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Chadli et Fizazi, les idéologues
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 07 - 2003

Si la pensée de certains théoriciens orientaux tels Abou Mohamed Al Maqdissi, Abdelkader Ben Abdelaziz ou Abou Qatada constitue le référentiel de base du salafisme jihadiste marocain, certains penseurs marocains alimentent également ce courant. Mais, il faut distinguer entre deux générations de théoriciens qui véhiculent cette idéologie localement.
La première génération est représentée par Mohamed Fizazi ( né en 1948), Abdelkrim Chadli ( né en 1960) et Omar Haddouchi ( né en 1961). Ceux là ont des liens avec le salafisme antérieur aux événements du 11 septembre 2001.
Or, Haddouchi qui était le disciple de Fizazi, a rompu tout lien avec son maître.
La deuxième génération est représentée par Hassan Kettani ( né en 1972) et Mohamed Rafiki, alias Abou Hafs ( né en 1974). Ces derniers ne se sont révélés qu'après les événements du 11 septembre.
La présente étude focalise principalement sur les représentants de la première génération.
Abdelkrim Chadli : la définition de l'hérésie
La problématique de la définition de l'apostasie occupe une place centrale dans la pensée d'Abdelkrim Chadli. Depuis le départ, Chadli définit son référentiel notamment en se situant parmi Attaïfa Al Mansourah (le groupe victorieux) qui se caractérise par la justesse de sa position tant au niveau de la pensée que de l'action. Ce groupe ne peut donc atteindre son objectif que s'il se singularise dans la dévotion et que s'il rejette l'apostasie. Pour lui, la foi en Dieu induit au rejet de l'apostasie qui est de deux sortes: la conviction hérétique et l'hérésie du pouvoir.
L'hérésie de la dévotion
La problématique de la définition de la l'hérésie de la dévotion se situe à deux niveaux: l'excommunication et la définition du champ de l'impiété.
‡ l'excommunication : parmi les accusations adressées à Attaïfa Al Mansourah qui est synonyme de Salafiya Jihadiya, il y a la tendance d'excommunier les gens. Mais les symboles de ce courant tentent de se défendre en insistant sur le fait que le jugement rendu sur l'impiété proclamée par Dieu ou sur celui qui s'est déclaré infidèle est un jugement légal vis-à-vis de la Chariaâ. Par conséquent, celui qui consacre l'impiété selon les consignes divines ne peut être taxé d'excommunicateur. Pour eux, l'excommunicateur est celui qui proclame impie une action ou une personne qui n'a pas contredit les consignes divines. A partir de cette définition, les leaders de ce courant tentent de se distinguer du mouvement Attakfir Wal Hijra (Excommunication et exil) qui rejette toute la société et le pouvoir de manière absolue.
‡ Le champ de l'impiété: la Salafiya jihadiya tient à se distinguer des autres courants sur ce volet. Pour elle, Attakfir Wal Hijra excommunie tous les Musulmans sans distinction. Mais pour la Salafiya jihadiya, il existe trois catégories de péchés religieux comme définis dans le Coran: il y a ceux liés à l'impiété (al koufr), ceux liés à la débauche ( al foussouq) et enfin ceux liés à la désobéissance ( Al ïsyane). D'un autre côté, la Salafiya jihadiya tient à prendre ses distances vis-à-vis de la Salafiya traditionnelle ou la pseudo-salafiya qui ne prononce pas l'impiété de l'action et se contente de l'impiété au niveau de la conviction. A ce propos, la salafiya traditionnelle ne distingue pas entre les pêchés conduisant à l'ex-communication et les pêchés "normaux", dans ce sens que le Musulman ne peut être excommunié que s'il commet un péché de conviction. La Salafiya traditionnelle estime que le péché de conviction s'appuie sur deux principes: Al Istihlal ( légalisation de l'interdit) et Al Jouhoud ( récusation et rejet) tels que développés par l'Imam Attahawi qui a dit: "nous n'excommunions aucun Musulman à cause d'un pêché que s'il ne l'a pas légalisé". Il a également dit : "personne ne se soustrait à la foi que s'il la rejette". Or, la Salafiya Jihadiya rejette cette vision des choses et estime que la foi est "parole et action" et par conséquent, elle tient à faire la distinction entre les péchés excommunicateurs et les autres. Pour elle, le Musulmam qui légalise un péché ou interdit une action légale et même s'il ne commet pas de péché, il est considéré comme impie. Tout Musulman qui a commis un acte excommunicateur et qui ne l'a pas légalisé est considéré comme impie.
