La Cour d'Appel de Casablanca a condamné, jeudi, par contumace l'ex-président du Crédit immobilier et hôtelier (CIH), Moulay Zine Zahidi, à 10 ans de prison ferme et à des peines allant de 5 ans de prison ferme à 1 an de prison avec sursis, 13 autres personnes poursuivies dans le cadre de l'affaire CIH pour "dilapidation de deniers publics et mauvaise gestion". Ainsi la Cour a condamné Ahmed Skalli et Naima Hayam à 5 ans de prison ferme chacun, Abdelahak Benkirane à 3 ans de prison dont 2 ans ferme, Abderrazak Waliallah et Driss Hamri à 2 ans de prison ferme chacun, Rakia Jaaydi à 2 ans de prison dont 1 an ferme et Abdellah Haimar à 2 ans de prison avec sursis. Pour leur part, Ahmed Basset, Aouragh Belkacem, Kamal Agheznay, Mokhtar Semlali Ansari, Mohamed Bennani et Mouhcin Laaraychi ont écopé chacun d'un an de prison avec sursis. La Cour a en revanche acquitté quatre personnes, en l'occurrence Othmane Slimani, Zakaria Machich, Alaoui Moulay Arafa et Abdellatif Sadek. L'affaire remonte à janvier 2001 lorsqu'une commission d'enquête parlementaire a rendu public un rapport qui a relevé une série de malversations et d'irrégularités constatées dans la gestion de la banque. Parmi les mis en causes figurent des ex-responsables de la banque, des directeurs généraux, des directeurs centraux et régionaux, des directeurs d'agences et des clients bénéficiaires de crédits en dehors des procédures légales et organisationnelles. MAP Moulay Zine Zahidi : Récit d'un homme naufragé Moulay Zine Zahidi, ex-PDG du CIH, dit une chose et prétend le contraire. Du haut de ses 70 ans, cet homme, dont le nom est lié à l'un des plus grands scandales financiers au Maroc, a du mal à assumer sa part de responsabilité. S'il y a bien un art où Moulay Zine Zahidi devrait exceller, c'est bel et bien celui de la contradiction. Dans une récente interview au quotidien espagnol «El Mundo», publiée sous le titre «Je suis sous la pression de Mohammed VI», l'ex-PDG du CIH attribue la responsabilité de la banqueroute du CIH à des symboles forts de l'Etat marocain. «Si j'ai fui mon pays, c'est parce que Mohammed VI l'a voulu», a-t-il déclaré dans cette interview. Mais l'ancien commis de l'Etat, cité à comparaître devant la Justice, ne veut rien entendre à ses affirmations. Dans une déclaration à ALM, il dément «formellement vouloir attaquer le Roi». «J'ai trop de respect pour le Roi du Maroc pour m'amuser à l'attaquer», a-t-il affirmé, ajoutant que «cela ne me vient même pas à l'esprit». Nous ne sommes plus face à l'image de «l'opprimé du régime» qu'il a bien voulu cultiver sur les colonnes d'El Mundo, loin de là. L'ancien ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Privatisation, sous le règne du défunt Roi Hassan II, en veut pour preuve son «passé» qui devrait témoigner de son «attachement à la famille Royale». Ce n'est pourtant pas ce que laisse entendre le titre de l'interview, publié en gros caractères sur les colonnes d'El Mundo. «Le titre de l'interview n'est pas de moi», déclare-t-il. Or, M. Zahidi ne fait là que défoncer une porte ouverte. Si le titre de l'interview relève, effectivement, de la responsabilité de la publication, il n'en reste pas moins que c'est une citation relevée des déclarations de M. Zahidi. Parmi ces déclarations, il y en a bien d'autres qui dénotent une volonté délibérée de l'interviewé de se dérober de sa part de responsabilité dans le scandale financier du CIH. «Personne dans le pays ne peut ne pas appliquer un ordre du Roi. Le Maroc n'est pas l'Espagne, ni la Grande-Bretagne», a-t-il présumé. Mais de quoi le Roi Mohammed VI est-il comptable au juste ? Interrogé sur ce dernier point, il coupe court à la discussion en affirmant qu'il ne veut faire aucun commentaire à ce sujet. L'homme montre cette fois du doigt «la corruption de la justice». «Ce n'est absolument un mystère pour personne. La Banque mondiale l'a suffisamment souligné dans ses rapports», argue-t-il. C'est cette raison, paraît-il, qui serait à l'origine de sa dérobade. «De quelle justice êtes-vous en train de me parler?», s'interroge-t-il sur les colonnes d'El Mundo. «C'est une justice qui sert à régler des comptes avec des personnes comme moi, parce que je n'ai pas voulu être un corrompu», relève-t-il. A la question de savoir ce que la justice lui reproche au juste, il répond : «On me reproche d'avoir renouvelé deux voitures à l'identique et restauré une maison qui appartient au CIH et que j'ai laissé au CIH». Voilà, semble-il, ce que la justice reproche à M. Zahidi. Reste à savoir de quoi il a peur pour se présenter à la justice ? «J'ai peur de l'injustice, d'être victime d'une grave injustice», confie-t-il à ALM. Dans un autre propos, il invoque des «raisons de santé» pour expliquer ce refus de rentrer au pays. Dans le feuilleton d'accusations distribuées à tout vent par M. Zahidi, il pointe du doigt un autre «bourreau» : la presse marocaine. «Quand l'affaire du CIH s'est déclenchée en 2000, il y a eu un lynchage médiatique absolument innommable», accuse-t-il, en évoquant «une réelle infamie» indigne du métier d'information qui est celui du journalisme. «Tout était orienté, rien à décharge, tout à charge», déplore-t-il. Reste à savoir si un quotidien comme El Mundo, où M. Zahidi a choisi de s'exprimer, répond aux critères d'objectivité, et donc de crédibilité, pour s'attaquer aux symboles de son