Le mouvement Justice et Bienfaisance (Al Adl Wa Al Ihssan) et Hizb Al Oumma, deux mouvements politiques non autorisés par le régime, condamnent l'avis du Conseil des Ouléma - composé de docteurs de la loi choisis par le Pouvoir - selon lequel les apostats méritent la mort. Le PJD, par contre, était pour la liberté de conscience avant d'être contre... puis d'y être à nouveau favorable. Le quotidien Akhbar Al Youm du mardi 16 avril rapportait que le Conseil supérieur des Ouléma avait émis une fatwa qui condamne à mort les apostats. Contacté à ce sujet par Lakome, Omar Iherchane membre de la direction politique du mouvement Justice et Bienfaisance, affirme que : «Très clairement et sans hésitation, Al Adl Wa Al Ihssan est pour la liberté de conscience. Notre position est basée sur les principes de la Charia et nous considérons la liberté de conscience comme l'un de ses éléments centraux. D'ailleurs, les nombreuses sourates du Coran qui évoquent le sujet et affirment la liberté de conscience fournissent les principes fondateurs de la Charia.» M. Iherchane a ajouté qu'il «n'existe qu'un seul hadith qui fait dire au prophète "tuez celui qui change de religion". Or il n'y a jamais eu de consensus sur ce Hadith qui n'est plus pris en considération aujourd'hui que par les Ouléma les plus traditionalistes." Il considère par ailleurs que "le régime instrumentalise l'islam et l'utilise pour fuir ses obligations internationales en matière de respect des droits de l'Homme. C'est bien le régime qui salit la religion en l'utilisant sélectivement pour justifier sa politique autoritariste.» "Le Coran ne mentionne pas l'exécution de l'apostat" De son côté, Abdelhamid Abkrim, Professeur universitaire et membre du Parti Oumma, est surpris par cette fatwa émanant du Conseil supérieur des Ouléma et rappelle, lui aussi, qu'il n y a pas de contrainte en religion dans l'islam. Pour M. Abkrim, le Conseil s'est probablement appuyé sur un hadith rapporté uniquement dans le recueil Sahih Muslim (ndlr : l'un des six plus grands recueils de hadith de l'islam sunnite) autorisant l'exécution de l'apostat de l'Islam. Ce hadith ne figure pas dans Sahih al-Bukhari (ndlr : grand recueil de hadiths). Il explique que les ouléma spécialistes (pas ceux membres de ce conseil), après avoir examiné ce hadith, se sont aperçus qu'il a été rapporté par un homme de la branche des Kharidjite et, par conséquent, ne l'ont pas pris en considération comme source de droit islamique. Il a rappelé qu'en de telles circonstances, c'est le texte du Coran qui est la référence, et ce dernier ne mentionne pas l'exécution de l'apostat. Les revirements du PJD La position du Parti de la Justice et du Développement (PJD) sur le sujet n'est pas constante et semble évoluer en fonction de la conjoncture politique. Alors que ses documents officiels indiquaient clairement son adhésion au principe de liberté de conscience avant le début du processus de réforme constitutionnelle, le PJD a subitement changé de position pour s'y opposer durant les consultations sur la rédaction de la nouvelle Constitution. Et puis revirement lors de son dernier Congrès tenu en juillet 2012. Dans le chapitre VIII de son manifeste doctrinal consacré au projet de société, il est écrit que : «Fidèle à ses documents de référence, notre parti confirme que sa compréhension de l'islam s'appuie sur la même vision ouverte et qui a constitué un point fort dans l'expérience historique et civilisationnelle de la Nation. Cette vision consacre la diversité, le pluralisme, la coexistence entre les religions et la liberté de croyance et considère la base de la citoyenneté comme fondement de la construction de l'Etat et de la Société».