A ce propos, Abdelkrim Chadli dit: "le rite d'Ahl Assunna précise que quiconque a prononcé une parole excommunicatrice et commis un acte excommunicateur est excommunié de par cette parole ou acte dans un sens que cette impiété est consacrée tant dans le fond que la forme. Car, ceci prouve légalement cette impiété et la preuve est inspirée des préceptes de Dieu qui signifient qu'il n' y a pas de différence entre le fond et la forme et ne peut être dissociée de la vérité de l'unité du comportement et de la conviction. Ahl Assunna conditionnent le jugement d'excommunication par des motifs formels se rapportant aux paroles et actes excommunicateurs sans pour autant se pencher sur les motifs de convictions qui ne peuvent être décelés. Ainsi, le jugement excommunicateur du point de vue forme et contenu prouve qu'il est évident que la personne ait commis son acte par conviction selon qu'il soit par ignorance, par imitation, par mensonge, doute, mépris ou arrogance".
L'hérésie du pouvoir
Pour Chadli, la définition du champ d'excommunication détermine aussi l'hérésie de la conviction: "la foi en Dieu et le rejet de l'apostasie constituent l'unicité à laquelle ont appelé les religions monothéistes". A ce propos, Ibn Katir interprète le verset coranique "toute personne rejetant l'apostasie et adoptant la foi en Dieu aura été attachée à Al öurwa Al Woutqa ( Lien de fidélité à Dieu), par le fait que toute personne ayant rejeté l'animisme, les actes sataniques consistant à adorer autre que Dieu et qui reconnaît l'unicité de Dieu et proclame qu'il n'y a qu'un seul Dieu aura démontré qu'elle est sur la juste voie (Assirat Al Moustaqim).
Abdelkrim Chadli dit : "chaque Musulman doit savoir que la question de la Hakimiya ( seul pouvoir de Dieu) et de la législation ne concerne pas les jugements subsidiaires, mais bien l'origine de la foi et de l'unicité". Par conséquent, l'unicité n'est pas liée à la seule adoration de Dieu, mais également à l'acceptation de son jugement et à son application. Tous ceux qui gouvernent en dehors de la législation divine sont des apostats". Pour lui, la personne ne peut être considérée comme unificatrice que si elle rejette toute apostasie ancienne ou récente, puisque chaque étape a ses propres fausses divinités. Mais les pires sont les gouvernants actuels qui gouvernent par des "lois positives dans plusieurs domaines et qui constituent la base de la législation". Il donne une idée plus claire de ces devins qui "ne se réfèrent pas aux lois divines; n'ont-ils pas légalisé les interdits comme l'adultère, les intérêts bancaires, l'alcool, la prostitution et la mixité? N'ont-ils pas transgressé les champs divins? N'ont-ils pas combattu et assassiné les unificateurs en les soumettant à la torture et à la vindicte des espions? N'ont-ils pas rejeté le Jihad au nom de Dieu? N'ont-ils pas imposé aux Musulmans les lois des mécréants? N'ont-ils pas fait alliance avec les Juifs et les Chrétiens? N'ont-ils pas accordé l'asile aux Juifs et aux Chrétiens dans le pays de l'Islam sous couvert de la liberté de culte? N'ont-ils pas autorisé les partis laïcs comme les socialistes et les communistes? N'ont-ils pas exploité les richesses des Musulmans et les ont mis au service des banques des mécréants? N'ont-ils pas favorisé les mécréants et les ont consultés au détriment des fidèles? N'ont-ils pas adhéré à leurs organisations et alliances? N'ont-ils pas divulgué les secrets de la Oumma aux mécréants? Ne les ont-ils pas soutenus dans leurs guerres? Ne les ont-ils pas placés dans de hautes fonctions? Dieu n'a-t-il pas dit que "ceux qui les adoptent ( infidèles) deviennent des leurs"?
