L'histoire complète de la banqueroute du CIH (Suite) L'affaire du CIH continue de défrayer la chronique tellement le scandale financier qui en a découlé a éclaboussé tout l'environnement économique, social et politique du pays. Vu la gravité de cette affaire et pour que l'opinion publique puisse être informée, LGM publie le rapport officiel établi par le juge d'instruction de la CSJ à l'issue des auditions des différents intervenants et des enquêtes les ayant accompagnées. L'imprimerie du CIH dépend, selon la hiérarchie de la direction générale, du département de la logistique. Ses fonctions consistent à répondre à la demande des différents départements de la banque en ce qui concerne la fourniture du papier et des imprimés. À partir de 1987, la direction générale de la banque a nommé Saïd Fatih pour gérer l'imprimerie. En 1995, celui-ci a été promu à la tête du département de la logistique et responsable du service imprimerie. Et lorsque l'inspection générale du CIH a audité les comptes de cette imprimerie le 30/6/1998, plusieurs anomalies ont été détectées. Il s'agit de : - la présentation de deux factures d'un montant de 54.927 Dhs au paiement deux fois durant une période de 3 mois. - la consommation de quantités très importantes de papier sans motif valable. - la réalisation de travaux pour le compte de sociétés autres que le CIH. - des dépenses injustifiées. L'affaire “Radid Al Faeida” En 1994, le cabinet d'audit KPMG a procédé à l'audit des comptes pour le compte de Radid El Faeida au profit des clients du CIH. Les conclusions du cabinet d'audit ont révélé une différence de 35.352.278 Dhs non justifiée par des documents. La responsable du service de gestion de Radid Al Faeida, Amina Oulmati, a justifié cette différence par un dysfonctionnement informatique. Les dépenses courantes - Les indemnisations des femmes de ménage: le rapport établi par l'inspection générale du CIH en date du 23 juillet 1998 démontre que certains cadres profitaient de leur statut au sein de la banque pour toucher les indemnisations de leurs femmes de ménage. Pire encore, certains hauts responsables ( comme Abdelhak Benkirane, Rkia Jaïdi, El Alaoui Moulay Arafa et Abdellatif Seddik ) se faisaient payer doublement pour toucher les indemnisations de leurs femmes de ménage. - Les factures de la Royal Air Maroc :en date du 1/7/1998, l'inspection générale de la banque a envoyé une circulaire, à titre d'information, au département de la logistique l'incitant à ne pas régler certaines factures de RAM qui profitaient à la famille et aux proches du président-directeur général Moulay Zine Zahidi. - Les frais de réceptions : l'audit a révélé que les cadres de la banque, dans le cadre des relations commerciales qu'ils entretenaient pour drainer la clientèle, dépensaient l'argent de la banque plutôt pour régler leurs propres besoins et pour des réceptions qu'ils organisaient pour leurs propres intérêts (entre autres le PDG Moulay Zine Zahidi) - Les bons d'essence : l'inspection générale de la banque a établi un rapport sur l'utilisation des bons d'essence selon lequel il a été révélé que certains hauts cadres (comme Kamal Agueznai, Kacem Aourag, Mohammed Akdaf et Abderrazak Ouali Allah) se sont appropriés, illégalement, des quantités considérables de ces bons d'essence. - la non-récupération des outils informatiques : le PDG du CIH, Othmane Slimani, avait décidé en 1993 d'octroyer des ordinateurs portables, pour le besoin du travail, à un certain nombre de cadres (Abdelhak Benkirane, Rkia Jaïdi, Kamal Agueznai, Zakaria Machich et Aïcha Bennani), qui ne les ont pas restitués même après avoir quitté la banque. La participation du CIH dans les sociétés Le CIH a participé à la constitution de plusieurs sociétés ( telles que Sicobar, Krifoka,Belambay,Sidet,Data Univers, Promo konsilite, Sotermi, Mamounia… ). Cependant, l'ensemble de ces participations de la banque ne reposent pas sur des études fondées et aucune stratégie n'a été établie. Ce qui a causé d'énormes préjudices à la trésorerie