Depuis 2021, l'Algérie s'est retrouvée au cœur de plusieurs crises diplomatiques avec son voisinage direct ainsi qu'avec plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, dont le Mali, le Niger et la Libye. Ces tensions accentuent l'isolement grandissant du régime qui se radicalise, dans une région marquée par des bouleversements politiques et des rivalités géopolitiques croissantes. Le dernier volet de l'impasse entre le Maroc et l'Algérie concerne la décision d'Alger de rétablir un régime de visas pour les citoyens marocains, citant des accusations fantaisistes de «déploiement d'agents de renseignements sionistes» sur son territoire. Selon le ministère algérien des affaires étrangères, Rabat profiterait de l'exemption de visas pour permettre à des agents israéliens d'accéder au territoire algérien. Cette annonce intervient après que le parquet de Tlemcen a révélé, début septembre, l'arrestation de plusieurs personnes, dont quatre Marocains, accusées d'appartenir à un réseau d'espionnage visant à porter atteinte aux institutions sécuritaires et administratives algériennes, une machination des renseignements. L'Algérie prône – et c'est le cœur du problème – une position anti-israélienne à consonnance antisémite et un soutien aux mouvements séparatistes et armés comme le Polisario. Algérie-France : Une relation tumultueuse aux accents mémoriels Les relations entre Alger et Paris, déjà fragilisées par des contentieux historiques et mémoriels, ont connu un nouveau rebondissement en 2024, lorsque le gouvernement algérien a rappelé son ambassadeur en France, en juillet, à la suite de la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara. À cela s'est ajoutée la question migratoire, avec un record de visas refusés aux citoyens algériens, lié à des questions de coopération dans le domaine de la réadmission des migrants en situation irrégulière. Cette mesure a été perçue comme un affront par Alger, aggravant une situation déjà tendue par les récentes critiques sur la gestion des droits humains et de la liberté de la presse en Algérie. Espagne : Le spectre du gaz et la question saharienne Les relations avec Madrid ont également été marquées par des tensions croissantes en 2024, principalement liées à des divergence sur la question du Sahara. En 2022, l'Espagne avait soutenu la position marocaine. Depuis lors, les relations avec l'Algérie se sont détériorées, aboutissant à la suspension, en 2022, du traité d'amitié entre les deux pays. En 2024, cette rupture diplomatique s'est traduite par une baisse significative des livraisons de gaz à l'Espagne, que l'Algérie a diversifié vers d'autres marchés européens. Alger a également reproché à Madrid sa collaboration militaire croissante avec Rabat, perçue, pour le régime des militaires algériens, comme une menace directe pour la sécurité régionale. Crises au Sahel : l'Algérie nourrit l'instabilité en Libye, au Mali et au Niger Au sud, l'Algérie fait face à une zone sahélienne de plus en plus instable. L'année 2024 a été marquée par une série de rebondissements politiques et sécuritaires au Mali, au Niger et en Libye. Les autorités maliennes, en rupture avec la France, ont renforcé leurs liens avec la Russie, suscitant des inquiétudes à Alger. En janvier 2024, l'Algérie, en exprimant son désaccord avec les solutions militaires prônées par Bamako, a précipité la fin de l'accord d'Alger de 2015. L'implication croissante de la Russie en Libye, soutenue par les autorités de l'est du pays, a également mis à mal les tentatives algériennes de circonscrire le conflit. En avril 2024, Alger a dénoncé ce qu'elle a qualifié de «militarisation croissante de la crise libyenne» et a réaffirmé son soutien au processus de paix sous l'égide des Nations Unies, sans pour autant pouvoir influer de manière décisive sur le cours des événements, exacerbé par des frictions frontalières avec les troupes du général Haftar. La situation au Niger, où un coup d'Etat militaire a renversé le gouvernement élu en juillet 2024, a exacerbé les tensions régionales. L'Algérie, qui prône la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, a refusé de soutenir les appels à une intervention militaire pour rétablir le président déchu Mohamed Bazoum, préférant encourager des solutions diplomatiques. Néanmoins, l'instabilité au Niger fait craindre une propagation de l'insécurité aux portes méridionales de l'Algérie. Emirats et Algérie ne s'entendent plus En 2024, l'Algérie a également connu une série de dissensions diplomatiques avec les Emirats arabes unis (EAU), ajoutant ainsi un nouvel élément à la liste des tensions internationales qui minent le pays. Historiquement, les relations entre Alger et Abu Dhabi ont été marquées