En considérant qu'il ne faut pas se soumettre aux gouvernants qui n'appliquent pas les lois divines, Chadli n'invente rien en fait. Il ne fait que répéter les postulats des théoriciens de la Salafiya Jihadiya tels Abou Qatada qui rejette toute idée de réconciliation avec ces gouvernants et avance l'option irréversible du Jihad ( la guerre sainte). Dans ce cadre, il critique ouvertement Cheikh Albany qui n'autorise pas l'insoumission aux gouvernants qui n'appliquent pas les lois divines et reproche à d'autres l'adoption du choix de l'éducation spirituelle pour ressusciter le pouvoir islamique. Chadli critique sévèrement ceux qui estiment que l'éducation et la connaissance de la Chariaâ sont une forme de Jihad qui ne peut être proclamé qu'avec l'avènement du gouvernement islamique. Pour lui, la seule voie possible est de déclarer sans plus attendre la guerre aux renégats. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que Chadli rejette la distinction faite par Cheikh Albany à propos des infidèles originaux et des infidèles locaux ( les gouvernants) et qui considère que le Jihad est une obligation nécessaire contre les infidèles originaux surtout s'ils occupent une terre musulmane tels les Juifs en Palestine et décrète l'amnistie aux renégats locaux. En effet, Chadli rejette cette théorie pour deux raisons. Primo, il estime qu'il n' y a pas lieu de faire de distinction entre les infidèles originaux et les renégats locaux puisque le motif qui impose le jihad contre eux est le même, c'est leur infidélité. De même que le renégat local devient étranger aux Musulmans, puisqu'ils sont des ennemis qui veulent imposer leur despotisme aux Musulmans. Secundo, Chadli estime que le Jihad contre les renégats locaux est une obligation et est considéré comme une priorité par rapport au Jihad contre les Juifs.
Mohamed Fizazi: l'expression du Taghout (fausse divinité)
Si Abdelkrim Chadli avait essayé de définir le champ du Taghout en tant que problématique centrale de sa pensée, pour sa part, Mohamed Fizazi, même s'il ne l'a pas totalement ignorée, s'est penché, cependant, sur ses différentes expressions que ce soit au niveau de la religion ou au niveau du pouvoir. Ainsi, il présente deux modèles d'expression du Taghout.
L'hérésie de la dévotion exprimée par le soufisme
Mohamed Fizazi a publié un ouvrage intitulé "Message de l'Islam au guide de Jamaâ Al Adl Wal Ihsane". Cet ouvrage se veut un dialogue ouvert et une contribution au débat scientifique serein qu'a suscité l'ouvrage d'Abdeslam Yassine "Arrijal" ( les hommes).
De prime abord, Mohamed Fizazi définit son positionnement salafiste en s'interrogeant: qui sont les Salafistes parmi Ahl Al Hadith? ( lire les Musulmans). Sont-ils ceux qui oscillent dans le giron de l'Arabie saoudite et qui bénéficient de son soutien? Ils n'hésitent pas à visiter ce pays une ou deux fois par an pour s'y ressourcer. Ceux là ne sont pas des salafistes appartenant à Ahl al Hadith. Ce ne sont que des Saoudiens, hommes d'affaires et de finances adorant le dirham et le Ryal. Les vrais salafistes sont ceux qui "s'activent au nom du Coran et du Hadith suivant les traditions du bon Salaf ( anciennes générations) qui hissent haut l'étentard de l'Islam, renouvelant l'appel à l'unicité et à l'application de la religion dans toute sa plénitude et non pas se contentant de parcelliser le Coran. Ceux là méritent amplement l'appellation de Attaïfa Annajia (groupe sauvé), Al Mansourah (victorieux) et Addhahira (l'omniprésent)". Ainsi Mohamed Fizazi se situe au sein de cette Taïfa ( groupe) composé d'Ahl Al Hadith salafistes que celui qui les renie, renie en fait la foi et la bénédiction de Dieu. Toutefois, Fizazi récuse le terme Salafiste et du coup ce qu'il considérait comme débat serein devait se transformer en confrontation voire à une poursuite et résistance.