pays. Ne cherche-t-il pas à servir la soupe à une tribune, qui a d'ailleurs fait de l'intox anti-marocaine sa ligne éditoriale ? Une chose est sûre : Le choix est loin d'être fortuit, cela sent réellement le règlement de comptes. Et tant qu'à parler de règlement de comptes, M. Zahidi n'a pas ménagé ses mots dans l'interview qu'il a accordée à ce quotidien espagnol pour descendre de hauts cadres de l'Etat, qu'il a condamnés sans appel. Sur le détournement d'à peu près 14 milliards DH, il met leur évaporation sur le compte du refus de promoteurs immobiliers, comme Farouk Bennis, qu'il a présenté comme l'un des «protégés» du Palais royal, de rembourser leurs créances. «Je me suis adressé à des gens très puissants qui ne voulaient pas rembourser l'argent du CIH», dit-il. Mais, d'après M. Zahidi, ce n'est pas ainsi que l'a entendu la commission parlementaire qui a été chargée d'enquêter sur le scandale financier du CIH. «Cette commission n'a pas dit la moitié de ce qui a été dit lors de mon audition et mon témoignage», critique-t-il. Tout bien considéré, M. Zahidi croit être victime de tout le monde. Alors qu'il ne s'est toujours pas présenté devant la justice pour se défendre, il préfère la fuite en avant en puisant dans le registre de la «victimologie». Il donne le sentiment d'être un homme perdu. Mise en délibéré de l'affaire CIH La chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca devait mettre jeudi en délibéré l'affaire du CIH. Au total, dix-huit personnes sont poursuivies dans le cadre de cette affaire. Moualy Zine Zahidi, ex-président directeur général du CIH, est l'un des principaux suspects dans cette affaire. Avec d'ex-directeurs centraux du CIH, dont Oauali Allah et M. Benkirane, il est soupçonné de dilapidation et de détournement de fonds, abus de pouvoir, falsification de rapports banquiers, entre autres accusations. Lors d'une audience mardi, le Parquet général de la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca a attribué aux suspects poursuivis en état de liberté l'accusation de dilapidation de l'argent du CIH, considérant que les documents dont le tribunal est en possession, ainsi que les rapports du CIH et ceux de l'expertise, confirment l'implication des accusés dans les délits qui leur sont reprochés. Le principal suspect, Moulay Zine Zahidi, a été le grand absent de l'audience de jeudi. En fuite à l'étranger, et plus particulièrement au Portugal, il a choisi toutefois le moment opportun pour commettre une sortie médiatique fracassante sur « El Mundo ». Dans une interview accordée au quotidien espagnol, l'ancien patron du CIH, également ex-ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Privatisation sous Feu Hassan II, a déclaré n'accorder aucun crédit à la justice marocaine, qu'il a qualifiée (voir l'article ci-haut) de « justice corrompue ». «Ce n'est un mystère pour personne. La Banque mondiale l'a suffisamment confirmé», a affirmé M. Zahidi dans une déclaration à ALM. M. Zahidi, qui aurait acquis en 2005 la nationalité espagnole, veut s'octroyer le statut à la fois de la victime et du justicier. En refusant de rentrer au pays pour rendre des comptes à la justice, il a préféré le chemin de « l'exil » invoquant, par-ci, la « partialité » de la justice marocaine, et par-là, « des raisons de santé ». Mais jusqu'où se poursuivra cette « fuite en avant » ? Une chose, cela étant, reste sûre : c'est à la justice, et rien qu'à la justice, que revient le dernier mot. On n'est pas en face d'une affaire anodine, d'autant plus qu'il s'agit de l'argent des contribuables : à peu près 14 milliards DH se sont évaporés des caisses du CIH. Une dilapidation à grande échelle qui ne saurait passer dans l'impunité. L'heure de vérité a sonné pour les auteurs de ce crime. CIH : Les dessous d'un scandale financier L'été 2000, les Marocains se sont réveillés sur l'un des plus grands scandales financiers : détournement de 14 milliards DH des caisses du Crédit immobilier et hôtelier (CIH). Un véritable scandale aux ramifications complexes. Une commission parlementaire a été constituée pour enquêter sur la situation du CIH de 1985 jusqu'à l'an 2000. Le 9 janvier 2001, la commission, présidée par le député USFP, rend son rapport. Près de 52 dossiers de crédit sur 4.000 ont été examinés pendant l'enquête. Ceux des gros clients qui n'ont pris des crédits énormes qu'ils n'ont pas remboursés. Une dilapidation à grande échelle, dont les auteurs sont pour la plupart connus. Moulay Zine Zahidi, ancien patron du CIH, est épinglé en début du rapport. Ce dirigeant, ex-ministre du Commerce, de l'Industrie et de la Privatisation, n'aurait pas résisté non plus à l'envie de traire la mamelle du CIH. Pour le mobilier, il dépense plus de 4 millions DH. Ce n'est pas tout, il s'offre une voiture Volvo 960 pour 680.000 DH et deux mois plus tard, il achète une Mercédès série S 300 pour la bagatelle de 700.000 DH. Mais l'affaire ne s'est pas arrêtée à ce niveau. Les intérêts de retard et autres agios sont évalués à quelque 2,7 milliards DH. Sans oublier les dossiers de crédits passés par pertes et profits sans extinction finale de la dette. A cela s'ajoute les dettes purement effacées au nom du pouvoir discrétionnaire et le droit de transiger conférés aux dirigeants de la banque. Dire à quel point ces dirigeants ont poussé le clientélisme, le népotisme et le laxisme.