de la banque, par manque de suivi et de rigueur, surtout que le CIH a accordé d'importantes avances non encore recouvrées. La Cour spéciale de justice a auditionné, dans ce sens et pour les besoins de l'instruction, les différents organes de l'inspection de la banque, les différents responsables qui se sont succédé à la tête de la banque, les auditeurs internes, le représentant du ministère des Finances… Les dossiers des crédits La deuxième partie de l'enquête préliminaire a été axée autour des crédits hôteliers ou immobiliers qui ont été entachés de plusieurs irrégularités mettant la banque en difficulté financière accrue. Parmi les irrégularités et les anomalies relevées : transgression des lois bancaires en vigueur, falsification des documents et des rapports transmis à la commission des prêts, non-suivi des étapes de gestion des montants des crédits, non-respect des réserves, des conditions et des cautions exigées par la commission d'octroi de crédits, financement de projets non autorisés par la banque, octroi de crédits supérieurs au chiffre d'affaires des sociétés bénéficiaires, octroi de plusieurs crédits à un seul client pour de multiples projets, octroi de crédits malgré les réserves émises par les responsables d'évaluation, sans études préalables des projets, sans présentation de cautions valables, sans présentation des documents légaux, techniques nécessaires, sans prendre des hypothèques immobilières au profit de la banque, le non-respect de la procédure de mainlevée sur les crédits, octroi de crédits à des clients contentieux chez les confrères, octroi de lignes de crédits à des projets qui n'ont jamais démarré, transfert de crédits d'un client à un autre sans accord préalable de la commission des crédits, exonération de dettes de plusieurs clients vis-à-vis du CIH… Les déclarations des suspects - Abdelhak Benkirane est poursuivi dans le cadre de 27 dossiers qui concernent : L'affaire Dounia Hôtels : lors de son audition par la BNPJ, Abdelhak Benkirane a répondu que tout ce qui a été dévoilé par la commission d'enquête parlementaire concernant cette affaire est nul et non avenu puisqu'il n'a pas été relevé certaines informations utiles à l'enquête. Le projet du Palais des congrès et l'hôtel Mansour Eddahbi représentent, selon l'accusé, 75 % des engagements de la société Dounia Hôtels ( le reste étant des petits hôtels ). Le CIH a pris toutes les garanties nécessaires surtout après le refus du PDG pour cause de rendement insuffisant du projet. Et ce n'est qu'après intervention du ministre des Finances et de la privatisation qui a fourni les garanties signées pour la construction du Palais des Congrès. “Contrairement à ce qui a été avancé par la Commission d'enquête parlementaire, la garantie personnelle de Abdelhadi Alami se trouve parmi les pièces versées dans le dossier”, selon l'ordonnance d'inculpation ( page 113 ). En ce qui concerne le non-déclenchement des poursuites contre le promoteur Abdelhadi Alami, Abdelhak Benkirane le lie au fait qu'à l'époque la conjoncture a été marquée par la première guerre d'Irak et son impact négatif sur le secteur du tourisme, ce qui a poussé plusieurs promoteurs touristiques à ne pas honorer leurs engagements vis-à-vis du CIH. Selon Abdelhak Benkirane, le CIH a décidé par la suite d'un commun accord de réechelonner l'ensemble des dettes du promoteur cité qui n'a pas respecté ses engagements. Ce qui a poussé les responsables de la banque à ester en justice d'avoir une saisie conservatoire sur l'hôtel en attendant la décision définitive de la justice. L'affaire Sokobson : Abdelhak Benkirane a déclaré, en ce qui concerne ce dossier, qu'il n'a été qu'un observateur lors de la réunion du comité de crédit et que de ce fait il ne dispose d'aucun droit pour prendre des décisions concernant les projets soumis à l'étude, puisqu'il appartient à ce comité de trancher et de prendre les décisions. Pour ce qui est de la différence avérée entre la valeur du terrain établie par l'expertise réalisée par le CIH ( sa valeur est de 30 millions de Dhs ), Abdelhak Benkirane a déclaré qu'il ne peut pas, de par sa fonction, intervenir dans ce processus qui relève plutôt de la responsabilité des experts. Sa signature avec celle du PDG de la banque sur les documents de la commission est, selon, lui, une pratique courante exigée par la procédure en vigueur au CIH. Cependant, sa signature sur le contrat de l'assistance technique, auprès de celle de Mohamed Bouhlal, a été dictée par le PDG Othmane Slimani. L'affaire Mourad Sakane : dans cette affaire, Abdelhak Benkirane a attesté que l'octroi du crédit octroyé par la banque n'est nullement contraire aux dispositions des procédures en vigueur au CIH. Et quand il a remarqué que la première tranche du prêt a été effectivement débloquée, il a autorisé la deuxième tranche de crédit pour le financement du projet. Cependant, il a nié le fait qu'il ait reçu des instructions de la direction générale pour transmettre le dossier de Mourad Sakane au service de recouvrement. En ce qui concerne le non-remboursement des dettes par le promoteur après avoir vendu les logements et les commerces, Abdelhak Benkirane a déclaré, que le CIH ne peut contrôler et suivre toutes les opérations du client dans les étapes de la commercialisation du projet puisque celui-ci recevait des avances en contrepartie des bons sans pour autant que le CIH ne lui délivre les mainlevées. Affaire Atlantique Palace : Abdelhak Benkirane a déclaré à ce sujet que les décisions ont été prises, pour ce dossier, par d'autres instances relevant de la direction générale de la banque. De même que le projet a connu des modifications en ce qui concerne les plans, la superficie construite et le classement de l'hôtel qui est passé de 4 étoiles à 5. Ce qui a poussé la commission à rectifier les critères de financements en lui octroyant d'autres lignes de crédits. Il a précisé qu'il ne faisait que siéger au sein de la commission interne qui n'a aucun pouvoir de décision. Et c'est le PDG qui assume toutes responsabilités dans cette affaire. *Affaire Kabila Marina : Abdelhak Benkirane a donné son accord pour l'octroi des crédits pour le financement du projet Kabila Marina quoiqu'il ait cumulé des dettes importantes non recouvrées jusqu'à présent. Son accord est justifié, selon lui, sur la base des décisions d'évaluation émanant de Nourredine Berrechid, responsable du service des projets à caractère touristique qui lui a assuré que toutes les créances allaient êtres réglées avant de donner la mainlevée. Abdelhak Benkirane a ajouté que les avantages dont bénéficiait le promoteur ont été autorisés par le PDG Othmane Slimani ainsi que les exonérations qui n'ont jamais été décidées au niveau du Conseil d'administration de la banque. *Affaire de Feu Alaoui M'hamedi : Abdelhak Benkirane a avancé à propos de cette affaire que la commission interne du CIH a accordé un prêt au profit de Alaoui Mhamedi en vue d'acquérir et d'aménager une clinique sous réserve d'honorer d'autres dettes contractées auprès de la banque. Ce qui n'a pas été respecté puisque la banque, sous la responsabilité de Wali Allah, qui a proposé la consolidation de l'ensemble des dettes du client avec des pénalités de retard. En ce qui concerne les PLPT, Abdelhak Benkirane a déclaré qu'il assume toutes les responsabilités à ce sujet et qu'il a le droit d'ordonner ce genre de mesures sans avoir recours à la direction générale. Affaire “Promo clinique” Clinique Al-Hakim : les lois en vigueur au sein du CIH agréent le financement des projets immobiliers à hauteur de 70 % de la valeur de la garantie. Concernant cette affaire, Abdelhak Benkirane déclare que exceptionnellement, la banque a financé la totalité du projet, soit 100 %, après intervention directe du PDG Othmane Slimani qui a suivi, lui-même, toutes les étapes du dossier. Même en sa qualité de directeur général, Abdelhak Benkirane a précisé qu'il n'a jamais pu transmettre ce dossier au service du recouvrement. Affaire KSA : En ce qui concerne l'entrée en action