A ce propos, Mohamed Fizazi dit: "l'adversaire que nous nous faisons honneur de combattre et de poursuivre n'est pas la personne d'Abdeslam Yassine et ne sont pas les membres de sa jamaâ, mais c'est le faux qui dénature l'action islamiste…le faux qui se pare de l'Islam et se travestit en Ihsane ( bienfaisance). Il agit ainsi dans le sens de l'exacerbation des conflits ( La fitna). Ce faux qui contribue à détruire les valeurs de la Oumma islamique en s'appuyant tantôt sur le nationalisme, tantôt sur les tendances ethniques voire sectaires ou même laïques mêlées à la théologie…".
Pour comprendre pourquoi Fizazi a choisi l'ouvrage "Arrijal" pour débattre, il faut mentionner cinq éléments. En effet, pour lui:
‡ Le dénominateur commun des ouvrages d'Abdeslam Yassine est tout ce qui est élucubrations soufies et divagations à propos de la Wilaya Tourouqiya (pouvoir sectaire) et les délits du Dhikr et du Wird (imploration de Dieu).
‡ Répondre à l'ouvrage "Arrijal" intervient puisque c'est le dernier ouvrage de l'auteur où il ne fait que répéter les thèses développées dans "L'Islam demain", "l'Islam entre la prédication et l'Etat" ou encore "l'Islam ou le déluge".
‡ Tout lecteur ne possédant qu'un brin de connaissance en Islam ne tardera pas à comprendre que la pensée d'Abdeslam Yassine contredit complètement les dispositions de la religion musulmane.
- En répondant à l'ouvrage "Arrijal", nous aurions contribué à combattre la pensée soufie qui est contraire aux préceptes divins et aux traditions du prophète, de ses compagnons et ses apôtres.
‡ Je souhaite que les membres d'Al Adl Wal Ihsane ne soient pas envahis par l'excès de fierté en interprétant mal les dispositions de la Chariâa et en s'éloignant de la vertu du conseil.
Donc, pour les salafistes, le soufisme est un faux et toute la pensée d'Abdeslam Yassine s'inscrit dans le faux. C'est pour cela que Mohamed Fizazi implore Dieu que son ouvrage soit "une délivrance pour les adeptes du soufisme pour qu'ils se réveillent de leur somnolence et pour que les compagnons d'Abdeslam Yassine puissent sauver leur âme et s'éloigner de la mauvaise voie qui leur paraît paradoxalement Adl Wa Ihsane (Justice et bienfaisance)".
Fizazi revient sur les raisons qui l'ont poussé à publier son ouvrage. Il se dit notamment:
‡ Vouloir apporter ses conseils aux Musulmans.
‡ Etre convaincu que bon nombre d'adeptes du Cheikh Abdeslam Yassine ne partagent pas la vision de leur guide et n'adhèrent pas à ses positions par rapport aux nombreux cheikhs qui se sont éloignés de l'Islam et ont renié ses préceptes. Mais, je compatis avec ces messieurs car ils croulent sous le fardeau des suspicions.
‡ Etre convaincu que les compagnons du cheikh ne savent pas à quel point les soufis tant vantés par Abdeslam Yassine dans ses ouvrages ont porté atteinte à la foi. C'est pour eux que j'ai écrit, parce qu'ils ont été introduits au soufisme et mis sous tutelle des soufis inconsciemment mus uniquement par le désir d'appartenir à une organisation (islamiste) qui a brandi le slogan de la lutte contre
la laïcité et contre la politique d'occidentalisation appliquée sur la terre de l'Islam.
Cependant Fizazi voulait atteindre deux objectifs majeurs: combattre le soufisme et contrecarrer les organisations islamistes. Pour lui, les deux tendances ont des liens en commun. En effet, il estime que:
- Les organisations islamistes ne sont que des sectes contemporaines qui ne se distinguent en rien des vieilles sectes. Ce sont des partis et des groupuscules qui se cachent derrière de belles appellations telles "associations islamistes" qui tantôt se veulent libératrices, tantôt réformatrices et la liste est longue.
‡ L'action des Tariqas telles que la Derkaouiya, Tijaniya ou Boutchichiya est obsolète et l'action des organisations islamistes tend à "diviser les Musulmans, à diviser leur foi et les transformer en sectes".
