L'adhésion du Royaume-Uni au plan marocain d'autonomie pour le Sahara a porté un coup supplémentaire à la diplomatie algérienne, déjà éprouvée par l'évolution des rapports de force régionaux et par la rupture progressive de ses alliances historiques, a souligné le Financial Times dans un récent rapport. La position de Londres conforte celle de Rabat, désormais soutenu par trois membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies — les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni —, tandis qu'Alger, principal soutien du Front Polisario, se trouve de plus en plus relégué à la marge. «C'est un signal extrêmement clair : presque toutes les grandes puissances occidentales soutiennent désormais le Maroc», a déclaré Riccardo Fabiani, directeur Afrique du Nord à l'International Crisis Group, cité par le quotidien britannique. «C'est la démonstration qu'[Alger] est isolée.» Une politique étrangère rigide confrontée à un environnement mouvant L'Algérie, dont le régime repose sur une alliance entre les forces armées et l'appareil exécutif, est devenu obsédé par le dossier sahraoui, érigé en pierre angulaire de sa politique extérieure depuis les années 1970. Pour Isabelle Werenfels, spécialiste du Maghreb au sein de l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité, «tout l'environnement d'Alger est devenu profondément pragmatique alors que [le régime] tente encore de maintenir une ligne étrangère fondée sur des principes. Cela peut paraître anachronique, voire rigide, mais c'est aussi une source de légitimation pour le régime.» Tensions régionales, désillusions diplomatiques Le rapprochement stratégique entre le Maroc, les Emirats arabes unis (EAU) et Israël exacerbe les craintes d'Alger. La reprise des relations entre Rabat et Tel-Aviv en 2020 en marge de la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara a été durement ressenti par l'Algérie. Les inquiétudes se sont accentuées avec la coopération militaire israélo-marocaine, illustrée notamment par des manœuvres conjointes et la construction annoncée d'une usine de drones sur le sol marocain par un groupe israélien. «L'Algérie est particulièrement irritée par cette alliance, qu'elle considère comme une menace directe à sa sécurité régionale», note le Financial Times. La présence accrue des Emirats dans les dossiers africains, notamment à travers leur soutien au projet de gazoduc nigérian à destination de l'Europe via le Maroc, accentue la rivalité. Alger y voit une tentative de contrecarrer son rôle traditionnel de fournisseur énergétique du continent européen. Crise ouverte avec la France Les relations entre Alger et Paris, ancienne puissance coloniale, se sont fortement dégradées depuis que le président Emmanuel Macron a publiquement soutenu le plan marocain, après plusieurs années d'efforts vains de rapprochement avec Alger. Ce revirement a conduit au rappel de l'ambassadeur d'Algérie en France, à l'annulation d'une visite présidentielle et à la suspension de la coopération sécuritaire et migratoire entre les deux pays. Les tensions ont été exacerbées par le refus d'Alger de reprendre certains de ses ressortissants frappés d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que par la condamnation à cinq ans de prison de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, dont la libération a été plaidée sans succès par M. Macron. Accusations et invectives En mai, la colère algérienne contre les Emirats, raconte toujours la même source, s'est traduite par une charge virulente à la télévision publique, qualifiant l'Etat du Golfe de «micro-Etat artificiel», «fabrique du mal et de la division», qui aurait «vendu son honneur aux tueurs d'enfants» — allusion transparente à la guerre menée par Israël à Gaza. L'année précédente, le président Abdelmadjid Tebboune avait dénoncé «l'usage destructeur de la richesse» par un Etat non nommé — manifestement les Emirats —, pointant sa présence dans «tous les foyers de conflit : au Mali, en Libye, au Soudan.» Une voie diplomatique incertaine Face à l'érosion de ses alliances et à l'influence déclinante dans le Sahel où l'arrivée de mercenaires russes (anciens membres du groupe Wagner) modifie les équilibres, Alger est confrontée à un dilemme : s'ouvrir à des compromis avec les puissances occidentales ou maintenir sa posture intransigeante. «Un rapprochement avec les Etats-Unis ou la France reste envisageable», estime Riccardo Fabiani. «Mais il est exclu avec le Maroc ou les Emirats, en raison (croit-il savoir) de leur rapprochement avec Israël. Ce serait incompatible avec la rhétorique nationaliste du régime.»