du citoyen saoudien Soulaïmane Alfifi en tant que nouveau client du CIH et son engagement personnel à supporter une partie des créances de KSA, Abdelhak Benkirane a déclaré à ce propos que cette opération s'est effectuée après consentement des promoteurs du projet. Cependant, la reconstitution des créances de la société et la mutation des garanties, selon Abdelhak Benkirane, ont été décidées par le PDG de la banque et que la commission interne de la banque n'a jamais pris connaissance du contenu du dossier KSA. Et pour ce qui est des mainlevées signées par Abdelhak Benkirane et Ouali Allah pour les garanties personnelles présentées par Allal Karakchou, Hamid Karakchou, Saïd et Amal Karakchou, Abdelhak Benkirane a répondu que tout a été fait sur instruction du PDG de la banque. Affaire Palm Dune : Abdelhak Benkirane a soutenu que tous les crédits accordés par la banque ont respecté les règlements et que son rôle se limitait au conseil puisque c'est la commission relevant de la direction générale qui a le droit d'accorder ou non un crédit. De même, il a ajouté que le promoteur du projet a bien précisé à la commission qu'il allait céder ses actions à un promoteur saoudien (Boukhari Amine Alaoui). La mainlevée sur la caution personnelle du promoteur a été décidée, après acceptation de la dite commission ainsi que Moulay Zine Zahidi, ce qui a provoqué un préjudice important à la banque. Affaire Noufajil : en ce qui concerne l'autorisation accordée par la banque pour le prélèvement à hauteur de 300 000 Dhs, et l'avance de l'ordre de 400 000 Dhs dont a bénéficié la société Noufajil, Abdelhak Benkirane a déclaré qu'il n'a pas été informé à ce sujet. Toutefois, il a reconnu avoir autorisé l'octroi de cette avance sous réserve d'une hypothèque sur un bien du client. *Crédit Jeunes promoteurs et Sadik Loubna : de l'avis d'Abdelhak Benkirane, les crédits accordés à Sadik Loubna, dans le cadre du Crédit jeunes promoteurs, ont respecté toute la procédure bancaire puisque le CIH ne peut exiger d'intérêts sur les crédits accordés aux jeunes promoteurs. Affaire Société Simos : Abdelhak Benkirane a reconnu avoir accordé les crédits sans pour autant abuser ni détourné les sommes qui ont été destinées à l'ONE. Affaire Bargach : Abdelhak Benkirane a déclaré que tous les crédits accordés au groupe Abdelfettah Bargach ont été décidés sur la base d'études d'évaluation précises et claires. Cependant, la guerre du Golfe a mis le groupe dans des difficultés financières qui ne lui ont pas permis d'honorer ses engagements. De plus, le rééchelonnement des dettes dont a bénéficié le client lui a été accordé par une commission interministérielle en 1995 pour lui permettre de régler ses créances vis-à-vis du CIH. L'exonération des pénalités a été décidée par le gouvernement dans le cadre d'une stratégie visant à encourager les promoteurs touristiques. Affaire Balafrej : à propos de ce dossier, Abdelhak Benkirane a déclaré qu'il a autorisé les lignes de crédits à la société Yakout sur la base des prérogatives qui lui sont données. Le reste, comme les garanties hypothécaires, relève de la compétence de la commission interne des crédits. Il a ajouté que les avis qu'il émet lors des réunions de la commission d'étude ne sont pas définitifs en soulignant qu'il fallait traiter ce dossier avec une certaine souplesse surtout qu'il s'agit là du financement du projet des 200 000 logements au profit d' une tranche de population défavorisée. Affaire Société Oum Rabie : Abdelhak Benkirane a précisé que toute la procédure a été respectée pour le traitement de ce dossier qui a été étudié au niveau du service que dirige Taoufik Jaïdi. Affaire des acquisitions de la banque : Abdelhak Benkirane a déclaré qu'après restructuration de la banque, toutes les opérations d'acquisitions étaient supervisées par le secrétariat général de la banque qui recevait les directives du PDG, Moulay Zine Zahidi. Abdelhak Benkirane a cependant nié le fait d'avoir servi d'intermédiaire dans le cadre de ces opérations.