Ainsi donc, Fizazi passe de la dénonciation du soufisme à la dénonciation des organisations islamistes. A ce propos il dit: "ces organisations commencent à s'insulter mutuellement , à s'excommunier et à propager la débauche, que Dieu nous en garde. Après tout cela, elles osent encore parler de renaissance islamique. De quelle renaissance parlent-elles, alors qu'elles s'entretuent et certaines dénigrent les autres bassement dans le seul souci de défendre leur petite échoppe au lieu de la religion, de défendre sinon d'aduler le chef et de le sacraliser".
Pour lui, les organisations islamistes sont responsables de la division de la Oumma et de la religion: "ce sont des organisations qui nous ont imposé des visions et des objectifs au nom desquels beaucoup d'efforts et de priorités sont gaspillés et nous commençons à entendre que" nous sommes un groupe de Musulmans au lieu d'un groupe musulman"dans le meilleur des cas. D'autres disent que "nous sommes un groupe musulman" et que ceux qui ne nous rejoignent pas sont des infidèles et que ceux qui nous quittent sont des renégats qu'il faut tuer. La
règle est que nous devions être un groupe musulman et non pas un groupe ou des groupes de Musulmans". Aussi, Fizazi adresse-t-il une question aux organisations islamistes suivant la parole divine "Coopérez pour le bien et pour la foi". Il s'interroge donc, qui est donc la cible de cette interpellation divine: le groupe musulman ou le groupe de Musulmans? L'application de la directive divine doit-elle se faire à l'intérieur de l'organisation ou bien au niveau de toute la Oumma d'Islam dirigée par les érudits? "Si la réponse indique que la cible est le groupe musulman, ce qui est vrai d'ailleurs, nous disons que c'est à cela que nous appelons et c'est dans ce domaine que nous devons coopérer. Mais, s'il s'agit de chaque groupe à part, nous disons que c'est un précédent dangereux, puisque l'ordre serait adressé à plusieurs groupes de Musulmans constituant, en fin de compte, le groupe musulman". A partir de là, je dis: les trois siècles bénis par le prophète quand il a dit: "le meilleur des gens sont ceux qui ont vécu pendant ce siècle et viennent ensuite les autres et les autres". C'est à dire que ces gens n'étaient pas à l'image des groupes dispersés. Dans le meilleur des cas, vous pouvez dire que dans le temps, il y avait la Khilafa islamique qui était la protectrice de tous les Musulmans. Par conséquent, ils n'avaient pas besoin d'alliances ni de partis qui périssent une fois l'objectif atteint, c'est à dire la restauration de la Khilafa islamique. Donc, il faut s'interroger sur la valeur de l'outil qui disparaît une fois l'objectif atteint. L'amère réalité est que l'outil n'a d'autre légitimité que la légitimité divine. Quel serait le jugement de Dieu à propos d'un outil qui véhicule les péchés?
Fizazi ne se contente pas d'ôter toute légitimité aux organisations islamistes, mais il propose des solutions pour une action islamique conséquente. A ce propos il suggère:
‡ L'approfondissement de la connaissance théologique tout en faisant l'apprentissage de la différence inhérente aux personnes.
‡ Limiter les différences au niveau de l'Ijtihad ( interprétation des textes) et ne pas les étendre au niveau des textes et de leurs significations, car ce domaine est réservé aux érudits.
‡ Agir dans le sens d'unifier les visions notamment en unifiant les sources de connaissance qui doivent s'appuyer impérativement sur les ouvrages islamiques de référence.
‡ Coopérer avec tout Musulman dans le cadre de la législation authentique
(Chariâa) nonobstant l'appartenance organisationnelle ou partisane.
‡ Appeler à des solutions dans le cadre de l'Islam en respectant les règles de base.
‡ Faire montre de clairvoyance selon la nature de l'étape et de la voie choisie.
Ainsi, pour lui, toute action qui n'est pas homologuée par les érudits est vouée à l'échec. Mais les vrais érudits ne peuvent être que ceux qui sont issus du Salafisme et par conséquent, Fizazi rejette le terme "Islamisme" dont les adeptes ne sont pas habilités, selon lui, à conduire une action positive.
