirane, dans ce climat politique mouvementé et déséquilibré, où pullulent les peaux de banane dévastatrices, peut conserver son arme défensive efficace ? Le front anti-réforme, qui défend bec et oncles la pérennité de la corruption généralisée, ressemble à un orchestre énorme, comprenant des hommes politiques, des syndicalistes, des activistes de la société civile, des journalistes et homme de médias, en plus d'une vaste armée de mercenaires et lèche-bottes, rompus à la servilité et experts ès-obséquiosité. Ce front n'a pas été constitué à la hâte pour contrecarrer la volonté du peuple et son aspiration au changement et la confiscation de son rêve d'un Maroc paisible, juste et digne, une justice indépendante et impartiale, une économie nationale saine où il n'y a pas de place pour la rente, et un champ sérieux et crédible. Contrairement à cette idée répandue, le front de la corruption et de la prévarication a été constitué depuis fort longtemps, a accumulé de nombreux privilèges qui lui imposent aujourd'hui de résister à tout projet ou initiative du gouvernement qui risque d'ébranler ses acquis, et utilise pour cela toutes les possibilités et les moyens mis à sa disposition. On l'a vu avec l'initiative du gouvernement de réformer la caisse de compensation, dont les dépenses ont augmenté au cours de la dernière décennie d'une façon incroyable et incompréhensible, selon des universitaires et des économistes marocains. On l'a vu aussi suite à l'initiative de réformer les caisses de retraite menacées de faillite, après avoir été spoliées et pillées. Toutes ces structures rentières structurellement complexes et aux intérêts opportunément croisés, sont les conséquences du mariage malsain de l'argent et du pouvoir. La domination du pays par ce type de structure n'est pas une spécificité marocaine, il en existe dans plusieurs pays arabes comme la Jordanie, la Tunisie, l'Egypte, l'Algérie et la Syrie. La différence réside dans le noyau de ces structures seulement, qui peut être, selon le cas, tribal, civil, politique, militaire ou sécuritaire. Les batailles menées par des membres du gouvernement, par leurs propres moyens, pour affronter des responsables politiques, des technocrates puissants (dont des anciens ministres), et que le chef du gouvernement qualifie de crocodiles et démons, ne doivent pas être perçus dans un cadre étroit, ou croire qu'il s'agit seulement de conflits de personnes physiques. Il s'agit d'un camp complexe et entier, qui, pour conserver ses intérêts, dispose de ses propres bases, ses propres soldats actifs ou de réserve, ses appuis, ses alliances et connexions étrangères, ses ramifications syndicales et partisanes, ses prolongements dans le monde de la finance et des affaires, ainsi que dans les médias et la presse, et dans les divers étages de l'administration. Ces paramètres sont utiles lorsqu'on veut évaluer la performance du gouvernement dirigé par le secrétaire général du PJD, plus d'un an et demi après son investiture. L'expérience de l'ancien premier ministre Abderrahmane Elyousfi avec les poches de résistance, ne déroge pas à la même règle, même si le climat politique et le texte constitutionnel ont changé depuis. Le chef du gouvernement, dont le parti a choisi lors des dernières élections législatives, le slogan « ta voix est ta chance contre la corruption et la tyrannie », dispose d'un capital politique unique face aux charlatans politiques et aux lobbies de la finance, des affaires, des médias et d'autres secteurs vitaux et stratégiques dans le pays. C'est la confiance du peuple exprimée à travers les urnes qui lui ont donné 107 sièges à la Chambre des représentants. Le clan pro-corruption et anti-réforme, dont le projet autoritariste a été subitement avorté, fait tout son possible pour détruire cette confiance. Il y travaille au quotidien, y met tous les moyens, en particulier, les médias divers dont il dispose, et qui sont bien plus puissants que les moyens dont dispose le gouvernement lui-même, issu des urnes, hormis la séance mensuelle où le chef du gouvernement planche au parlement. Cette apparition mensuelle, pourtant garantie par la constitution, n'est pas du goût de certains ! Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane apparaisse incapable de résister à cette avalanche de coups qui contrarient les projets et initiatives de son gouvernement, dans les domaines de la diplomatie, de la justice et de l'économie, étant donné l'ampleur et le pouvoir destructeur de cette terrible machine anti-réforme. Le gouvernement de Benkirane se trouve de ce fait dans une position très délicate, et l'argument de la confiance royale que ressasse à souhait le secrétaire général du PJD est insuffisant pour éliminer les épines de son chemin, aussi longtemps que les règles du jeu politique dans le pays doivent être régies par des règles constitutionnelles écrites et claires qui exigent que la constitution soit appliquée démocratiquement pour sauvegarder la volonté populaire. Jusqu'à présent, l'arme défensive qui préserve encore Benkirane contre un éventuel coup d'Etat politique dûment constitutionnel, après l'annonce de la décision, non encore appliquée, du Parti de l'Istiqlal de quitter le gouvernement, c'est la confiance des électeurs marocains dont plus de 60% le soutiennent, d'après les sondages les plus récents. L'Istiqlal prétend abusivement attendre un arbitrage royal fondé sur l'article 42 de la Constitution, alors que c'est l'article 47 qui devrait être appliqué dans le cas d'espèce car il s'agit d'un différend entre partis et non pas entre institutions constitutionnelles. Or, au lieu de s'appuyer sur cette confiance populaire et la consolider pour faire face à ces tonnes de peaux de banane mises sur le sol de son gouvernement, afin qu'il glisse, tombe et ne se relève pas, Benkirane s'entête à accumuler les mauvaises décisions et les choix sévères. Khalid Ouba Omar Traduction de l'arabe par Ahmed Benseddik