par des divergences de vues sur plusieurs dossiers régionaux, notamment en ce qui concerne la Libye et le soutien aux différents acteurs politiques au sein de ce pays en proie à la guerre civile. Cette année, ces tensions se sont amplifiées et ont pris une dimension plus ouverte et directe. Le principal point de discorde entre l'Algérie et les Emirats demeure la question libyenne. Les Emirats se sont positionnés en faveur d'une solution politique inclusive, sous l'égide de l'ONU tandis qu'Alger voit dans la montée en puissance des acteurs internationaux dans le conflit un péril majeur pour lui, notamment avec l'implication de Moscou. Un autre sujet de friction concerne la question palestinienne. L'Algérie a critiqué de manière virulente les accords d'Abraham signés entre les Emirats et Israël en 2020. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a exprimé publiquement, en janvier, son désaccord avec cette orientation émiratie, qualifiant la politique étrangère d'Abu Dhabi d'«opportuniste» et contraire aux intérêts du monde arabe. Les Emirats, désireux d'accroître leur présence en Afrique du Nord et au Sahel, se sont impliqués dans plusieurs projets de développement et de coopération sécuritaire dans la région, notamment au Niger, au Mali et en Mauritanie. Ces interventions «ont parfois été perçues par l'Algérie comme une tentative de réduire son rôle traditionnel de médiateur et de puissance régionale dans le Maghreb et le Sahel», selon les relais médiatiques du régime algérien. En mai 2024, Alger a exprimé ses préoccupations face à ce qu'elle considère comme une «ingérence émiratie» dans ses affaires de voisinage immédiat, notamment au Mali, où les Emirats ont accru leur coopération militaire avec les nouveaux maîtres de Bamako. Selon les sources de Barlamane.com, plusieurs contrats dans le domaine de l'énergie et des infrastructures signés entre des entreprises algériennes et émiraties ont été suspendus en juin, ce qui alimente les rumeurs de désaccords plus profonds sur la coopération économique. Des sources proches du dossier au sein des milieux diplomatiques ont confirmé que ces tensions économiques «résultaient directement des divergences politiques sur les dossiers régionaux.» Avec Bamako, une guerre de mots Lors de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations unies, le colonel Abdoulaye Maïga, Premier ministre intérimaire et porte-parole du gouvernement malien, a prononcé un discours qui a marqué un tournant dans les relations diplomatiques entre le Mali et l'Algérie. Ce discours est intervenu dans un contexte de tensions croissantes entre les deux pays, exacerbées par la situation sécuritaire dans le Sahel et la gestion des alliances militaires. Selon les cercles algériens, la relation entre Bamako et Alger s'est détériorée à la suite «du rapprochement stratégique du Mali avec la Russie, notamment par le biais de la présence des mercenaires du groupe Wagner. Depuis cette période, l'Algérie a vu son influence diminuer, tandis que Bamako se tournait vers d'autres partenaires superpuissants pour combattre les groupes terroristes.» L'Algérie est préoccupée par la montée de l'instabilité dans le nord du Mali, une région frontalière essentielle pour sa sécurité. Alger voit un sentiment d'exclusion dans les discussions stratégiques autour du Sahel augmenter. Dans son discours à l'ONU, le colonel Abdoulaye Maïga a abordé directement les critiques émanant de l'Algérie concernant la gestion sécuritaire du Mali et la présence de forces étrangères. Il a défendu le droit souverain du Mali à choisir ses partenaires, affirmant que le gouvernement malien était responsable de la sécurité de son territoire et qu'il prendrait les décisions nécessaires pour protéger son peuple et son intégrité territoriale. M. Maïga a réitéré l'importance des alliances militaires du Mali avec des puissances étrangères, sans mentionner directement la Russie, mais en soulignant que la coopération militaire avec des partenaires extérieurs était une nécessité face à l'insécurité croissante dans le Sahel. «Le Mali est un Etat souverain, libre de ses choix stratégiques, et nous n'avons de leçons à recevoir de personne», a-t-il déclaré. Il a également mis en avant les succès militaires obtenus par l'armée malienne et ses partenaires dans la lutte contre les groupes armés dans le nord. La crise diplomatique entre l'Algérie et le Mali met en lumière des divergences profondes sur la manière de gérer la situation au Sahel. Alors qu'Alger prône une assiette régionale sans ingérence extérieure, le Mali, sous la direction de ses autorités militaires, semble de plus en plus tourné vers des partenariats extra-africains, comme celui avec la Russie.