L'expression de l'hérésie du pouvoir
Mohamed Fizazi a accordé un grand intérêt à la question de la démocratie. D'ailleurs, il la considère comme une hérésie tant dans son ouvrage "La choura trahie et la démocratie : Regards sur la politique religieuse". Son dernier ouvrage en date est paru après les élections du 27 septembre 2002 et est intitulé "Pourquoi nous ne participons pas aux élections". La lecture de cet ouvrage inspire que Fizazi traite de la question de la démocratie sous deux angles: les formes démocratiques et le contenu de la démocratie.
Pour le premier angle, il cite trois formes: les partis politiques, les élections et le parlement.
En ce qui concerne les partis politiques, Fizazi estime que ceux-ci ne peuvent être que laïcs, puisque les partis islamistes ne sont pas autorisés et que seuls sont légalisés les partis de gauche ou de droite qui véhiculent des idéologies contraires à l'Islam. A ce niveau, pour lui, il n' y a aucune différence entre les partis tellement ils s'éloignent des préceptes du Coran et de la Sunna et ne reconnaissent pas le seul jugement de Dieu. Ainsi, les partis de gauche, qu'ils soient communistes ou socialistes sont des vecteurs de l'athéisme. De leur côté, les partis de droite ne sont différents les uns des autres et leurs leaders renient la législation divine, se soumettent aux législations internationales et acceptent les jugements rendus par les juridictions de Juifs et de Chrétiens de La haye, alors qu'ils savent très bien que ces juridictions n'appliquent aucun précepte musulman et parmi leurs membres il n'y a aucun Musulman et même s'il s'en trouve, il ne peut être considéré en tant que tel.
En ce qui concerne les élections, il estime que les élections sont comme un témoignage. Or, en démocratie ce témoignage est accepté de la part de tout citoyen ayant atteint l'âge légal et non pas l'âge de la Chariaâ, même s'il est Juif, Chrétien, Musulman non pratiquant, athée notoire ou tout autre débauché qui s'adonne à la consommation de l'alcool, à la prostitution ou autre. Les témoignages de tous ceux-là sont acceptés dans la "religion démocratique" ce qui est contraire à l'esprit de l'Islam et à ses lois. Notre religion n'accepte pas de témoignage de la part des débauchés, comment donc l'accepter de la part d'un athée ou d'un infidèle? "Pour Fizazi le constat est sans équivoque: "quelle valeur doit-on accorder à des élections ayant vu la participation de ces gens là? Ce sont des témoignages nuls et non avenus et tout ce qui est bâti sur l'illégalité est illégal".
En ce qui concerne le parlement, Fizazi estime que "c'est le lieu où s'exerce la légalisation et l'interdiction. Où est donc le jugement de Dieu dans tout cela? Et où en sont tous ces gens par rapport aux lois divines? Par conséquent, Fizazi s'interroge sur la légitimité du parlement sachant dit-il que" 61, 4% des votants ont un niveau d'instruction primaire et secondaire. Pire, le nombre des analphabètes inscrits officiellement sur les listes électorales est de 8.910.672 personnes. Ceci est catastrophique. A ajouter que le taux des chômeurs a atteint 43%. Ceci est honteux. A partir de là, nous considérons que ce qui a été bâti par les analphabètes est nul et non avenu, car l'élément de la connaissance, de la sagesse et de la clairvoyance est absent".
Mohamed Fizazi traite par ailleurs le contenu de la démocratie sous deux autres angles. Le premier a trait au rapport de la démocratie avec le régime politique, lequel rapport est basé sur la séparation des trois pouvoirs: exécutif, législatif et judiciaire. Il conclut donc que ce principe n'est pas respecté. Mais pour le rapport de la démocratie avec la société, il estime que celle-ci accorde quatre libertés: la liberté du culte, la liberté politique, la liberté de propriété et la liberté personnelle. Il conclut donc que ces libertés induisent le rejet des lois divines.
Pour lui, la démocratie dans ses formes et son contenu est une hérésie. Mais, il faut distinguer entre l'excommunication de l'action et de l'auteur de l'action. Si la démocratie est une hérésie, le Musulman qui adopte la démocratie n'est pas nécessairement hérétique s'il l'a adoptée par ignorance ou par sous-estimation. Mais, s'il l'a fait en connaissance de cause, il est considéré comme mécréant.


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